Les répercussions de l’accord de Genève, selon des spécialistes iraniens.
L'Iran a dénoncé vendredi la décision des Etats-Unis d'étoffer sa liste noire des entités soupçonnées de contourner le programme de sanctions contre Téhéran, estimant qu'elle était "contraire à l'esprit de l'accord de Genève" sur le nucléaire iranien.
"Le geste américain est contraire à l'esprit de l'accord de Genève" dans lequel les grandes puissances s'engagent à ne pas décréter de nouvelles sanctions contre l'Iran, a affirmé le négociateur iranien Abbas Araghchi, cité par l'agence Fars.
"Nous examinons la situation et nous aurons une réaction appropriée", a-t-il ajouté, au lendemain de l'interruption à Vienne des négociations techniques sur l'application de l'accord.
Arrêt des négociations techniques
L'équipe d'experts iraniens a interrompu jeudi soir ses négociations avec les experts du groupe 5+1, qui avaient commencé lundi pour rentrer à Téhéran pour des consultations, a indiqué un négociateur iranien aux agences de presse, sans préciser les raisons de cette décision, selon l'agence officielle Irna.
Cette annonce intervient après que les Etats-Unis ont annoncé jeudi avoir ajouté à leur liste noire une dizaine d'entreprises et d'individus soupçonnés de contourner le programme de sanctions internationales contre l'Iran.
Selon l'agence Mehr, citant des sources informées, les négociations qui
duraient depuis lundi entre l'équipe d'experts iraniens et les réprésentants
des 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Royaume-Uni, Russie et Allemagne) ont été
stoppées en raison des "nouvelles sanctions américaines" et "du manque
d'implication des Américains dans l'accord" de Genève.
L'Union européenne avait auparavant affirmé que la poursuite du travail
était "nécessaire" après quatre jours de discussions à Vienne. "Des
consultations auront lieu dans les capitales, en espérant que les négociations
techniques reprendront bientôt", avait expliqué Michael Mann, porte-parole de
la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton.
Selon l'accord signé le 24 novembre à Genève, qui vise à donner des
garanties à la communauté internationale de la nature purement pacifique du
programme nucléaire de Téhéran, l'Iran doit limiter pendant six mois ses
activités nucléaires en échange d'une levée partielle des sanctions
occidentales.
L'Union européenne et l'administration américaine se sont également
engagées à ne pas décréter de nouvelles sanctions liées au nucléaire.
L’Iran foulera au pied tout accord en cas d’atteinte à sa souveraineté
Les responsables iraniens avaient mis en garde contre l'adoption de nouvelles sanctions en affirmant qu'elles affecteraient l'accord de Genève.
Dans ce contexte, le vice-chef des gardes de la Révolution iranienne, le commandant Hussein Salami, a affirmé que son pays foulera tout accord en cas d’atteinte à sa souveraineté.
« Nous savons très bien comment faire face aux Américains…au moment où on sentira une quelconque atteinte à notre souveraineté, tous les accords seront foulés au pied », a assuré M.Salami, lors d’une conférence mercredi soir à l’ex-ambassade américaine à Téhéran.
Les répercussions de l’accord de Genève
Entre-temps, certains experts iraniens voient dans l’accord de Genève des répercussions sans précédent, alors que d’autres affirment que l’Iran a acquis des expériences en raison de ces sanctions.
Pour le vice président du comité de la sécurité nationale et de la politique étrangère au sein du parlement iranien, Mansour Hakikat Pour, l’accord de Genève a mis en échec les tentatives de diaboliser l’Iran. Les relations entre l’Iran d’une part et l’occident et les pays arabes de l’autre deviendront plus logiques, selon lui.
Et d’ajouter: « les consommateurs du pétrole iranien avaient beaucoup de difficultés dans la façon de payer, mais après l’accord de Genève un bon nombre de ces problèmes a été résolu ». M.Pour a prédit un développement dans le secteur banquier. « Les banques turques et tadjikes ont déjà été autorisées à traiter avec l’Iran», a-t-il dit.
Cependant, l’expert banquier Enayat Fahendaj estime qu’ « il est encore très tôt de parler des répercussions de l’allègement des sanctions qui prendra du temps pour entrer en vigueur ». Il a donné comme exemple l’Irak qui 10 ans après l’invasion américaine reste affecté par les sanctions imposées sous Saddam (ancien président irakien).
Selon M. Fahendaj, certains pays influents dans les décisions internationales profitent de telles sanctions. Ils sont actifs dans le marché noir, en vendant les marchandises auxquelles ont besoin les secteurs privé et public en Iran.
Pour sa part, le spécialiste dans le secteur de l’aviation civile, Mohsen Atabour, reconnait que les sanctions ont affecté ce secteur, mais il affirme que la créativité des ingénieurs iraniens a aidé à résoudre beaucoup de problèmes dans ce secteur. Iran Air n’a jamais arrêté son travail, a-t-il fait savoir.
De son côté, l’expert dans la navigation Hussein Mir Sadeqi, assure que « l’Iran a acquis beaucoup d’expérience en raison des sanctions. Il a su ses amis de ses ennemis. A mon avis, même après la levée des sanctions l’Iran n’aura pas de confiance avec les Européens et les Occidentaux, car il est possible qu’ils imposent de nouvelles sanctions contre l’Iran dans l’avenir. »