Il y a certes à Yabroud un plus qu’il n’y avait pas à Qousseir. Le bel indice que le présent tire les leçons du passé!!
Sur certains murs de Yabroud, il est des mots. D’origine inconnue, c’est comme s’ils renfermaient son destin.
« C’est ton cerveau qui est ta parure, et non ton arme », peut-on lire.
Une réplique serait-ce au vieux proverbe arabe « l’arme de l’homme est sa parure ».
Curieusement, elle illustre fortement les causes réelles de la chute-éclair de cette localité entre les mains de l'armée syrienne.
La mère des batailles
Dès lors les religieuses de Maaloula ont été relâchées, tous les observateurs s’attendaient à l’éclatement de la bataille d’un moment à l’autre. Mais tous aussi prévoyaient qu’elle serait longue, bien plus que celle de Qousseir, et surtout plus féroce, surtout que tous les miliciens du Qalamoune s’y étaient retranchés, en plusieurs milliers (entre 6.000 et 10.000 hommes) qui grondaient de rage et de colère, promettant l’enfer à l’armée gouvernementale et à ses alliés.
Ces observateurs appréhendaient aussi l’importance de l’arsenal qui y était entreposé, lequel comptait également les armes dérobées aux dépôts de l’armée syrienne.
Une bataille-éclair
Or, les choses sont allées très vite. En moins de 48 heures, entre l’après-midi de vendredi et la matinée de dimanche, tous les atouts de forces des milices sur place ont été neutralisés. Il n’y a eu que peu de combats dans ses rues. L’assaut a été à peine lancé que des centaines de miliciens ont pris la fuite vers les régions ouest, Rankous et Flita, proches du Liban, ou ailleurs.
Une bataille propre
Plus encore, les experts militaires sont unanimes :à Yabroud, la bataille a été propre, dans le sens que les pertes dans les rangs de l’armée et de ses alliés sont au plus bas, alors que ceux des miliciens sont considérables. Dans les rangs de ces derniers, il est question de 400 à 600 tués, selon des chiffres rendus publics par les sources proches de l’opposition syrienne armée.
De plus, les destructions dans la petite ville sont très limitées, preuve que les pilonnages n’ont pas été sporadiques et les combats bien ciblés.
La matière grise
Derrière cet exploit, c’est dans la matière grise qu’il faut chercher pour comprendre ce qui s’est passé. « C’est ton cerveau qui est ta parure ». En termes militaires, ceci équivaut au travail de renseignements et de planification qui précède la bataille.
Depuis que l’armée syrienne était parvenue à s’emparer des hauteurs qui surplombent cette localité, elle s’est employée dans un travail acharné de surveillance et de récolte des renseignements. Il semble que des éléments à l’intérieur de Yabroud lui ont aussi prêté main forte.
C’est ainsi qu’ont été localisés entre autre les dépôts d’armements des milices, les lieux de rencontre de leurs chefs, leurs cellules d’opération, les lieux d’attroupements des miliciens, les passages à travers lesquels hommes et armes étaient acheminés et autres...
Le vendredi, jour-J de l’assaut, tous ces endroits étaient pilonnés presque conjointement.
Décapitation des milices
Les numéros militaires un et deux du front al-Nosra (d’Al-Qaïda), Abou Malek et Abou Azzam le Koweitien ont tous deux été mis de côté dans l’explosion de la maison piégée dans laquelle ils tenaient leur réunions, le premier ayant été grièvement blessé, et le second tué.
Ce jour même, il a été question de 13 chefs de milices abattus. On soupçonne qu’ils aient péri en même temps que les deux autres alors qu’ils étaient en concertation pour préparer la bataille.
Guerre psychologique
Le côté psychologique aussi a eu son tour à faire dans cette bataille.
Selon le journal al-Akhbar, des rumeurs avaient aussi été diffusées lors de lancement de l’attaque, semant la panique dans les rangs des miliciens. « Les combattants du Hezbollah sont entrés à Yabroud », ont crié certains.
Le journal assure que les milices ne voulaient surtout pas entrer dans du corps à corps avec le Hezbollah et préféraient garder avec ses hommes « une ligne de défense de feu de deux ou trois kilomètres » pour le contrer.
Se targuant d’être bien plus braves que les combattants du Hezbollah, les miliciens disaient toutefois appréhender les missiles entre leurs mains, les « Bourkane » (Volcan) qui d’après eux sont capables de détruire tous les endroits dans lesquels ils peuvent se retrancher.
Anti chars amortis
L’armée syrienne semble avoir aussi tiré les leçons des autres batailles, surtout concernant la vulnérabilité de ses chars. Tout en sachant que l’arsenal des miliciens compte un nombre important de Concors et de Cornet, elle a pris ses précautions. « La journée, le char se terrait derrière un mont de sable, et la nuit, il avançait par infrarouge », a expliqué un officier au correspondant de la chaine AlManar à Yabroud. Parfois, des digues artificielles étaient conçues pour cette mission.
C’est ainsi que les chars de l’armée syrienne sont parvenus à avancer progressivement, tout en constituant une importante force de feu, aux côtés des avions, à partir de l’air, et l’artillerie à partir des hauteurs.
Le piège temporel et spatial
Selon l’expert militaire libanais le général à la retraite Amine Hteit, l’armée syrienne a également tendu un piège aux miliciens. S’exprimant pour la chaine AlManar, il a expliqué que les forces régulières ont laissé croire les miliciens qu’ils allaient investir la petite ville à partir des régions faciles, alors qu’ils l’ont fait à partir de l’est, c’est-à-dire ses quartiers les plus difficiles, ceux qui comportaient leurs quartiers généraux et leurs hôpitaux de fortune.
De plus, ajoute le correspondant du journal assafir, ils pensaient que le lancement de l’attaque devait prendre encore quelques jours.
Au vu des critères temporel et spatial, les miliciens sont tombés dans le piège et ont été pris à l’improviste.
Ce que disent les miliciens
Interrogés sur les raisons de leur défaite, les miliciens avancent des thèses pas très persuasives, mais qui n’ont rien à voir avec toute la fanfaronne qu’ils avaient affichée auparavant.
D’aucuns mettent en avant la supériorité technologique et numérique de l’armée syrienne et de ses alliés et évitent surtout de révéler leurs failles.
« Nous ne pouvions avec nos armes modestes résister plus que nous l’avons fait, face aux milliers des forces du régime syrien et du Hezbollah dont les équipements sont plus importants que les nôtres », a dit un membre de l’Etats Islamique en Irak et au Levant (milice désavouée d’Al-Qaïda), rapporté par le journal arabophone pro saoudien ash-Shark al-Awsat, et qui semble avoir combattu aux cotees du front al-Nosra.
Encore de la trahison
Les accusations de traitrise ne manquent pas non plus. Surtout à l’encontre l’Armée syrienne libre (ASL) et de la milice pro saoudienne le Front islamique, dirigée par Zahrane Allouche. Leurss miliciens sont accusés de s’être évadés de Yabroud dès les premières heures de la bataille.
« Qu’attend donc Zahrane Allouche pour envoyer ses milliers d’hommes qu’il prétend qu’ils lui ont prêté allégeance. Aujourd’hui, c’était le tour de Yabroud. Demain ce sera celui de Douma qu’il considère être son bastion », s’est interrogée une source proche du Front al-Nosra. Laissant entendre que sa milice fera de même dans ce cas.
Yabroud a été vendue ?
« Al-Nosra est restée seule avec une faction ou deux jusqu’à midi de ce jour (dimanche) dans la ville de Yabroud, tentant de ramener les combattants aux champs de bataille et pallier aux carences mais en vain », a accusé son porte-parole Abdallah Azzam dans un communiqué. Et de révéler : « ce qui a été honteux c’est qu’ils ont commencé à propager que Yabroud était tombée alors que nous y étions encore ».
Selon lui : « dans la nuit précédente (de vendredi à samedi), les chefs des factions se sont réunis et ont décidé de se retirer de Yabroud sans résistance ». « C’est à dire de la livrer à l’armée et au Hezbo-late (appellation péjorative des takfiris pour le Hezbollah, Late étant une divinité pré islamique) », s’est-il offusqué.
Et Azzam de s’interroger plus loin : « ont-ils livré Yabroud gratuitement ? Ou a-t-elle été achetée ? ».
Evasion et auto disculpation
Quant à l’Armée islamique, colonne vertébrale de la coalition du Front Islamique soutenue par l’Arabie saoudite, elle tente de se disculper.
En mettant de l’avant une explication du mouvement d’évasion des miliciens de Yabroud : « certaines brigades traitres et des infiltrés parmi les combattants ont sommé les combattants de descendre des collines entourant Yabroud et de se retrancher dans ses rues, en même temps de l’avancée de l’armée et de l’accentuation du pilonnage contre sur ces collines où il n’y avait ni tranchées, ni digues pour protéger les combattants », a dit son porte-parole Islam Allouche, selon le journal AsSafir.
Il poursuit : « Le régime a occupé les hauteurs et Yabroud est devenue comme une assiette entre ses mains, pilonnant où bon lui semble, pendant que les traitres diffusaient des rumeurs que le régime a lancé l’assaut alors les miliciens se sont retirés.
Yabroud ressemble à Qousseir ? Oui et non. Mais il y a certes à Yabroud ce qu’il n’y a pas eu à Qousseir. Il y a "ce plus" qualitiatif qui permet de croire que le présent profite du passé. Là est peut-être le secret !!