Sharon n’a rien d’un homme de paix, comme le présentent les dirigeants occidentaux.
Presse israélienne et dirigeants occidentaux se sont attelés pour vanter le mérites du bourreau de Sabra et Chatila, l’ancien Premier ministre Ariel Sharon, décédé samedi après huit années de coma, à l’âge de 85 ans.
Alors que les Palestiniens ne se ménagent nullement de cacher leur joie : heureux du mauvais sort qui s’est abattu sur leur ennemi numéro un, celui qui a fait pleurer le plus de familles palestiniennes.
Sharon : le bourreau face à la vengeance divine
"J'ai été soulagé quand j'ai appris que Sharon était mort. Je crois que les années qu'il a passées dans le coma étaient une punition de Dieu pour les crimes qu'il a commis", affirme Adel Makki, 19 ans, cité par l’AFP, en offrant des bonbons aux passants.
Son oncle a disparu durant les massacres commis entre le 16 et le 18 septembre 1982 par la milice chrétienne libanaise des Forces Libanaises, alors que l'armée israélienne encerclait les deux camps. Lors du massacre, un millier d'hommes, de femmes et d'enfants ont été assassinés dans des conditions atroces et près de 500 autres ont disparu sans laisser la moindre trace.
Farhat Farhat, 67 ans, le "mokhtar" (agent municipal), marche seul à Chatila en regardant la joie des gens. "Il est resté dans le coma durant huit ans, comme si Dieu voulait que sa famille le voit dépérir de la même façon que Sharon nous a fait voir nos parents tués".
Une fois mort, les Palestiniens s’attendent à ce qu’il purge la justice divine, tout en regrettant quand même qu’il n’ait pas été traduit devant la justice humaine.
"Bien sûr que je suis heureuse. J'aurais voulu qu'il soit jugé devant le monde entier pour ses crimes, mais il ne pourra pas échapper à la punition divine. Le tribunal de Dieu est plus sévère que les tribunaux d'en bas", assure Mirvat al-Amine, 43 ans, qui tient un magasin de sucreries et qui perdu un oncle dans les massacres (AFP).
"Sharon était un criminel, responsable de l'assassinat d'Arafat, et nous espérions qu'il comparaisse devant la Cour pénale internationale (CPI) en tant que criminel de guerre", a déclaré Jibril Rajoub, un haut responsable du Fatah, le mouvement du dirigeant historique palestinien.
Dans le même registre, un porte-parole du Hamas, au pouvoir à Gaza, Sami Abou Zouhri, a estimé que le décès d'Ariel Sharon était un "exemple pour tous les tyrans".
"Notre peuple vit un moment historique avec la disparition de ce criminel aux mains couvertes de sang des Palestiniens et de leurs dirigeants", a poursuivi ce porte-parole du mouvement islamiste, dont le fondateur et chef spirituel, cheikh Ahmad Yassine, a été assassiné en 2004 par l'armée israélienne sur ordre d'Ariel Sharon.
Sharon : le bourreau comme « héros d’Israël »
Dans les medias israéliens, tous tentent d’humaniser le bourreau, de passer sous silence les pages noires de sa carrière politique et militaire, et de réduire les séquelles de ses bavures.
Tout est fait pour le présenter comme le « héros d’Israël ».
"Il fut un géni à la fois généreux et cruel (...) De la même façon qu'il était dur avec lui-même, en particulier sur les champs de bataille, il manifestait un mépris pour ses opposants (...) C'était Sharon pour le meilleur et pour le pire", a écrit le quotidien Maariv (centre-droit),
L’occultation est à son comble dans le choix de l’illustration à la Une: un "gentleman farmer", portant un agneau sur son épaule dans sa ferme familiale des Sycomores, près de la bande de Gaza et où il sera inhumé lundi aux côtés de sa seconde épouse Lily.
Une illustration qui devait faire oublier bien entendu celles victimes de ses massacres.
Même son de cloche chez le tabloïd Yediot Aharonot qui a opté pour une touche personnelle : il a affiché à la une un cliché affectueux du couple Sharon sous le titre « Arik » revient dans sa ferme pour l'éternité".
Et son commentateur Nahum Barnea, dans un éditorial intitulé "Le guerrier va se reposer", rappelle qu'Ariel Sharon "incarnait tout ce que les +Pères de la Nation+ rêvaient de voir avec la génération de leurs fils nés en Israël: beau, fort, travailleur de la terre et soldat toute sa vie".
On passe bien entendu sous silence les accusations de corruption qui ont entaché sa carrière, via ses deux fils, durant les dernières années de sa vie.
Même précaution de la part du Jerusalem Post qui conclut qu'avec la mort d'Ariel Sharon, "l'Etat d'Israël a perdu une de ses figures les plus charismatique, colorée et influente de son histoire". "Arik" n'a cessé "durant toutes les étapes de sa carrière de déclencher des tempêtes de controverses", relève le quotidien anglophone. Toujours, il fut "un héros populaire, un de ceux qu'on appelle par son prénom".
On l’a souvent aussi appelé « le bulldozer », de par sa stature énorme et son tempérament agressif. Mais on évite de le rappeler !
Même le quotidien Haaretz, journal de la gauche israélienne et farouche adversaire de Sharon, a occulté son passé sanguinaire, mettant l’accent sur la décision qu’il a prise sur le désengagement unilatéral de Gaza et l'expulsion de l'enclave palestinienne de plus de 8.000 colons israéliens.
Ils constituent pour le journal « son héritage politique et a créé un important précédent en montrant que les colonies ne sont pas éternelles ».
D'ailleurs, Haaretz critique ses successeurs, Ehud Olmert et Benjamin Netanyahu: "Depuis le départ de Sharon, Israël manque d'un leadership politique qui reconnaisse les limites de la force, maintienne l'alliance avec les Etats-Unis et fasse preuve de courage dans les Territoires (palestiniens) sans se laisser impressionner par les colons".
Ce désengagement revient aussi chez le quotidien gratuit Israël Hayom, proche de l'actuel Premier ministre Benjamin Netanyahu, mais plutôt comme une lacune: "tout le monde est d'accord pour le considérer comme un de ceux qui ont façonné l'image de l'Etat d'Israël malgré les critiques qu'il a subies de la part de la gauche sur la guerre du Liban (1982-2000) et de la droite sur le retrait (2005)
Sharon : Le bourreau comme « homme de paix »
Chez les dirigeants occidentaux aussi est perçue cette velléité de cacher au bourreau ses atrocités, au mépris de ses crimes à l’encontre du peuple palestinien.
Ils mettent l’accent sur sa décision de désengagement de la Bande de Gaza, tout en le tarissant d’éloges.
"Ariel Sharon est une des personnalités les plus significatives dans l'histoire d'Israël et, en tant que Premier ministre, il a pris des décisions courageuses et controversées en vue de la paix", a réagi le chef du gouvernement britannique David Cameron. C’est son pays qui a donné la Palestine aux juifs sionistes.
Pour le président français François Hollande, il a été "un acteur majeur dans l'histoire de son pays", qui "a fait le choix de se tourner vers le dialogue avec les Palestiniens". La France avait été le partenaire des Britanniques dans Sykes-Picot.
La chancelière allemande Angela Merkel a relevé que ce "patriote israélien" avait, "par sa décision courageuse de faire retirer les colons israéliens de la bande de Gaza, (...) fait un pas historique (...) vers une solution (impliquant l'existence) de deux Etats".
Ariel Sharon "a joué un rôle clé dans l'histoire récente d'Israël", a noté le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy. "Il a laissé sa marque sur l'ensemble du Moyen-Orient", a renchéri le chef du Parlement européen, Martin Schulz.
Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a pour sa part salué "le courage politique et la détermination dont il a fait preuve en appliquant la décision douloureuse et historique de retirer les colons et les soldats israéliens de la bande de Gaza" en 2005.
"Ariel Sharon a été un héros pour son peuple", a jugé M. Ban, qui, évoquant les négociations de paix israélo-palestiniennes, a exhorté "Israël à s'inspirer de l'héritage de pragmatisme (d'Ariel Sharon) pour s'efforcer de créer enfin un Etat palestinien indépendant et viable, aux côtés d'un Israël en sécurité".
Pour le président du Conseil italien Enrico Letta, il a été "un leader généreux qui a marqué l'histoire d'Israël", tandis que pour Silvio Berlusconi, plusieurs fois à ce poste par le passé, il a été "courageux en guerre, clairvoyant en politique, infatigable dans la recherche d'une paix juste".
Sharon a été "un brillant commandant militaire, mais aussi un homme d'État sage qui voyait la nécessité de la paix", a commenté, en Suède, Carl Bildt, le ministre des Affaires étrangères.
Il a "entrepris des démarches courageuses en vue de la paix dans la région", a dit son homologue néerlandais Frans Timmermans.
D'après l'ex-président américain Bill Clinton, "à la fin de sa longue carrière", Ariel Sharon "a créé un nouveau parti politique dédié à une paix juste et à une sécurité durable".
Quant au président actuel, Barack Obama, son mot a été succinct: Sharon a "consacré sa vie à l'Etat d'Israël", a-t-il dit.
Selon l’AFP, « la brièveté et la sobriété de son communiqué ont tranché avec celui du secrétaire d'Etat John Kerry, d'après lequel il a dit "Le voyage d'Ariel Sharon a été celui d'Israël" : "Le rêve d'Israël a été sa raison de vivre et il a joué le tout pour le tout pour faire vivre ce rêve".
Sharon : le bourreau et la fin des guerres
Dans la réalité, Sharon n'a rien d'un homme de paix, comme le présentent les diriegants occidentaux. Il s'est tout simplement voué à l'évidence que les guerres israéliennes risquent de ne plus gagner!
Ce n'est pas non plus l'homme des exploits israéliens.
Ayant participé à toutes les guerres israéliennes du XXème siècle, il a été derrière le premier fiasco militaire essuyé par l’entité sioniste dans son histoire.
En 1982, il avait planifié avec l’ancien Premier ministre Menahem Begin l’invasion du Liban, pour mettre fin à la résistance palestinienne, et conclure un accord de paix avec le Liban. Ayant parvenu à déloger les combattants palestiniens, il a en revanche perdu les deux autres paris :
l’accord israélo-libanais conclu en 2003 a été annulé, un an plus tard. Et l’occupation du Liban s’est terminée par un retrait humiliant, en l’an 2000, sous les coups de la résistance libanaise!
Concernant sa responsabilité dans les massacres des camps palestiniens de Sabra et Chatila, certifiée par les conclusions de la Commission israélienne Kahana, ce n’est que de justesse qu’il échappé à la Justice, vingt ans plus tard en Belgique, grâce à l’intervention du lobby sioniste en Europe, et de tous les dirigeants occidentaux qui tournent autour, qui ont réussi à annihiler sa compétence internationale!
Entre ces deux dates, il s’est éclipsé de la vie militaire et politique pour revenir au-devant de la scène en 2001.
Année qui lui retient sa visite provocatrice et retentissante de la mosquée AlAqsa, laquelle a déclenché la deuxième intifada.
Après quatre années de répression violente de la rébellion palestinienne, il prenait la décision d’un retrait unilatéral de la bande de Gaza, et ordonnait en même temps la construction d’une barrière de séparation, baptisée par certains observateurs avisés « le Mur de Sharon ».
Cette double décision est d’autant plus emblématique qu’elle est venue de l'homme de toutes les guerres israéliennes et de tous les moyens, les plus féroces.
Illustrant une volonté de mettre un terme aux guerres, et d’enfermer Israël derrière un rempart, elle n'en demeure pas moins un aveu non avoué d'impuissance.
Durant son coma, Sharon a manqué une guerre, celle contre le Hezbollah en 2006.
Perdue par Israël, elle a donné raison à ses appréhensions.