Les combats fratricides entre les miliciens ont fait au moins 1.000 tués, selon l’OSDH.Et l’ONU parle de crimes de guerre
Les divisions s’accentuent au sein des milices insurgées en Syrie, sur fond de la confrontation contre l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL). Campagnes et contre-campagne battent leur plein entre les deux camps. Les éclats touchent les anti EIIL, en l'occurrence le Front islamique qui commence à se désagrèger.
EIIL: pour et contre
Il y a celles qui soutiennent corps et âmes la milice d’Al-Qaïda, évoquent sa sincérité et ses sacrifices et il y a ceux qui la bannissent, mènent campagne contre elle, et mettent l’accent sur ses atrocités et sa duplicité.
Ces derniers jours, c'est la « Brigade des Mouhajirines », la milice tchétchène connue qui s’est employée pour défendre l’EIIL, par la voix de son chef bien connu, le rouquin Abou Omar le tchétchène.
Dans un message intitulé « Message des moujahidines du Caucase pour les gens du Levant », et lu par son secrétaire cheikh Abou Jihad le Tchétchène, il explique comment ses miliciens caucasiens sont venus au pays du Levant, « pour vous sauver, et sacrifier nos vies pour vous ».
Il indique comment ils ont choisi au début d’œuvrer en Syrie indépendamment des autres, jusqu’au jour ou l’EIIL a fait son entrée en Syrie.
Baghdadi: un descendant du prophète?
« La première chose que nous avons faite est que nous avons étudié son histoire et nous avons trouvé que ses hommes ont été sincères avec Dieu et qu’ils ont considérablement enduré sur la voie de Dieu et pour établir sa législation et qu’ils ont patienté et persévéré. Et les Nations, celles des apostats et des trompeurs se sont acharnées contre eux, en raison de leur sincérité », estime le chef de milice.
Il poursuit : « lorsque nous avons su qu’Abou Bakr Baghdadi est un descendant du prophète et qu’il est un Docteur en charia, nous nous sommes réjouis et lui avons demandé de le rejoindre ».
Abou Omar révèle que l’EIIL préparait une opération de grande envergure à Deir Ezzor contre les forces gouvernementales, lorsqu’elle a été la cible d’attaque des autres rebelles. « Nous étions à un seul jour de sa mise en exécution lorsque les traitres nous ont poignardé dans le dos. 500 martyrs caucasiens ont été enterrés en Syrie. Serait-ce notre récompense ? Durant les derniers évènements, 50 de nos sœurs ont été séquestrées et violées et certaines ont été tuées par ces traitres criminels », a-t-il ajouté, en allusion aux miliciens des autres groupuscules.
Nosra : les procédés hypocrites de l’EIIL
Contrairement aux Mouhajirines tchétchènes, le front al-Nosra a choisi de dévoiler sa duplicité de sa consœur à Al-Qaïda. Il dénonce ses procédés hypocrites en rapportant les dessous de l’exécution à Raqqa de son chef saoudien Abou Saad al-Hadrami.
Nosra assure selon Asia News que Hadrami avait été enlevé depuis trois mois, à l’est d’Alep. Trois mois après avoir prétendu qu’il se trouvait chez les forces régulières, et jurant par cent fois ne pas l’avoir, l’EIIL a fini par reconnaitre quelques jours avant de l’exécuter, tout en promettant de le libérer, arguant ne rien avoir contre lui. Jusqu’au jour où elle a annoncé l’avoir liquidé pour apostasie.
Toujours selon le Front, Hadrami qui a au début rejoint les rangs du Front al-Nosra, puis ensuite rallié celui de l’EIIL, lorsque les divergences ont éclaté sur la représentativité d’Al-Qaida en Syrie, ne pouvait être un apostat. Il semble que c’est lorsqu’il a décidé de revenir au front al-Nosra, pour les exactions et les atrocités qu’il a vus, que son apostasie a été proclamée par l’EIIL.
Allouche : l’assassin est-il un impie ?
Le chef militaire pro saoudien de la milice Front Islamique Zahrane Allouche s’est lui aussi rallié à la campagne contre l’EIIL, en prenant la défense des bandist, assassins et voleurs exécutés par l'EIIL.
Dans un entretien télévisé mercredi, rapporté par le site aleppin Tahtel-Mijhar, il l’a accusé d’adopter la doctrine des Khawarejs (secte islamique ayant sévi durant le califat de l’Imam Ali et connue pour avoir apostasié les autres Musulmans et appelé à les combattre). Il leur reproche surtout ses exécutions arbitraires contre les bandits, les fornicateurs, les assassins.
« Où est donc la jurisprudence des compagnons du prophète ? Le fornicateur est-il un impie ? L’assassin est-il un impie ? Le bandit est-il un impie ? Les gens qui pêchent sont-ils des impies ? », s’est-il interrogé, pour condamner les actions de l’EIIL.
Paradoxalement, Alouche adopte le même langage et les mêmes procédés de l’EIIL avec les minorités musulmanes, en l’occurrence les Chiites (voir : ---).
Force de constater que cette campagne s’est escortée de vidéos postées sur You Tube sur les atrocités de l’EIIL. L’une d’entre elle montre comment ses miliciens ont égorgé un syrien, accusé de ne pas prier et de boire de l’alcool et de vols. Un contenu qui curieusement rime avec la rhétorique d'Allouche.
Davantage de divisions au sein du FI
Au sein de sa coalition de milices, le Front Islamique, Allouche a de quoi patir avec les divergences qui font surface de plus en plus , a peine deux mois après sa formation.
Jeudi, le FI a accusé l’une les Ahrar al-Cham, présentée sous les termes « les hommes de Hassan Abboud-Brigade Daoud », d’avoir perpétré des exécutions sommaires contre des dizaines de ses hommes à Afes.
Selon Asia News, cette liquidation intervient après la mort de 10 insurgés des Brigades Daoud dans la localité Hazano, dans une embuscade tendue par la FI, alors qu’ils étaient à bord d’une voiture. Le responsable du FI explique pour sa part que ses hommes ont ouvert le feu contre les deux voitures par qu’ils ont refusé d’exécuter les ordres.
Mercredi, le chef des Ahrar al-Cham, Hassan Abboud qui dirigeait le conseil politique du FI, s’est démarqué de Zahrane Allouche, se plaignant que sa milice ait perdu le plus d’hommes dans les combats contre l’EIIL, et laissant entendre que ce dernier œuvre pour l’affaiblir.
Un autre évènement a illustré les divisions au sein du Front Islamique, lorsqu’une défection a été signalée au sein de ses rangs, celle de Cheikh Abou Abdel Rahmane.
Il occupait le poste de chef du tribunal religieux de la milice Brigades Sokour al-Cham, qui fait partie du FI. Pourtant, les Sokour étaient connus pour leurs affinités avec Allouche!
On constate aussi que les exécutions sommaires au sein des miliciens se sont étendues vers la province de Damas.
Il y est question de miliciens de l’Armée Syrienne Libre (ASL) qui ont abattu dans la localité de Yelda le chef de la milice « Brigades des martyrs du Golan », (affilié aux Brigades des Petits-fils du Prophète) le dénommé Abou Chehab. Il est accusé de trahison, d’avoir vendu certaines régions aux forces gouvernementales dans la province sud de Damas, et d’avoir vendu des armements lourds et de trafic de cigarettes. Il est également accusé d’avoir volé des régions complètes, dont la localité de Hjeira.
Chiffres OSDH: 1000 miliciens tués
Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) qui siège à Londres et qui dit avoir des vaste réseau de militants en Syrie, plus de 1.000 personnes, en grande majorité des combattants, ont été tuées en Syrie en deux semaines de combats entre rebelles et jihadistes, auparavant alliés dans leur lutte contre le régime.
Parmi les 1.069 morts figurent 608 rebelles, 312 membres de l’EIIL, et 130 civils. Les dix-neuf autres victimes n'ont pas été identifiées, selon l'OSDH.
Parmi les 130 civils tués, 21 ont été exécutés sommairement dans un hôpital pour enfants à Alep dont les jihadistes (miliciens Al-Qaïda) se servaient comme base.
La majorité des autres civils sont morts dans des échanges de tirs ou des attentats commis par l'EIIL.
S'agissant des rebelles tués, 99 ont été exécutés par l'EIIL.
Les rebelles ont exécuté de leur côté 56 membres de l'EIIL qu'ils détenaient, toujours selon l'OSDH.
L’ONU : Crimes de guerre
La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme, Navi Pillay, s’est penché sur ces exactions auxquelles ces anciens freres d’armes, affirmant qu'elles peuvent être considérées comme des crimes de guerre.
"Au cours des deux dernières semaines, nous avons reçu des informations sur une succession d'exécutions en masse de civils et de combattants qui ne sont plus engagés dans les combats à Alep, Idlib, Raqqa par des groupes armés radicaux de l'opposition en Syrie, en particulier par l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL)", a affirmé Mme Pillay dans un communiqué, rappelant que cela "peut constituer des crimes de guerre" dont les auteurs peuvent être poursuivis par la justice.
"Si les chiffres exacts restent difficiles à vérifier, des informations crédibles que nous avons recueillies auprès de témoins oculaires suggèrent que de nombreux civils et combattants sous la garde de groupes d'opposition armés extrémistes ont été exécutés depuis le début de l'année", indique le communiqué diffusé à Genève.
Selon la Haut-Commissaire, des rapports suggèrent qu'au cours de la première semaine de janvier, de nombreuses personnes ont été exécutées à Idlib par des groupes d'opposition armés. Le 6 janvier, à Alep, trois individus qui étaient supposément détenus par l'EIIL dans sa base de Makhfar al-Saleheen ont été retrouvés morts, menottés et avec des blessures par balle à la tête.
Le 8 janvier, à Alep, de nombreux corps, pour la majorité également menottés et les yeux bandés, ont été retrouvés dans un hôpital pour enfants qui servait de base à l'EIIL jusqu'à ce que celui-ci soit contraint de battre en retraite après un raid mené par d'autres groupes d'opposition armés. Un témoin oculaire interrogé par le Haut-Commissariat aux droits de l'Homme a identifié au moins quatre activistes locaux des médias parmi les personnes décédées, ainsi que des combattants affiliés à divers groupes d'opposition armés qui avaient été capturés.
"L'exécution de civils et de personnes ne participant plus aux hostilités constitue une violation flagrante du droit international des droits de l'Homme et du droit international humanitaire, et pourrait constituer un crime de guerre. Ces rapports sont particulièrement alarmants, étant donné le nombre important de personnes, dont des civils, que les groupes d'opposition armés sont présumés détenir", souligne la Haut-Commissaire.
"J'appelle toutes les parties au conflit à respecter de manière stricte leurs obligations en vertu du droit international et leur rappelle que toute personne impliquée dans des crimes graves doit rendre des comptes", a ajouté Navi Pillay.