07-11-2024 09:45 AM Jerusalem Timing

Armes françaises pour le Liban

Armes françaises pour le Liban

Les Français ont suggéré au patron des forces armées le Général Jean Kahwaji de passer commande de 60.000 uniformes Dior, ceinturons et bottines Hermès, baudriers et guêtres Louis Vuitton, montre-boussole Cartier.

Charles de Gaulle fut le meilleur connaisseur des affaires levantines.
Dès 1929, le futur héros de la France Libre, alors simple Commandant des renseignements militaires à Beyrouth, pressentait la leçon de cohésion que la France pouvait attendre du Liban.

Son lointain successeur, le chef du deuxième bureau des forces armées libanaises multiplie les succès. En quelques semaines, il a interpellé et débriefé les têtes de réseaux terroristes salafistes que les mauvaises langues affirment avoir été instrumentalisées par l'Arabie Saoudite.

Coïncidence, quelques jours plus tard, le roi Abdallah a spectaculairement sifflé la fin du jihad. Il a ordonné aux milliers de combattants saoudiens en Syrie et au Liban de déposer immédiatement les armes sous peine d'être jetés en prison à leur retour dans le Royaume. Cette décision inespérée est quelque peu passée inaperçue à Paris. Mais Obama, qui avait sans doute inspiré ce décret d'armistice a immédiatement annoncé qu'il irait à Riyad en mars prochain pour serrer les doigts du monarque et fixer les règles du «new Saudi-US deal».

Et la France ?
Elle compte et se dépense.
Entre elle et le Liban, il y a un « bon d'achat » d'armes de trois milliards de dollars payé cash et d'avance par l'Arabie.

Les modalités pratiques de la transaction sont simples en apparence. La somme versée sur un compte du trésor à Bercy sera débitée au fur et à mesure des commandes libanaises. L'opérateur et le contrôleur de la transaction est ODAS, une structure détenue en majorité par les industriels de l'armement mais dont le PDG est désigné par l'Elysée. Sarkozy avait nommé son Chef d'État-major de la marine. Pour conduire cette entreprise sensible, Hollande s'apprête à récompenser la retraite du Chef de l'ensemble de ses armées.

Il faut reconnaître que la mission d'honorer un cadeau empoisonné hors normes est délicate. En acceptant le chèque des mains du souverain wahhabite en décembre dernier, le Président Hollande avait (peut-être) mesuré les difficultés de cette opération commerciale inédite.

Nul n'a encore bien compris le comment et le pourquoi de cette extravagante transaction ni les arrières pensées qui l'on motivée. En Orient, on adore le jeu des échecs et le billard à trois bandes, surtout lorsque la partie vaut trois milliards.

A peine François Hollande était-il de retour des sables d'Arabie que ses amis israéliens se sont mis à hurler dans la cour de l'Elysée. « C’est une trahison, nous ne laisserons pas la France exporter des armes à nos ennemis !»

Puis à la cohorte des hébreux se sont jointes celles des Européens et des Américains reprenant en cœur « pas question que les armes françaises tombent entre les mains du Hezbollah que nous venons d'élever au rang d'organisation terroriste ! »

De leur côté les industriels marchands de missiles sont montés au créneau réclamant leur part du gâteau. Ils ont été priés de patienter, alors par précaution, ils ont repris langue avec leurs réseaux d'intermédiaires salivant par l'odeur alléchée.

Au Liban, les deux grandes familles chrétiennes et musulmanes se partagent à travers les dix-huit communautés qui siègent au Parlement, la gouvernance des institutions. Le Liban est pluriel. L'harmonie est possible toutes les fois que l'étranger ne s'en mêle pas. Les Libanais savent d'où vient l'ingérence.

A l'image du pays, l'armée libanaise est pluriconfessionnelle, mais soldats et officiers forment un corps uni  redoutablement performant au regard de ses moyens. L'armée est soudée face à la menace de son ennemi déclaré : Israël.
« Notre choix en tant que militaires est la persévérance afin de préserver cette nation, faire face à l'ennemi israélien, ses réseaux d'espionnage et ses avidités, lutter contre le terrorisme sous ses différentes formes, et traquer les saboteurs qui œuvrent à porter atteinte à notre sécurité ». Ordre du jour du Chef d'État-major lors de la fête des Armées.

Il y a quelques jours, des plénipotentiaires parisiens se sont rendu à Beyrouth pour expliquer que seule la branche armée du Hezbollah était terroriste mais que les membres encartés au sein de l'armée libanaise ne l'étaient pas. Les Libanais, gens de grande subtilité ont apprécié l'exercice diplomatique et linguistique en souriant.

Puis les Français ont suggéré au patron des forces armées le Général Jean Kahwaji de passer commande de 60.000 uniformes Dior, ceinturons et bottines Hermès, baudriers et guêtres Louis Vuitton, montre-boussole Cartier. A discrétion, parfums et carrés de soie pour les épouses. Au prix unitaire et forfaitaire de 50 000 dollars et le compte est bon !
Furieux qu'on prenne les vainqueurs de la guerre contre Israël de 2006 pour une armée d'opérette, les généraux libanais ont présenté leur liste. A prendre ou à laisser. Puis ils sont allés à Riyad dire pis que pendre des frankaouis.
On en est là.
Pour sauver le bon de commande, Paris recherche désespérément l'homme providentiel aux idées simples qui saura décrypter l'Orient compliquée.

Par Hedy Belhassine

Médiapart