Malgré les sanctions et les destructions, l’économie syrienne ne s’est pas effondrée et la monnaie, bien qu’affaiblie, n’a pas rendu l’âme.
Le président syrien Bachar al-Assad a effectué mercredi une rare visite dans un centre de personnes déplacées par la guerre près de la capitale syrienne, a annoncé la télévision publique.
"Le président Assad inspecte la situation des déplacés dans le centre d'al-Doueir à Adra, dans la province de Damas", a-t-elle précisé. "Il écoute leurs doléances et s'informe des conditions de leur séjour".
"L'Etat continuera d'assurer les besoins essentiels des déplacés jusqu'à leur retour dans leurs foyers", a dit Assad, confronté depuis trois ans à une rébellion qui veut sa chute.
Une photo postée sur le compte officiel Twitter de son bureau montre le chef de l'Etat parlant à des femmes et des enfants dans le centre de déplacés.
La ville d'Adra est située au nord-est de Damas. Elle fut le théâtre de combats entre rebelles et forces régulières qui avaient lancé en décembre une large offensive pour en expulser les insurgés.
La dernière apparition publique du président syrien remonte à janvier lorsqu'il avait participé à une prière dans une mosquée à Damas.
Selon des chiffres de l'ONU, près de 2,5 millions de Syriens, dont 1,2 million d'enfants, ont fui leur pays pour se réfugier principalement dans les pays voisins alors que 6,5 millions ont été déplacés à l'intérieur du pays.
L'économie syrienne transformée par la guerre, soutenue par les alliés
Malgré les sanctions et les destructions, l'économie syrienne ne s'est pas effondrée et la monnaie, bien qu'affaiblie, n'a pas rendu l'âme.
Le PIB a été presque divisé par deux depuis 2010, la dernière année avant le conflit, et les autorités syriennes ont été touchées par des sanctions internationales et la perte de champs pétroliers pris par les rebelles.
Mais l'économie a jusqu'à présent évité l'effondrement complet, grâce à un soutien financier crucial des principaux alliés de Damas, la Russie et l'Iran.
"L'économie syrienne s'est radicalement transformée (...). L'économie que nous connaissions a été en grande partie détruite", explique l'économiste Jihad Yazigi, auteur du site d'information économique The Syria Report.
"De vastes segments de l'économie syrienne ont cessé de produire et de nombreux acteurs économiques ont quitté le pays", ajoute-t-il.
Parallèlement, "les vols, les enlèvements, les barrages sur les routes et contrôle des champs pétroliers (...) sont devenus sources de revenus", explique-t-il.
"L'économie informelle comme l'économie de guerre se développent. Certains hommes d'affaires ont bénéficié de la guerre, de nouvelles institutions et de nouveaux réseaux se sont développés avec elle", insiste-t-il.
'Pauvreté extrême'
"La Syrie est un champ de bataille avec des fronts multiples et complexes", estime Mazen Irsheid, de la Jordan's United Financial Investment Company.
Selon l'Economist Intelligence Unit, le PIB syrien atteindra 34 milliards de dollars en 2014, bien loin des 60 milliards enregistrés en 2010.
En octobre, l'ONU a estimé que l'économie syrienne avait perdu 103 milliards de dollars entre le début du conflit et la mi-2013, dont 49 milliards pour la seule année 2012.
Le taux de chômage approche les 50% et la moitié des 23 millions de Syriens vivent à présent sous le seuil de pauvreté, dont 4,4 millions survivent dans une "pauvreté extrême", selon l'ONU.
Dans ces conditions, les Syriens cherchent avant tout à assurer leurs besoins les plus essentiels: pain, thé, sucre, carburant.
Or, la production pétrolière s'est effondrée, passant de 385.000 barils par jour à 14.000. Pour faire face à sa consommation domestique estimée à 150.000 barils par jour, la Syrie doit désormais importer du pétrole iranien, pour une valeur de 400 millions de dollars par mois.
- Aides russe et iranienne -
L'Iran apparaît désormais comme une vraie planche de salut pour l'économie syrienne, auquel il a ouvert en juillet 2013 une ligne de crédit de 3,6 milliards de dollars.
Et la Russie, l'autre allié de Damas, a joué un rôle de soutien essentiel pour l'économie du pays. En décembre, Damas a signé un accord autorisant une compagnie russe à rechercher des hydrocarbures dans ses fonds sous-marins.
"La Syrie tient encore debout sur le plan économique grâce au soutien de ses alliés", assure Irsheid. "Par conséquent, on ne peut pas s'attendre à un effondrement pour le moment".
D'autres facteurs ont permis à la Syrie de ne pas sombrer, en particulier l'exode de quelque 2,5 millions d'habitants réfugiés dans les pays limitrophes, la baisse des dépenses publiques et l'aide internationale, selon les experts.
Pour Irsheid, les avancées de l'armée sur le terrain ont aussi aidé à stabiliser certains indicateurs économiques: "Ces derniers mois, le statut de la livre syrienne s'est amélioré, même au marché noir, grâce à ces avancées".
Selon les prévisions 2014-2018 de The Economist, l'économie de la Syrie devrait "toucher le fond" cette année, même si les perspectives à long terme restent sombres. "En fait, cela pourrait être pire qu'à présent. La Syrie est entrée dans un long tunnel et n'en sortira pas à la fin de la crise", estime Irsheid.
La justice européenne confirme les sanctions contre la soeur de Bachar al-Assad
Sur un autre plan, la justice européenne a confirmé jeudi les sanctions prises par l'UE à l'encontre de la soeur du président syrien Bachar al-Assad, en considérant qu'elle était « bien liée au régime par le simple fait de son lien familial » !
Bouchra al-Assad est la soeur de Bachar al-Assad et la veuve d'Asif Shawkat, ancien vice-chef d'état-major de l'armée syrienne.
Elle a été inscrite sur la liste des personnes visées par les sanctions adoptées par l'Union européenne à l'encontre de la Syrie, sous forme d'interdictions de visas et de gels des avoirs. Les fonds qu'elle possède dans l'UE ont été gelés et qu'elle s'est vu interdire l'entrée ou le passage en transit sur le territoire des Etats membres.
Mme al-Assad réclamait l'annulation de cette décision. "Le seul fait que Mme al-Assad est la soeur du président syrien suffit" pour que l'UE "puisse considérer qu'elle est liée aux dirigeants de la Syrie", a estimé jeudi le Tribunal de l'UE. "D'autant plus que l'existence dans ce pays d'une tradition de gestion familiale du pouvoir est un fait notoire dont le Conseil pouvait tenir compte", ajoute le tribunal.
Il souligne que "si les mesures restrictives ne visaient que les dirigeants du régime syrien, les objectifs poursuivis par le Conseil pourraient être mis en échec, étant donné que les dirigeants concernés pourraient facilement contourner les mesures par le biais de leurs proches".