Le texte vise à accorder au ministre de la Justice le dernier mot concernant les affectations de juges à des institutions clés telles que la Cour constitutionnelle.
Le bras de fer entre le gouvernement turc et la justice a viré à la guerre ouverte vendredi alors que le Parlement a entamé l'examen d'un projet de loi controversé destiné à renforcer le contrôle politique sur les magistrats, en plein scandale de corruption.
Directement visé par la réforme, le Haut-Conseil des juges et procureurs (HSYK), l'une des principales institutions judiciaires du pays, est sorti de son silence pour dénoncer les intentions "anticonstitutionnelles" du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
"La proposition est contraire au principe de l'Etat de droit", a estimé le HSYK dans un communiqué. "Avec cet amendement, le Haut-Conseil doit rendre compte au ministère de la Justice. Cet amendement est contraire à la Constitution", a ajouté l'institution, chargée notamment de nommer les magistrats.
Rédigé par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir, le texte vise à accorder au ministre de la Justice le dernier mot concernant les affectations de juges à des institutions clés telles que la Cour constitutionnelle.
L'examen de ce texte a débuté vendredi après-midi, dans une atmosphère électrique marquée par des échanges musclés entre la majorité et l'opposition, très remontée contre une réforme qu'elle juge contraire à "l'indépendance de la justice".
Le ministre de la Justice Bekir Bozdag s'est dit prêt au "compromis". "Si vous êtes prêts à coopérer, alors retirez votre proposition", lui a répondu sans détour un député du Parti républicain du peuple (CHP), Engin Altay.
Ce texte doit être soumis dès la semaine prochaine au vote du Parlement, où l'AKP détient une très large majorité.
Trois semaines après le coup de filet anticorruption du 17 décembre, cette initiative constitue le dernier épisode en date de la tentative de reprise en main de la justice engagée par le pouvoir islamo-conservateur pour contrer l'enquête qui l'éclabousse.
Les investigations pilotées par le bureau du procureur d'Istanbul ont déjà abouti à l'incarcération d'une vingtaine d'hommes d'affaires, patrons et élus, réputés proches du régime, pour corruption, fraude et blanchiment, poussé à la démission trois ministres et précipité un large remaniement gouvernemental.