Futur et Qaida comme Dupont et Dupont
Jamais un mufti de la république au Liban n’a été humilié, par des membres de sa propre communauté, comme ce fut le cas dimanche avec cheikh Mohammad Rachid Kabbani.
La scène qui le montre est insoutenable. Surtout lorsqu’il a été traité de tous les noms par des membres du courant du Futur. « Il n’est de Dieu que Dieu, le mufti est l’ennemi de Dieu », ont scandé des partisans du courant du Futur, soutenu par l’Arabie Saoudite, à sa vue, alors qu’il rentrait dans la cour de la mosquée.
« Lorsqu’un j’ai entendu ce slogan, j’ai compris qu’ils voulaient me tuer, je me suis rendu entièrement à Dieu et soumis à sa destinée », a raconté cheikh Kabbani, plus tard, de retour au siège de la Maison du Décret Islamique.
Dans un premier moment, il s’est trouvé coincé dans la mosquée Khachekji, où se tenait la prière sur l’âme de l’adolescent tué lors de l’attentat meurtrier contre Mohammad Chatah, Mohmmad Chaar. Même le religieux qu’il avait envoyé pour diriger la prière sur l’âme du jeune martyr avait été écarté, pour donner la place à un autre religieux, partisan du Futur, Ahmad Al-Omari, et dont l’allocution ne consistait qu’en des cris hystériques contre le Hezbollah, le traitant du parti du diable.
N’ayant pu faire marche arrière, le mufti était resté enfermé pendant deux heures dans l’un des salles de la mosquée, tandis que les partisans du Futur attendaient sa sortie. Ce n’est finalement qu’après l’intervention d’une unité de l’armée, épaulée par une unité du Département des Renseignements qu’il s’en est tiré. Sans échapper aux bousculades et insultes des membres du Futur, il a même été décoiffé de son turban, avant de s’engouffrer dans un véhicule de l’armée.
Nombreux sont ceux qui déploré ce qui s’est passé. Le mufti de Tripoli cheikh Abdel Karim Chaar, pourtant proche du Futur, a qualifié l’acte d’inadmissible.
Le mufti de Saïda, Cheikh Ahmad Mehyeddine Nassar l’a qualifié « d’acte condamnable, inadmissible et honteux ».
Selon lui, ce sont les discours qui ont été prononcés par les dirigeants du Futur et du camp du 14-Mars durant les obsèques de l’ancien ministre Mohammad Chatah et qui s’étaient marqués par leur hostilité au Hezbollah en particulier qui ont été le prélude à cette agression, qualifiant de « basse tentative politique » le fait de considérer l’attaque comme étant « le pouls de la rue ».
« Pensez-vous que c’est avec ce genre de discours que vous allez protéger le pays de la discorde et des assassinats, et soutenir la révolution syrienne ? Pensez-vous que c’est avec cette vision, cette méthodologie et cette dépendance que vous allez pouvoir dialoguer comme vous le prétendez et que vous allez préserver la communauté sunnite, sa présence, ses institutions ou que vous allez préserver la paix civile », a-t-il aussi interrogé les membres du Futur les soupçonnant de ne vouloir servir que leurs propres intérêts.
La rencontre des Associations et des personnalités islamiques au Liban a aussi dénoncé l’acte fustigeant « ceux qui utilisent le confessionnalisme pour des fins agressives et qui n'appartiennent de par leurs actions a aucune communauté ni aucune religion ; mais ne font que servir le projet américano-sioniste soutenu hélas par certains pays arabes pour démembrer notre région ».
L’ancien Premier ministre Sélim El-Hoss qui a insisté sur la nécessité de respecter les personnalités religieuses. Le Premier ministre sortant Najib Mikati aussi a affiché une certaine condamnation, mélangée toutefois d'un reproche adressé au mufti, comme quoi il devrait démisionner de son poste.
Pourtant, la raison principale pour laquelle cheikh Kabbani a été honni par le Futur a été celle d'avoir admis la désignation de Mikati à la tête du gouvernement libanais.
Dans l’introduction de son édition de dimanche soir, la chaine de télévision AlManar s’est interrogé : « S’ils ont de la sorte humilié la personne de leur mufti, tout en sachant le symbole qu’il représente, quel pourrait donc être le sort des références et des personnalités des autres... Si leur méthode et leur comportement sont de la sorte dans leur propre mosquée, quel comportement faut-il prévoir de leur part dans les lieux de cultes des autres communautés ».
Un important journaliste libanais, Rafic Nasrallah s’est même étonné que le chef des Forces Libanaises, lequel entretenait des liens étroits avec l’ennemi sioniste, puisse être accueilli en pompes dans cette mosquée, alors que le mufti soit de la sorte dénigré ?
Apparemment embarrassé par ce débordement qui dévoile leur face cachée, alors qu’ils ne cessent de vanter leur civilité, les représentants du courant du Futur ont recouru à leurs manœuvres devenues désormais aussi usuelles qu’usées : imputer au Hezbollah leurs vilénies.
« C’est le Hezbollah qui veut mettre la main sur l’Instance du Décret, et qui a mis la puce à l’oreille du mufti Kabbani de participer aux obsèques », a prétendu Khaled Zahramane, un député du Futur.
Avant lui, c’est le député du parti islamique Jamaa Islamiyya Imad al-Houte qui a véhiculé ce mensonge, sans nommer le Hezbollah, s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles il a tenu à participer aux obsèques.
Cheikh Kabbani a lui-même répondu à cette question, assurant avoir été affligé par la vue des parents du jeune martyr Mohammad Chaar en sanglots et qu’il s’est décidé à venir en personne pour les consoler.
D’aucun au sein du Futur semble être convaincus que l’agression contre le mufti est l’une de plus grosses erreurs commises: Elle a eu pour effet de détourner l’attention des obsèques de Chatah et écorche l’image du Futur. (site elnashra). .
Or l’évènement est loin d’être unique. Lors de l’enterrement de l’ancien chef du Département des renseignements le colonel Wiam al-Hassan, entre autre, des participants ont lancé l’assaut contre le siège du gouvernement libanais.
Il n’a rien non plus d’exceptionnel au comportement du Courant du Futur qui excelle dans ses velléités d’élimination de ses adversaires politiques.
Dans le fond, il ne diffère pas des takfiris (takfiristes) qui s’adonnent l’élimination physique et aurait fait de même, s’il en avait les moyens!