Offensive diplomatique occidentale après l’impasse de Genève II
Le chef de la diplomatie turque, Ahmet Davutoglu, a dénoncé dimanche à Munich la faillite de l'ONU et de la
communauté internationale en Syrie, où elles s'avèrent incapables de mettre fin à l'effusion de sang.
"La communauté internationale se montre incapable en Syrie comme elle s'est montré incapable pendant trois ans en Bosnie ou au Rwanda pendant des années", a déclaré M. Davutoglu à la Conférence sur la sécurité à Munich.
Pour lui, de même que l'ONU a demandé pardon pour sa faillite en Bosnie, "tôt ou tard le secrétaire général de l'ONU ira à Homs, à Yarmuk et il demandera pardon", a ajouté le ministre turc.
"Que ce soit la Chine, la Russie, les Etats-Unis, la France ou un autre membre: le Conseil de Sécurité de l'Onu se doit maintenant d'agir", a poursuivi le ministre des Affaires étrangères, appelant notamment à l'adoption sans tarder d'une résolution permettant l'accès humanitaire aux zones dévastées.
Offensive diplomatique occidentale après l'impasse de Genève II
Après l'interruption des négociations de Genève sur la Syrie, les Occidentaux veulent accroître la pression sur Damas pour obtenir un meilleur accès humanitaire et accélérer l'élimination des armes chimiques, selon des diplomates à l'ONU.
Un projet de résolution du Conseil de sécurité est en préparation pour réclamer que les humanitaires puissent accéder à trois millions de civils pris au piège à Homs (centre) et dans d'autres villes assiégées, ont indiqué des diplomates occidentaux.
La patronne des opérations humanitaires de l'ONU Valerie Amos a jugé "totalement inacceptable" que 2.500 civils restent assiégés, depuis 600 jours, dans la vieille ville de Homs, et d'autres bloqués dans la Ghouta (banlieue de Damas) alors que les camions de l'ONU étaient prêts à aller les secourir. "Des hommes, des femmes et des enfants meurent sans raison dans tout le pays et d'autres sont affamés, sans eau potable ni soins médicaux", a-t-elle déploré.
A l'ONU des pays arabes d'un côté, l'Australie et le Luxembourg de l'autre, ont rédigé des projets de résolution qui peuvent être combinés en un seul texte à soumettre au Conseil, expliquent des diplomates. Mais aucune décision ne sera prise avant une réunion lundi à Rome sur la crise humanitaire et il faudra aussi attendre de voir si Moscou peut persuader son allié syrien d'ouvrir Homs aux convois humanitaires.
"La Russie n'a aucune envie de devoir bloquer une résolution humanitaire", estime un diplomate.
Pour le chef de la diplomatie britannique William Hague, "il y a des raisons impérieuses de reprendre la discussion sur la crise humanitaire (en Syrie) au Conseil".
"Un levier pour faire bouger Assad"
Le programme de destruction des armes chimiques fournit un autre moyen de pression sur Bachar al-Assad. Celui-ci s'est engagé à éliminer tout son arsenal d'ici fin juin sous peine de sanctions, voire de recours à la force, comme l'a rappelé vendredi John Kerry.
Or, moins de 5% des agents chimiques les plus dangereux ont jusqu'à présent été évacuées de Syrie, a constaté l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), qui a appelé à "accélérer le rythme".
D'après le plan de destruction approuvé par l'ONU, la Syrie aurait dû avoir évacué au 31 décembre 2013 ses 700 tonnes d'agents chimiques les plus dangereux, notamment ceux qui composent les gaz moutarde et sarin. Elle doit aussi évacuer d'ici au 5 février 500 tonnes supplémentaires de produits toxiques de "catégorie 2".
Les diplomates occidentaux jugent cependant hautement improbable que la Russie accepte de sanctionner Damas. Moscou a mis son veto à trois résolutions du Conseil depuis le début de la crise syrienne en mars 2011.
Cette offensive diplomatique "est un levier pour faire bouger Assad et aussi pour inciter les Russes à faire quelque chose", c'est à dire obtenir des concessions de Damas, explique Andrew Tabler, expert du Washington Institute for Near East Policy.
La coordinatrice de la mission ONU/OIAC chargée de détruire les armes chimiques syriennes, Sigrid Kaag, doit rendre compte jeudi au Conseil.
"Il est clair que le régime traîne les pieds", souligne un diplomate occidental. "Nous n'en sommes pas encore à constater le non-respect (de l'accord de désarmement chimique) mais on verra si Sigrid Kaag pense que ces retards sont délibérés et motivés par des considérations politiques", et non par des raisons pratiques ou de sécurité comme l'affirme Damas.
Bachar al-Assad, analyse un autre diplomate, "gère ce dossier en parallèle avec le processus de Genève II": il utilise ses armes chimiques pour rappeler qu'il a "un pouvoir de nuisance" si on cherche à lui forcer la main à Genève.