L’un des numéros attribués à l’un des accusés présumés appartient à un libanais ordinaire. Il compte porter plainte contre le TSL!
D'importantes lacunes , entachent le réquisitoire de l’équipe du procureur général, désigné pour le Tribunal Spécial pour le Liban, et censé prouver que les assassins de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri sont cinq membres du Hezbollah. Dépendant exclusivement d’appels téléphoniques, elle présente des hypothèses sous forme de vérités indélébiles.
Rien que des numéros
Tous les membres de cette équipe qui se sont succédés à la barre la semaine passée ont mis l’accent sur plusieurs dizaines de numéros de téléphone mobile que les présumés accusés auraient utilisé pour les préparatifs de l’assassinat.
« Une personne qu’il est possible de conclure qu’il s’agit de Moustafa Badreddine a utilisé un numéro de téléphone qu’il est possible de conclure qu’il lui revient, pour contacter une personne qu’il est possible de conclure qu’il s’agit de Salim Ayyache. Ils ont dit des propos que nous ignorons, parce que nous n’avons pas les enregistrements. Mais il est possible de déduire qu’ils ont décidé de tuer Rafic Hariri », cette phrase rocambolesque n’a pas été dite littéralement par le procureur général en personne, ni par l’un de ses assistants, mais elle constitue selon le correspondant du journal al-Akhbar présent à La Haye le résumé de ce qui a été dit par le procureur et ses assistants.
Concommitance spatiale
Pour une meilleure explication au public, ces derniers ont partagés les numéros de téléphone en quatre catégories désignées en quatre couleurs, rouge, vert, jaune et bleu, selon la fonction qui leur était assignée, et les personnes qui les utilisaient. Seuls ceux qui sont en rouge appartenaient nommément aux quatre présumés accusés. Alors que tous les autres leur sont attribués arbitrairement. Pour la seule raison qu’ils étaient utilisés avant ou après.
Ainsi, toute la thèse de la plaidoirie repose sur la concomitance spatiale des appels avec les déplacements de la victime. Cette révélation n‘a rien de nouveau. Elle a été évoquée dans les fuites faites par le TSL à la presse arabophone et occidentale. Curieusement chaque fois qu’une échéance politique se présentait, et toujours pour consolider la position du camp du 14-Mars.
D’ailleurs, Saad Hariri, fils de la victime, ancien Premier ministre et chef actuel du Courant du Futur en avait parlé avec le secrétaire général du Hezbollah, Sayed Hassan Nasrallah. Il lui avait reconnu que des membres du Hezbollah étaient à cette époque en mission de traque d’une cible israélienne venue au Liban, rappelle un chroniqueur du journal al-Akhbar.
Cette cible, aurait-elle été chargée d’une mission de surveillance du défunt Hariri, s’étaient alors interrogés des observateurs libanais, totalement convaincus que c’est Israël qui l’a tué. Cette piste-là n'a jamais été envisagé par l'enqutête internationale!
Découverte de NTV
Or il s’avère que trois sur les 8 numéros verts appartiennent à des libanais ordinaires qui les possèdent pour certains depuis plus de 10 années.
C’est la télévision libanaise New TV qui a révélé ce fait, après avoir contacté par téléphone ces personnes. L'un d'entre eux, Jamal Harb, originaire de la ville de Saïda a décidé de porter plainte contre le TSL. Ce lundi, le procureur général du TSL a du s'excuser, en disant qu'une erreur de frappe s'est glissée.
Concernant les deux autres numéro, le procureur n'a soufflé aucun mot!
La fragilité du dossier de l’équipe du procureur général a été constatée par l’équipe de la défense, formée d’avocats qui ont tous été commis d’office par le TSL. Sachant que le Hezbollah n’a jamais reconnu le TSL, ratifiée par un gouvernement non constitutionnel, et auquel manque la signature indispensable du président de la république qui était à l’époque Emile Lahoud !
Des preuves circonstacielles, pas de mobile
« Le dossier de l'accusation est fondé sur des preuves purement théoriques. Rien n'est tangible, il n'y a pas d'enregistrement téléphonique, pas de témoins, pas de SMS, rien n'est solide ici », a indiqué Maitre Antoine Korkomaz, l’avocat de Moustafa Badreddine.
Il s’agit selon lui de preuves « circonstancielles ». « Nous ne savons toujours pas qui a tué Rafic Hariri », a-t-il insisté.
Un autre avocat de la défense, s’étonne de l’absence de mobile au crime : «Le procureur n'a pas avancé un seul mobile » a constaté Maitre Vincent Courcelle-Labrousse, chargé de prendre la défense de l’accusé Hussein Oneissi.
Traitement de faveur
Une autre lacune est reprochée à ce TSL et en dit beaucoup : le traitement de faveur dont dispose l’équipe du procureur général.
Tous les documents obtenus des autorités libanaises, dont les datas de communication, lui ont été délivrés, ce qui n’est le cas de l’équipe de défense. Les autorités libanaises sont les premières à être responsables. De plus, le financement de la première est beaucoup plus généreux que celui de la seconde. Portant, la source est une : le gouvernement libanais ! La parole a en premier été donnée au procureur, pendant les deux premiers jours, et les avocats sont privés du droit à la réplique immédiate.
De surcroit, l’un des avocats, celui du cinquième présumé accusé, Hassan Merhi, dont l’acte d’accusation a été émis quelque temps après ceux des 4 autres, est pour l’heure interdit de défendre son client, et ne participe qu’en tant qu’observateur. Selon cet avocat, François Rou, Merhi a été évoqué par l’équipe du procurer 124 fois la semaine passée et ne dispose pas du droit d’être défendu.
Et les faux-témoins
Autres lacunes qui illustrent la politisation du TSL : tous les faux témoins qui étaient derrière l’arrestation des quatre hauts-officiers libanais, les premiers qui ont été accusés de l’assassinat avant d’être innocentés, ont été oubliés.
L’un de ces officiers, ancien chef des forces de sécurités intérieure, le général Jamil Sayyed, qui s’est rendu à La Haye, a tenu bon de le souligner. Estimant que ce qui a été dit n’a rien de nouveau, il a mis en garde contre le fait de se laisser fourvoyer par la version présentée du scénario du crime, rappelant celle du premier enquêteur Detlev Mehlis, qui s’est finalement avéré être une grosse arnaque !
A signaler aussi les interrogations posées et les remarques relevées par l’un des avocats (de Oneissi), l’égyptien Yasser Hassan, dont :
D’après lui, les quatre haut-officiers injustement accusés devraient faire partie des victimes de l’attentat. Il s’est demandé pourquoi la Justice internationale n’a pas été saisie pour l’assassinat de Kamal Joumblatt (ancien dirigeant libanais et chef du PSP) , d’Abbas Moussaoui (ancien secrétaire général du Hezbollah), de Rachid Karamé ( ancien Premier-ministre libanais)
Et des témoins tués
Il s’est arrêté sur des responsables sécuritaires qui ont été tués et dont la présence en tant que témoins aurait été de grande valeur, s’ils n’avaient été tués : les deux syriens Assef Chawkat et Jamea Jamea et le Libanais Wissam al-Hassan. Ils étaient tous de fonction au Liban lors de l’assassinat !
Yasser a fustigé les allusions qui ont été faites aux cinq accusés présumés, comme quoi ils sont chiites, alors que la victime est sunnite, ce qui d’après lui est un précédent dans les tribunaux.
Selon lui, le procureur défend la théorie de la concomitance spatiale sans en relater les causes, et repose sur la théorie des communications parce qu’il n’est pas parvenu à déterminer l’identité de l’auteur suicidaire de l’attentat.
A cet égard, l’équipe de défense a révélé une partie de sa stratégie : elle compte ouvrir le dossier de la bande des 13, des membres d’Al-Qaïda arrêtés au Liban, par l’ancien chef de sécurité de Rafic Hariri, et chef du service de sécurité proche du courant du Futur, le Département des renseignements, le général Wissam al-Hassan. Ils lui avaient avoué être les auteurs de l’attentat, avant de revenir sur leurs aveux. AUssitôt relâchés, ils ont quitté le Liban.