Les questions fusent sur les scénarios possibles après l’avènement du gouvernement mort-né. Les ambassadeurs occidentaux ne comprennent plus rien.
Le président de la République, Michel Sleiman, et le Premier ministre désigné, Tammam Salam, font régner le suspense autour de leurs intentions concernant la formation du gouvernement.
La presse s’accorde à dire que la décision de former un gouvernement politique rassembleur «avec les présents» a été prise par les deux hommes lors de leur réunion d’une heure trente minutes, mercredi soir, au palais de présidentiel de Baabda.
Le quotidien As Safir ajoute même que le décret de la formation du nouveau gouvernement est prêt et n’attend plus que la signature du chef de l’Etat. Le gouvernement pourrait être annoncé dans les heures qui viennent, au plus tard, après le retour du président Sleiman d’une visite de 24 heures Tunisie, vendredi.
Tammam Salam veut entreprendre un dernier round de concertations pour assurer à son équipe «la plus grande immunité possible et retirer autant de prétextes possibles des mains de ceux qui envisagent de démissionner», écrit As Safir.
Ce climat ne reflète pas les conseils internes et externes prodigués à MM. Sleiman et Salam, leur demandant de donner plus de temps aux négociations, afin d’éviter un «faux pas» qui déboucherait sur un gouvernement mort-né.
Ces développements interviennent après l’échec d’une ultime démarche du chef du Parti socialiste progressiste (PSP), Walid Joumblatt, qui a reçu une réponse négative de la part du Hezbollah sur sa dernière proposition.
Celle-ci consistait en une nouvelle répartition des portefeuilles sécuritaires (Défense et Intérieur), qui devaient être confiés au 14-Mars, afin d’atténuer les appréhensions du parti, et l’octroi d’un ministère supplémentaire au général Aoun, en plus de ceux des Affaires étrangères et de l’Education nationale.
Mais le chef du Courant patriotique libre (CPL) est intransigeant: il souhaite conserver pour son parti les portefeuilles de l’Energie et des Télécommunications.
M. Joumblatt a été informé que le Hezbollah n’abandonnera pas son allié chrétien et que toutes les composantes du 8-Mars adopteront une position unifiée au sujet du nouveau gouvernement: la démission dès la publication des décrets. Dans ce contexte, le président de la Chambre, Nabih Berry, a déclaré devant les députés qu’il a reçus mercredi que son attitude sera dictée par le respect du pacte national par le gouvernement.
Or avec le retrait des ministres aounistes, et, par conséquent, l’absence d’une représentation chrétienne significative, cette condition ne sera pas remplie.
Alors que les chances de la formation d’un gouvernement consensuel s’amenuisent, les questions fusent sur les scénarios possibles après l’avènement du gouvernement mort-né.
Deux possibilités se présentent: la démission collective des ministres de Aoun et du 8-Mars, suivie par celle des représentants de M. Joumblatt. Dans ce cas de figure, le gouvernement sera démissionnaire de facto, à cause du départ de plus du tiers de ses membres.
Deuxième scénario: le départ des ministres de Aoun et du 8-Mars seulement. Dans ce cas, le gouvernement n’est pas démissionnaire, mais il sera amputé de deux des trois principales communautés du pays: les chrétiens et les chiites.
Tout dépendra alors de l’attitude de Tammam Salam. S’il choisit de gouverner seul, comme l’a fait Fouad Siniora entre 2006 et 2008, le pays entrera dans une grave crise politique aux conséquences incalculables.
Si, au contraire, il démissionne, alors la balle sera dans le camp du président Sleiman.
Ce dernier peut appeler à de nouvelles consultations parlementaires pour désigner un successeur à M. Salam. Mais rien ne l’y oblige. Le gouvernement démissionnaire et amputé de Salam sera alors chargé d’expédier les affaires courantes.
Quid alors de l’élection présidentielle?
Les ambassadeurs occidentaux ne comprennent plus rien à la situation libanaise
Entre-temps, les ambassadeurs accrédités au Liban trouvent la situation relativement confuse. Ils soulèvent la question suivante: il existe un accord entre la Russie, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France pour la formation d’un gouvernement et la préservation de la stabilité au Liban.
Il existe aussi un soutien régional à la formation du gouvernement, à la lumière de deux changements de taille. Le premier est une ouverture vers l’Arabie saoudite, où se sont rendus le coordinateur spécial des Nations unies au Liban, Dereck Plumbly, et l’ambassadeur des États-Unis à Beyrouth David Hale.
Le second est une ouverture vers l’Iran où s’est rendu Alexis Le Cour Grandmaison, diplomate en charge du Proche-Orient au ministère français des Affaires étrangères.
À cet égard, une source informée affirme que les développements régionaux, notamment entre l’Arabie saoudite et l’Iran, à travers une mobilisation diplomatique internationale via Washington, Paris et les Nations unies, ne constituent pas un accord aussi fort que celui de Doha qui avait permis d’éliminer Aoun de la course à la présidence en y amenant Michel Sleiman.
La question aujourd’hui est de savoir si cet accord régional sera assez fort pour garder le Hezbollah au gouvernement au cas où Aoun part.
Selon les mêmes sources, la communauté internationale soutient un gouvernement rassembleur de peur que la démission du Hezbollah et de Aoun n’entraine la démission de Tammam Salam.
Dans cette perspective, un ambassadeur occidental considère que le Hezbollah a toutes les données en main depuis le début. A-t-il eu tort de s’être engagé auprès de Tammam Salam? Ou n’a-t-il simplement pas pris en compte l’entêtement de Aoun à l’approche de l’échéance présidentielle?
Enfin, la source informée demande s’il existe vraiment des pressions iraniennes et saoudiennes pour la formation d’un gouvernement au Liban. Qu’en est-il de la solidité de l’accord régional?
As Safir + Mediarama