25-11-2024 11:20 AM Jerusalem Timing

Le Tribunal spécial pour le Liban : fiasco juridique, accusation politique

Le Tribunal spécial pour le Liban : fiasco juridique, accusation politique

L’adoption par le tribunal du système juridique anglo-saxon, qui autorise l’utilisation des preuves circonstancielles, était voulue.



Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) a ressassé lors des audiences d’ouverture du procès son accusation politique, enveloppée d’explications techniques sur l’unique échafaudage de cette affaire : la présumée preuve circonstancielle des liaisons téléphoniques, supposée être le résultat de neuf ans d’enquête sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, et qui a coûté, jusqu’à présent, un quart de milliard de dollars.

L’accusation a rejeté d’emblée la version du kamikaze Ahmad Abou Adas, affirmant qu’elle a été fabriquée pour brouiller les pistes. Mais le procureur n’a apporté aucune preuve justifiant ce rejet, bien qu’il ait reconnu que l’attentat a bien été commis par un kamikaze dont l’identité n’a pu être déterminée, en dépit d’années d’efforts et de moyens colossaux mis à la disposition des enquêteurs, y compris toutes les institutions de l’Etat libanais. Rappelons que les enquêteurs ont accès à toutes les archives libanaises, les registres de l’Etat civil, les cadastres, les données téléphoniques... bref, le passé, le présent et le futur du Liban sont entre les mains de ces enquêteurs, dont beaucoup travaillent pour des services de renseignements étrangers, souvent ennemis du Liban.

Le contribuable libanais a dépensé plus de 125 millions de dollars depuis l’assassinat de Rafic Hariri, et il ne connait toujours pas l’identité du kamikaze. Alors que les services de sécurité libanais sont parvenus, en quelques jours seulement, à identifier les terroristes qui se sont faits sauter devant l’ambassade d’Iran, le 19 novembre 2013, ou dans la banlieue sud de Beyrouth, le 2 janvier 2014.

Mais la pire des manifestations des premières audiences du TSL a été la terminologie utilisée par les accusateurs, susceptible d’exacerber les tensions confessionnelles et communautaires dans un Liban déjà en proie à une grave crise politique et une instabilité sécuritaire sans précédent depuis la fin de la guerre civile, en 1990. Les propos de l’accusation constituent une grave menace à la paix civile au Liban, émanant d’un tribunal relevant des Nations unies, lesquelles sont censées préserver et promouvoir la paix dans le monde !

L’adoption par le tribunal du système juridique anglo-saxon, qui autorise l’utilisation des preuves circonstancielles, était voulu après l’échec de la très couteuse enquête internationale à trouver des preuves matérielles, solides et irréfutables, susceptibles d’être exploitées politiquement.

Les remarques soulevées par la défense sont importantes et graves. Les avocats (commis d’office) ont souligné que l’acte d’accusation basé sur les appels téléphoniques ne comporte aucune information sur le contenu des conversations téléphoniques entre les suspects présumés. Il se contente seulement d’indiquer qu’un groupe d’individus ont échangé des appels téléphoniques à certains moments et à certains endroits , sans apporter la moindre preuve que ces conversations sont liées à l’attentat du 14 février 2005, qui a coûté la vie à Rafic Hariri et 22 autres personnes.

Le plus grave sont révélations du quotidien israélien Yediot Aharonot sur l’origine de toutes ces informations techniques. Selon le journal, elles ont été remises aux enquêteurs internationaux par les services de renseignements israéliens, c’est-à-dire par la partie qui a le plus intérêt à faire accuser des membres du Hezbollah d’être responsables de l’assassinat de Hariri.

L’accusation s’est employée, lors des audiences, à expliquer en détail des cartes de télécommunications israéliennes. Pourtant, il est notoirement connu que les grands services de renseignements disposent des techniques nécessaires pour dresser les cartes qui leur conviennent, grâce à la fabrication d’appels téléphoniques qui n’ont peut-être jamais eu lieu en réalité.

Parmi les plus graves lacunes du Tribunal, on note les modifications introduites à son statut interne (par les juges eux-mêmes), de manière à protéger les parties qui ont œuvré à brouiller les pistes. Ainsi, le Tribunal a estimé qu’il n’entrait pas dans le cadre de ses compétences d’examiner l’affaire des faux témoins, dont les dépositions ont amené à l’incarcération, pendant plus de trois ans, des quatre généraux libanais, finalement libérés après que les témoins aient été jugés "peu fiables".

Ces généraux avaient été arrêtés pour tenter de fabriquer des preuves et des témoignages qui orienteraient l’accusation vers la Syrie. Mais ce fut un échec cuisant, et plus de quatre années ont été perdues dans une enquête douteuse, qui a été rayée sans que des comptes ne soient demandés à ceux qui l’ont mené. Pendant ce temps, les faux témoins, qui ont occupé les devants de la scène quatre ans durant, profitent des millions qu’ils ont amassé grâce à leurs fausses dépositions, sur les plages d’Australie, de Nouvelle-Zélande et ailleurs.

De la même manière que les faux témoins ont été créés pour faire accuser la Syrie, "la preuve téléphonique" a été imaginée et fabriquée pour réorienter l’accusation vers le Hezbollah.

Tout ce que nous avons entendu et écouté lors de l’ouverture du procès n’immunise pas le Tribunal contre une réédition de l’injustice subit par les quatre généraux et les dizaines d’autres personnes innocentes interrogées pendant des heures, voire des jours et des semaines, lors de la première enquête... mais cette fois, ce sont de nobles résistants, qui ont consacré leur vie à la lutte contre l’occupation israélienne et pour la libération de leur pays, qui sont pris pour cible.

Source: Tendances de l'Orient