Selon l’intellectuel palestinien Mounir Chafik les dirigeants de l’Autorité palestinienne ont pris "une position stupide" en se fiant aux Américains
L’intellectuel palestinien Mounir Chafik, et l’un des théoriciens du conflit arabo-israélien a mis en garde contre les négociations en cours entre Israélien et Palestiniens, sous le parainnage des Américains, en raison des concessions dangereuses qui les dirigeants de l’Autorité palestinienne sont en train de faire.
Dans une interview accordée à la chaine AlManar, il a abordé les derniers développements, et surtout les négociations en cours.
Obsèques Mandela: Hypocrisie internationale
Interrogé sur les leçons tirées par les Palestiniens de la mort de Nelson Mandela. Chafik a fait état d’une « hypocrisie internationale lors des obsèques du dirigeant sud-africain Nelson Mandela et surtout de la part des pays occidentaux. Ces derniers l’avaient poursuivi, accusé de terrorisme et publié des jugements à son encontre ».
Et d’ajouter : « Le fait de le présenter comme un homme de paix et de compromis, etc…n’est pas suffisant. Mandela a un grand passé. Il est le modèle du militant droit et courageux et qui a beaucoup patienté pour préserver ses principes et réaliser les objectifs de son peuple ».
Lien entre l’Apartheid et le sionisme
« Moi, je vois qu’il y a un lien historique et stratégique entre le colonialisme en Afrique du sud et l’occupation de la Palestine. Mais, ils ne sont pas à la même hauteur. Le sionisme en Palestine est plus dur et plus néfaste. Il est plus vaste que celui des colonisateurs qui ont pris le contrôle de l’Afrique du sud. Ces derniers pratiquaient la discrimination envers les autochtones. Alors que le projet sioniste en Palestine vise à déraciner les Palestiniens et les expulser totalement de la Palestine », a-t-il dit.
Et de conclure : «Il n’y a pas de régime d’Apartheid en Palestine mais un plan d’extermination et d’anéantissement racial. Il est important de percevoir cela en parlant de Mandela pour ne pas confondre les choses.»
L’entité sioniste fait partie de la stratégie mondiale de l'occident
Pour M. Chafik, « le problème dans notre région est qu’il est interdit aux arabes de s’unir et de mettre la main sur leurs richesses et capacités ».
Il a ajouté que « l’Occident considère toujours l’entité sioniste comme une partie principale de sa stratégie mondiale, comme elle l’a été dans le passé. Les dernières déclarations d’Obama et de Kerry ont insisté sur le fait qu’il n’est pas question d’abandonner l’entité sioniste. Moi, je pense que notre combat se poursuivra avec l’entité sioniste -bien que je sois sûr et certain que l’avenir de cette entité est voué à la disparition à l’instar des racistes en Afrique du sud- prendra du temps ».
Le partage de la Palestine avec l’occupant
S’agissant du cours des négociations israélo-palestiniennes, Chafik poursuit :
«Heureusement, l’entité sioniste, les Etats-Unis et l’Occident ne veulent pas donner d’Etat aux Palestiniens sur les frontières de 1967, parce qu’ils veulent donner toute la Palestine à l’entité sioniste et ne rien laisser qu’une infime partie aux Palestiniens.
John Kerry a proposé lors des négociations 30 % de la Cisjordanie aux Palestiniens pour instaurer ce mini-Etat. Les Américains ne veulent même pas de la solution de deux Etats. Bien que je la considère catastrophique et la rejette catégoriquement ».
Pour M. Chafik, la solution réside dans la libération de toute la Palestine.
«L’entité sioniste est un cancer, comme le disait l’Imam Khomeiny (fondateur de la République islamique d’Iran). Et moi, je pense qu’il n’y aura pas de solution. Les Etats-Unis et leurs alliés misent sur la faiblesse de l’Autorité palestinienne, dont beaucoup de ses membres sont tributaires des salaires et de l’aide étrangère, sans oublier les pressions exercées contre eux ».
Les négociations très dangereuses
Il a en outre estimé que «les membres de l’Autorité palestinienne ont opté pour une position idiote en se rendant dépendant des Etats-Unis qui adoptent corps et âme le projet sioniste. Le négociateur palestinien a reconnu que le projet présenté par Kerry n’est autre que celui de Netanyahu de discuter des questions sécuritaires et de confisquer les territoires palestiniens. L’autre partie n’évoque même pas les frontières de 1967».
Et d’ajouter: «Il ne faut pas banaliser les négociations, comme le font certaines factions proches de l’Autorité palestinienne. Ces négociations sont très dangereuses. Dès le début, elles n’ont abouti qu’à des concessions d’envergure».
« Au début de ces négociations, ils considéraient le mur de séparation comme frontière. Les Palestiniens ont accepté de commencer les négociations par la question du mur, puis ils ont accepté de discuter du sort de la Transjordanie et maintenant ils veulent évoquer les barrages de sécurité et la manière de coexister avec les groupements de colons.
Même à propos de Jérusalem, les Américains proposent que la Vieille Ville requière un statut international. Cependant, ils veulent accorder l’ouest et l’Est de Jérusalem aux Israéliens et ne de donner aux Palestiniens qu’un ou deux villages des banlieues annexées à Jérusalem», a-t-il averti.
Les négociateurs ont renoncé à 80% de la Palestine
Pour Chafik, « même si ces négociations n’aboutissent pas, cela veut dire que l’Autorité s’est arrêtée à un point où elle a fait des concessions dangereuses en faveur de l’entité sioniste. Et par conséquent, le nouveau round des négociations reprendra d’où il s’est arrêté la fois précédente. Cela veut dire que le négociateur palestinien n’est pas honnête quand il dit qu’il veut un Etat conforme aux frontières de 1967, ou quand il réclame les 20 % des territoires de la Cisjordanie. Celui qui renonce à 80 % de la Palestine, il lui sera facile de renoncer à Jérusalem.
Les Etats-Unis n’accordent aucune importance à ceux-là. Ils ont par contre peur de l’éclatement d’une Intifada, ils craignent les forces de résistance, ils craignent l’explosion de la situation palestinienne. Ceux qui présentent des concessions commettent de grands péchés qu’on ne doit pas pardonner, couvrir ou justifier. Il est inadmissible que les Palestiniens présentent des concessions. Il nous suffit ces concessions.
Comment les négociations se passent
Comment les négociations se passent. Le négociateur palestinien se fixe un plafond, comme cela a eu lieu lors des négociations à Camp David, Oslo et après Oslo. Il fait des concessions, l’autre partie propose de nouvelles concessions que le palestinien refuse. On croit alors que les négociateurs palestiniens sont fermes et n’ont pas fait des concessions. Les négociations s’arrêtent alors, puis elles reprennent d’où elles se sont arrêtées.
Celui qui entravait le succès des négociations c’est Netanyahu. A chaque fois qu’il obtenait des concessions il en demandait plus. Et c’est là le problème.
Obama n’est pas stupide
M.Chafik a dans ce contexte commenté les propositions américaines parlant de la conclusion d’un accord intérimaire afin de reporter les détails à une phase ultérieure.
Pour lui, « Obama n’est pas stupide mais un vendu au sionisme. Obama croit que les Palestiniens sont prêts à vendre Jérusalem, la Cisjordanie, le dossier des réfugiés en échange d’un bien-être économique dépendant de l’aide des pays du Golfe. Obama pense que les Gazaouis vont être séduit par ce bien-être qu’il promet aux Palestiniens dans quelques parties de la Cisjordanie et ils vont à leur tour demander qu’ils soient traités de la sorte. Obama méprise les Palestiniens lorsqu’il les croit attachés à l’argent et aux salaires. Il est compréhensible que les Américains ne respectent pas Mahmoud Abbas vu que lui et son entourage n’ont pas pris de décisions fortes.
Un front de jeunes réclamant toute la Palestine
Sur l’avenir, M. Chafik s’est toutefois dit optimiste, car il a fait état d’ «une coalition de jeunes, et d’un bon nombre d’organisations regroupant de jeunes palestiniens tendances politiques confondues qui revendiquent toute la Palestine et non pas la Cisjordanie. Pour ces jeunes, la solution réside dans une nouvelle Intifada ».