26-11-2024 03:38 PM Jerusalem Timing

Syrie: Alep récupère son cœur, voit résister sa prison, craint pour son histoire

Syrie: Alep récupère son cœur, voit résister sa prison, craint pour son histoire

Homs : derniers jours des miliciens, derniers souvenirs d’esclavage...

La bataille tourne à pleine vitesse à Alep entre l’armée syrienne, assistée par des éléments de la Défense nationale et ceux des Comités populaires et les miliciens de tous bords, Syriens et étrangers, selon les régions.

L’exploit le plus important a été ces derniers temps la sécurisation de cheikh Najjar et de la colline stratégique al-Ghawali. Cette zone qui renferme la plus grande cité industrielle de la Syrie avait été pillée par les rebelles de l’Armée Syrienne Libre à partir de 2012 et ses équipements ont été vendus en Turquie.

Les troupes régulières se sont emparées de sa zone des dépôts, assure AsSafir, et encerclent les miliciens du Front al-Nosra d’Al-Qaïda qui font preuve d’une résistance farouche.
Alors que le correspondant du quotidien libanais Al-Akhbar en Syrie estime que l’armée syrienne a achevé la bataille en libérant quelques 10 Km2 , en démantelant les engins piégés qui y étaient disséminés, et en occupant les positions avancées.

Le journal indique qu’elle était envahie par une milice étrangère, la « Brigades des Mouhajirines et des Ansars ». Ses éléments ont été pris de court et ont fini par évacuer les lieux. Leurs sources selon al-Akhbar évoquent l’éventualité d’une trahison de la part des Syriens, d’autant que la Brigade Tawhid, des Frères musulmans syriens s’était retirée de cette zone.
 

Sachant que la sécurisation de cette région ne permettra pas seulement de reprendre le cœur de la capitale économique du pays, mais aussi d’alléger le siège imposé à la prison d’Alep par la milice Front Islamique, soutenu par l’Arabie en collaboration avec le Front al-Nosra d’Al-Qaïda.

La prison d’Alep : cimetière des miliciens

Or, cette prison résiste toujours aux assauts lancés depuis trois jours par ces deux milices qui ont tenté vendredi de l’investir une nouvelle fois. Via un attentat-suicide à la voiture piégée contre son siège, et un kamikaze qui s’est introduit et fait exploser tuant au moins un des gardes de la prison et en blessant 20 autres.
Mais l’attaque a fini par  échouer, grâce à l’intervention de l’aviation militaire et de l’artillerie stationnée à cheikh Najjar, et au cours de laquelle un certain nombre de miliciens a succombé.

Selon une source sécuritaire qui s’est exprimé pour Assafir, il est très difficile aux miliciens de s’emparer de la prison, sauf s’ils exécutent d’autres attentats qui détruisent tout le bâtiment sur la tête de ses 3500 prisonniers, que les rebelles s’emploient à libérer. 48 d’entre eux appartiennent à Al-Qaïda et au groupuscule « Jound al-Cham ».

Des sites ont relayé un appel au secours lancé par ces prisonniers à l’adresse de « l’Instance des Grands ulémas saoudiens , de la Fondation des ulémas musulmans dans le monde, et des factions qui combattent en Syrie », et dans lequel ils assurent que depuis le lancement de la bataille de leur libération lancé le mois d’avril dernier, ce sont les prisonniers qui ont payé le plus lourd tribu, d’aucuns ayant été tués durant les attaques et d’autres ayant succombé à la maladie ou sont morts de faim, en raison du siège imposé à la prison.

Facteurs de résistance

Pour al-Akhbar, la résistance de cette prison est redevable à deux facteurs : à l’acharnement de ses défenseurs qui veulent lutter  jusqu’au dernier souffle. Une source révèle que les gardes de cette prison ont demandé à leur commandement de bombarder toute la prison au cas où elle tombe entre les mains des miliciens, au mépris de leurs vies.
Le deuxième facteur de cette capacité d’endurance revient à la construction du bâtiment de cette prison et ses barricades. Sachant qu’elle remonte à l’époque de l’unité syro-égyptienne et plus précisément à une décision du président égyptien Abdel Nasser.

Les vieux quartiers pris en otage

Alors que les quartiers Est de la ville, contrôlés par les rebelles ont été évacués par leurs habitants qui se sont rendus vers les quartiers ouest ou au nord d’Alep, l’aviation syrienne a intensifié ses raids contre les positions des milices là-bas.

Encerclés, le miliciens recourent à une manœuvre exécrable : ils tentent de transférer la bataille vers les vieux quartiers de la ville, au mépris de la préservation du patrimoine syrien historique qui est réellement en danger.

Le Front Islamique pro saoudien s’y attelle à creuser des tranchées et à les faire piéger et exploser. 7 militaires réguliers ont succombé.

Il a même menacé de faire de même avec la citadelle d’Alep bâtie depuis l’époque romaine.
La semaine passée, le bâtiment de l’hôtel Carlton a fait les fruits de cette politique (voir image).

Homs : évacuation et évasion

La situation à Homs est similaire à celle d’Alep. Dans le sens que les   habitants des quartiers occupés par les miliciens ont évacué ses quartiers occupés par les miliciens, dont entre autre Jouret-Chiah, dans le cadre de l’opération patronnée par l’ONU.

Il n’y reste plus qu’une partie des miliciens. De nombreux d’entre eux ont pris la fuite, en se faufilant parmi les femmes, les enfants et les vieillards évacués.

« Lorsque nous sommes sortis, raconte une petite fille de 8 ans, Bara’a (Innocence) au correspondant d’al-Akhbar, ils se sont cachés parmi nous, ils nous ont portées, ma sœur et moi pour faire croire à l’armée qu’ils sont de la famille ».

Réduits à l’esclavage

Bara’a qui est sortie de Homs avec son père et ses trois sœurs assure aussi que le nombre des miliciens qui sont sortis lors des évacuations est supérieur à celui des familles.
« Elle n’a rien à voir avec son prénom Innocence. Elle parlait avec la sagesse d’une vieille personne et n’affichait aucune timidité à raconter des choses que les grandes personnes ont l’habitude de faire », commente le correspondant d’al-Akhbar.

Ayant perdu sa mère et son petit frère depuis 7 mois dans l’explosion d’un engin piégé, Bara’a raconte ce qu’elle faisait ainsi que sa famille depuis : «  Nous étions les voisins des révolutionnaires. On leur rassemblait et cassait du bois pour les mettre dans des tonneaux pour qu’ils se réchauffent... La première chose que les révolutionnaires font en rentrant dans les maisons, ils arrachent les portes, et nous les apportent pour qu’on les casse avec des pierres. »

Elle poursuit comment ils parlaient à son père : «  dis à tes filles de nous faire du thé, dis à tes filles que nous voulons du bois. Fais porter le voile à tes filles. Fais la porter un manteau et cache lui le visage ».

Bara’a assure aussi que l’un des miliciens voulaient acheter sa sœur de trois ans, alors qu’un autre a même proposé de prendre les quatre filles. « Une fois, poursuit-elle, mon père a essayé de nous faire sortir du quartier, alors ils l’ont blessant en tirant contre lui, puis l’ont soigné sans anesthésie ».
«  Ils nous disaient que l’armée allait nous couper les mains et les pieds et nous bruler le visage si on va vers elle », ajoute Bara’a qui parlait avec prolixité, comme si elle a beaucoup à dire.

Des chats en moins et de gros rats en plus

Concernant les moyens de se nourrir, Fraïha (12 ans), une autre fille de Homs raconte aussi que les  rebelles volaient toutes les provisions recueillies dans les maisons qu’ils perquisitionnent, et s’accaparaient les rations  alimentaires distribuées.
«  Nous ne mangions que lorsque nous étions affamés... Nous avons tellement mangé de la viande de chats que les gros rats se sont multipliés.... ce n’était pas bon. C’était amer », rapporte-t-elle avec une grimace.

Elle révèle aussi que les miliciens ont tué quatre habitants et les ont décapités parce qu’ils ont essayé de quitter le quartier : «  pour qu’ils soient une leçon pour les autres », explique-t-elle.   

Des jeunes  fuient les rebelles

Le maire de Homs, Talal al-Barazi donne une interprétation de ces faits. Tout en niant le fait que  des centaines de rebelles se sont rendus, il assure que de nombreux jeunes qui sont sortis avec les femmes et les enfants étaient recherchés par les miliciens. 4 d’entre eux ont fait semblant d’aider un handicapé pour se rendre au barrage de l’armée. Le responsable de l’ONU les avait prévenus que l’organisation internationale n’est nullement censée les prendre en charge parce qu’ils ne font pas partie de la tranche d’âge concernée dans l’accord. « Ils ont alors répondu qu’ils étaient prêts à tout mais voulaient à tout prix sortir », rapporte Barazi.

Il révèle aussi que certains miliciens qui sont sortis parmi les femmes se sont d’eux-mêmes livrés aux autorités syriennes. 179 ex-rebelles jeunes ont vu leur statut réglé et sont revenus à la vie normale, dont 38 vendredi.

340 des habitants évacués ont été hébergés dans des centres conçus pour les civils où ils subissent des cessions de réhabilitation psychologique aux mains de spécialistes et de psychanalystes. Des religieux aussi sont chargés aussi de leur donner des cours similaires.

Quant à ceux qui sont restés, sortiront-ils un jour, a interrogé le correspondant d’al-Akhbar : «jamais. Ils ont piégé les tunnels, et les voies de sortie sont sous le contrôle de snipers qui tirent sur ceux qui s’avisent de le faire », rapporte une femme rescapée.

En tout cas, ils ne sont plus nombreux.