6.000 extrémistes syriens armés pourraient se réfugier entre Ersal et Tripoli.
Ceux qui ont prévu que 2014 sera une année de folie au Liban n'ont pas exagéré.
Dans le Qalamoun syrien, les préparatifs, commencés il y a deux mois, se poursuivent pour faire aboutir la dernière phase du plan de la discorde, qui vise à prendre le contrôle totale de cette région laquelle assure une continuité territoriale entre le Liban et les zones syriennes aux mains de l'opposition.
Malgré les conditions climatiques difficiles, le régime syrien se voit contraint de terminer sa tâche dans le Qalamoun avant la conférence de Genève 2, afin de renforcer ses positions dans les négociations. De son côté, et pour les mêmes raisons, l'Arabie saoudite semble déterminée à obtenir de grandes réalisations sur le terrain, qui lui permettraient de briser les équilibres actuels. Des diplomates ont clairement entendu le prince Bandar ben Sultan assurer qu'il n'y a d'autres choix que d'entrer dans une confrontation acharnée avec le régime syrien. Et en fin de compte, celui qui l'emportera imposera ses conditions à la table des négociations.
Il est vrai que la dernière bataille dans la Ghouta a permis de repousser les assaillants et s'est soldée par une défaite pour les forces de l'opposition. Mais les succès initiaux qu'elles ont enregistrés au début de l'offensive ont encouragé les acteurs qui les soutiennent à planifier d'autres attaques.
Partant de là, la dernière attaque contre la localité de ‘Adra suscite des interrogations. Cette zone multiconfessionnelle est considérée comme un grand dépôt de blé et de farine et n'a pas une importance militaire particulière. C'est vrai que les rebelles ont perpétré des massacres pour effrayer les minorités et ont dérobé quelque 100.000 tonnes de farine. Mais ils n'en avaient pas vraiment besoin. Ce qui signifie que l'objectif de l'attaque était de disperser les forces du régime en prévision d'une offensive contre une région stratégique de Damas, exactement comme cela s'est produit à Maaloula, où le but était de disperser les forces qui participaient à l'offensive dans le Qalamoun.
La perte du Qalamoun constituerait pour les rebelles un coup dur. Mais le plus dangereux, pour le Liban, est que les forces rebelles, qui appartiennent aux groupes islamistes radicaux, se préparent à venir au Liban après la perte de Yabroud.
On dit que quelque 6.000 combattants se réfugieront dans les régions de Ersal et du Akkar, pour prendre position dans des endroits déjà définis, de manière à relier Ersal à Tripoli, via le Akkar. Ces 6.000 hommes armés viendront s'ajouter à ceux qui sont déjà sur place. Ils pourront bénéficier d'un environnement favorable fourni par les réfugiés syriens dans ces régions, et dont le nombre atteint, uniquement à Ersal, près de 30.000 personnes.
Ces hommes armés affronteront le Hezbollah et sa base populaire, ce qui présage un élargissement de l'étendue de la confrontation. Le sort des villages chrétiens qui se trouvent dans la zone d'affrontement, allant de Qaa au Akkar, sera incertain. Les frictions, qui commenceront entre Ersal d'un côté, Baalbeck et Hermel de l'autre, se propageront très vite.
Naturellement, l'Armée libanaise reste le seul obstacle susceptible de faire face aux dangers attendus. C'est pour cela que la troupe s'active, autant que possible, pour lutter contre l'infiltration d'hommes armés de Syrie. Il faut s'attendre dans la période à venir à une intensification de la campagne contre l'institution militaire. Les attaques du style de celles qui se sont produites à Saïda, de même que les campagnes de dénigrement de l'armée lancées dans les mosquées, comme à Tripoli, où elle a été accusée de cibler une communauté bien déterminée, vont se multiplier.
Ces campagnes ont trois objectifs: 1- Disperser l'attention de l'armée en ouvrant plusieurs fronts simultanément. 2-La paralyser en l'accusant de discrimination entre les factions libanaises, ce qui limitera son champ d'action à Ersal et au Liban-Nord. 3-Impliquer les Palestiniens, qui ont une grande expérience militaire, dans le conflit interne libanais.
Dans ce cadre, on assiste à un démembrement du mouvement Fatah, à Aïn el-Héloué, au profit des groupes islamistes. Sans oublier la présence dans ce camp de quelque 25000 Palestiniens venant du Yarmouk, près de Damas.
Il n'est plus un secret que ces affrontements pourraient éclater simultanément à Saïda-Aïn el-Héloué, la Békaa centrale (Bar Elias-Chtoura-Saadnayel), Beyrouth, Tripoli et, bien entendu, la Békaa du Nord.
Johnny Mnayyar, journaliste libanais indépendant
Al Joumhouria, journal proche du 14-Mars-Médiarama