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Et si le dossier syrien en cachait un autre, plus ancien ?

Et si le dossier syrien en cachait un autre, plus ancien ?

La problématique syrienne telle qu’elle est traitée par le cabinet d’Obama laisse pour le peu pantois.

La problématique syrienne telle qu’elle est traitée par le cabinet d’Obama laisse pour le peu pantois.
Washington ne semble plus savoir où donner de la tête, à quels esprits martiaux se vouer, à quel traité s’en tenir. Tantôt il s’applique à satisfaire les revendications saoudiennes, tantôt il mise sur les fleurons de la diplomatie russe. Sa diligence à satisfaire les deux semble au fond assez étrange : pourquoi une puissance prédatrice imbue de ses moyens voudrait-elle exaucer deux axes antagonistes ? Revenons sur certains faits significatifs.

Le 31 août 2013, alors que l’ensemble de l’équipe Hollande se dit prête à bombarder la Syrie dans la nuit même, les USA y renoncent in extremis. On se souviendra à cette occasion des accusations réitérées de Laurent Fabius qui pour la première fois n’a pas hésité à faire une moue particulièrement déconfite. En effet, sans l’approbation des USA, aucun Rafale n’a vocation à décoller. Cette approbation ne vint toujours pas et ne viendra jamais. Il y a plusieurs raisons déjà assez bien connues à cela. Voici deux d’entre elles, cruciales.

- La première, terre-à-terre, est liée au succès du gaz de schiste et des sables bitumineux couplé à l’exploitation accrue d’importants gisements pétroliers au Canada. Le messianisme à la sauce washingtonienne s’arrête là où la corne d’abondance déverse ses hydrocarbures.

- La déstabilisation de l’Afghanistan et de l’Irak (pour ne citer que deux exemples baroques) n’a pas conduit au résultat espéré. Les islamistes ne sont plus à la laisse comme ils auraient pu l’être jusqu’aux 11/9, le temps des Ben Laden et de ses innombrables doubles pilotés par la CIA est révolu. Qu’a-t-on obtenu, en définitive ? Les monarchies du Golfe déploient un zèle sans pareil dans le but d’installer un Khalifat planétaire qui n’épargnera guère l’Occident. Affaiblir les pays européens en les criblant de dettes ne signifie pas les détruire. La Turquie réaffiche sa nostalgie de l’Empire Ottoman. Mais la vision qu’à Recep Erdogan de la future nouvelle Porte Sublime ne colle que très peu à ce que fut cette dernière avant son démantèlement survenu en 1922. Le Khalifat rêvé par les pays où le sunnisme radical est dominant fait bien pendant au panislamisme turc, lui qui s’édifie sur les vestiges d’un panarabisme violemment réprimé par l’ingérence otanienne. Est-ce vraiment de cela que voulaient les USA ? Et Israël alors dans tout ça ?

C’est en brodant autour des sommets de la donne moyen-orientale qu’on met le doigt sur le nerf du problème. Se refusant à intervenir en Syrie, les USA font passer pour des attitudes velléitaires ce qui, en réalité, n’est que le fruit d’une stratégie mûrement réfléchie.
Considérons trois faits éminemment importants :

- Le revirement du 31.08 s’est doublé des prises de position contradictoires de John Kerry au cours de la conférence Genève-2. A la délégation de la Coalition nationale il a exprimé sa volonté de voir partir Bachar al-Assad en soulignant que celui-ci ne pourrait jamais faire partie du gouvernement de transition. Certains membres du cabinet de Kerry présents à la conférence ont confié aux journalistes que le départ d’el-Assad serait une véritable catastrophe pour la Syrie et que, dans les intérêts des USA, il ne faudrait pas que cela arrive.
On ne va tout de même pas imaginer que le cabinet du secrétaire d’Etat irait contredire son chef. Il y a deux vérités : l’une, de façade, est réservée à l’Arabie Saoudite, l’autre trahit la véritable préoccupation des USA. C’est à supposer que les pyromanes ne savent plus comment éteindre le feu qu’ils ont allumé et attisé.

- Les USA s’affairent beaucoup autour du dossier palestinien. Depuis sa première élection en 2009, Obama ne se lasse pas de chercher une solution efficace à l’impasse palestinienne. Ce souci semble aujourd’hui atteindre son point de culmination. Disposant de renseignements dont je ne dispose pas, voici ce qu’en dit Thierry Meyssan dans l’un de ses derniers articles : « En juillet 2013, John Kerry a imposé aux deux parties [Palestine et Israël] de négocier la paix sous 9 mois (…). Cette exigence laisse perplexe : pourquoi fixer une date limite dans un processus de paix qui n’en avait jamais connu auparavant et qui dure pour durer depuis 65 ans ? ». Ce délai accordé aux deux parties nous amène à fin avril 2014. En effet, pourquoi une telle date butoir ?
 

Il semblerait en fait qu’Abdullah Ensour, Premier ministre jordanien, soit plus déterminé que jamais à donner carte blanche à ce qu’on pourrait appeler la jordanisation des Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. De cette façon, il sera inutile de reconnaitre l’Etat Palestinien ce qui devrait faire plaisir à Tel- Aviv. Or, c’est précisément à ce stade qu’on s’enlise de plus belle, car Israël ne consentira jamais à rendre le Golan à la Syrie. Cette dernière exigence se pose néanmoins comme une condition sine qua non tout comme, par ailleurs, le retour d’Israël aux frontières de 1967. Résultat : Tel-Aviv a la paix, les Palestiniens ont bel et bien une place (dûment subventionnée par les USA) dans un pays musulman, les tensions entre Israël et la Syrie, très fortes depuis 1981, baisseraient d’un sacré cran. Mais là où le bât blesse, c’est que l’Etat hébreu continue à faire des siennes ne voulant pas rendre le plateau du Golan et accepter le Lac de Tibériade en échange.

- En outre, la neutralisation des rapports israélo-palestiniens n’aurait en principe aucun sens en dehors d’une neutralisation bien plus générale d’un islamisme déjà plus galopant que rampant, engluant les frontières de cet œuf d’or qu’est l’Etat hébreu. L’accord conclu entre l’Iran et les USA profite grandement à ces derniers dans la mesure où c’est à travers sa collaboration avec Téhéran que Washington pourra plus ou moins contrôler l’expansion salafiste en Syrie. Ce pari explique pourquoi les USA ont choisi de négocier, fin 2013, avec Rohani, cela au grand dam et de Fabius et de Shimon Peres. Un assainissement du climat diplomatique entre l’Iran et Washington pourrait en outre contribuer à la neutralisation des passions au Liban et en Irak. Il s’agit en fait de rétablir un faible équilibre dans l’esprit de l’échiquier de Brezinski et cela, en premier lieu, pour mettre un terme au conflit israélo-palestinien, trop peu commode pour les USA.

Le désengagement US du Proche-Orient ne saurait se faire d’une façon harmonieuse – j’emploie ici ce terme par extension de sens – en dehors de la résolution de la problématique en somme plus israélienne que palestinienne. Il est cependant à se demander s’il n’est pas trop tard, l’entropie islamiste, celle-là même qui il y a encore peu devait servir les intérêts des USA, étant en passe d’augmenter. Il est toujours plus difficile de restaurer que de détruire. Jusqu’ici, les USA n’ont fait que détruire sous la bannière d’un mirage sanguinaire prénommé démocratie.

La politique française ne vaut guère mieux. Non seulement la France de Hollande n’a toujours pas compris que les intérêts US étaient loin de toujours coïncider avec les siens, mais en plus, elle persiste à ne vouloir prendre aucun recul par rapport aux tensions proche-orientales. Il en va de même pour Israël. Jusqu’à quand cet état de sottise marécageuse régnera-t-il ?

Françoise Compoint
Voix de la Russie