Détails sur l’atercation entre l’émir du Qatar et le ministre saoudien des Affaires étrangères.
Le Conseil de coopération du Golfe (CCG), que Riyad considère comme le principal outil de sa diplomatie régionale, est au bord de l’implosion.
Trois des six membres de ce rassemblement, l'Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont décidé mercredide rappeler leurs ambassadeurs au Qatar, reprochant à Doha son ingérence dans les affaires de ses voisins, a annoncé la chaîne de télévision Al Arabiya.
Cette décision a été annoncée par l'agence officielle saoudienne SPA au lendemain d'une réunion "houleuse", selon la presse, des ministres des Affaires étrangères des monarchies arabes du Golfe à Ryad.
"Les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont tout fait auprès du Qatar pour s'entendre sur une politique unifiée (...) garantissant la non ingérence de façon directe ou indirecte dans les affaires internes de chacun des pays membres", selon le texte d'un communiqué des trois pays.
Les trois pays membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) "ont été obligés de prendre des mesures en vue de garantir leur sécurité et leur stabilité", est-il indiqué dans un communiqué conjoint publié au lendemain de la réunion à Ryad.
Le Qatar regrette la décision
En réaction, le Qatar a regretté mercredi la décision de trois de ses voisins, dont l'Arabie saoudite, de retirer leurs ambassadeurs de Doha et affirmé ne pas avoir l'intention de prendre une mesure réciproque.
"La décision des frères en Arabie, aux Emirats et à Bahreïn, n'a aucun lien avec les intérêts des peuples du Golfe, leur sécurité et leur stabilité", a répliqué le Conseil des ministres du Qatar dans son communiqué.
"Elle concerne des divergences sur des questions hors des pays du Conseil de coopération du Golfe", a-t-il ajouté dans une référence à l'Egypte.
La détérioration des relations entre Ryad et Doha ne date pasd’hier. Mais cette escalade est surprenante dans la mesure où elle montre que l’Arabie saoudite peine à imposer ses options et ses choix politiques même au sein du CCG, considéré par les analystes comme son arrière-cour.
Le Qatar n’est pas le seul pays à s’éloigner du royaume wahhabite.
Le sultanat d’Oman adopte également des positions sensiblement différentes de celle de l’Arabie saoudite, notamment au sujet des relations avec l’Iran et de la crise syrienne.
Querelle entre Saoud al-Fayçal et cheikh Tamim
Il convient de noter que la décision de rappeler les ambassadeurs a été prise dans le sillage d’un violent altercation entre l’émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, et le ministre saoudien des Affaires étrangères Saoud al-Fayçal.
L'ex-rédacteur en chef du quotidien Al Qods Al Arabi (édité à Londres), Abdel Bari Atwan, a raconté les détails de la réunion des ministres des Affaires étrangères du CCG, qui s’est tenu au Koweït, il y a trois semaines.
L’émir Tamim a participé à cette réunion à l’invitation de l’émir du Koweït, Sabah al-Ahmad, qui proposait une médiation.
Mais la discussion a très mal tourné. En réponse aux critiques adressées par certains membres du CCG contre la politique de son pays, l’émir du Qatar a regretté le manque de confiance des dirigeants des pays voisins dans les mesures de Doha qui visent, selon lui, à préserver les intérêts du Golfe.
Il a demandé au prince Saoud al-Fayçal de présenter des preuves que le Qatar œuvrait dans le sens contraire. Le chef de la diplomatie saoudienne a alors exposé de «nombreuses preuves», sous forme d’articles de journaux. Le dirigeant qatari s’est alors emporté, affirmant que des coupures de presse ne pouvaient être considérées comme des preuves.
«Présentez-moi des preuves officielles», a-t-il lancé. Furieux, le prince saoudien a répondu: «Nous avons de nombreuses preuves officielles, mais nous ne les exposerons pas car nous ne voulons pas divulguer nos sources», toujours selon le récit d’Abdel Bari Atwan, qui cite le quotidien Al-Raï el-Yom.
Echec des efforts du Koweït
Toutes les tentatives de médiation entreprises ces derniers jours par le Koweït pour rapprocher les points de vue et éviter une crise majeure ont échoué.
Cette rencontre, organisée sur l'initiative du Koweït, était destinée à surmonter le désaccord entre le Qatar d'une part et l'Arabie saoudite, Bahreïn et les Emirats arabes unis de l'autre sur la position à adopter face au nouveau pouvoir installé par l'armée en Egypte en juillet 2013 après la destitution du président Mohamed Morsi.
Le Qatar a soutenu les Frères musulmans, qui ont perdu le pouvoir en Egypte, tandis que les trois autres pays ont appuyé le nouveau pouvoir égyptien.
Selon les médias internationaux, Riyad, Manama et Abou Dhabi soupçonnent également Doha de soutenir les « islamistes » dans leurs pays.
L'Arabie saoudite, le Bahreïn et les Emirats arabes unis soulignent qu'ils "défendent les intérêts de tous les pays du Conseil de coopération des Etats arabes du Golfe (CCG), y compris ceux du peuple qatari" et appellent le Qatar à "prendre des mesures urgentes pour assurer la réalisation des ententes intervenues au sein du CCG", d'après le communiqué.
Créé en 1981, le CCG réunit six monarchies du golfe Persique: l'Arabie saoudite, Bahreïn, les Émirats arabes unis, Oman, le Koweït, et le Qatar.
L’Arabie saoudite, qui ne parvient plus à entrainer avec elle ses voisins du Golfe, peut-elle encore prétendre diriger le monde arabe?