Trois ans après le déclenchement des révolutions et des mouvements de contestation, les FM se trouvent dans leur pire situation.
Au début des révolutions arabes, la République Islamique en Iran a qualifié ces mouvements populaires d’ « éveil islamique inspiré de l’esprit et de l’exemple de la révolution islamique en Iran, et par suite, elle constitue une suite pour cette révolution », avait estimé le guide suprême de la Révolution islamique l’ayatollah Sayed Ali Khamenei.
Sayed Khamenei était en effet familiarisé avec l’esprit de Frères. Il fut parmi les premiers à avoir traduit des livres de Sayed Qotob (religieux et intellectuel islamiste) en persan, et conseillé de les lire.
Téhéran s’attendait à ce que les Frères musulmans (FM) échangeaient pareillement l’enthousiasme iranien. Mais la première visite effectuée par le président égyptien destitué Mohammad Morsi à Téhéran fut décevante : celui-ci a tenu un discours confessionnel provocateur, et annoncé la rupture des liens avec la Syrie, alliée de l’Iran.
Trois ans après le déclenchement des révolutions et des mouvements de contestation, les FM se trouvent dans leur pire situation : les Etats-Unis et les pays occidentaux les ont déçus. Washington a feint suspendre ses aides à la direction égyptienne de Sissi, mais dans les coulisses elle rassurait la nouvelle direction de la poursuite de ses dons.
La plupart des pays du Golfe ont combattu ce mouvement islamiste. L’Arabie Saoudite l’a placé sur la liste des organisations terroristes. Le mouvement Hamas, tout comme la Turquie, sont les premiers accusés dans les troubles en Egypte et en Syrie.
Récemment, un nouveau paysage se dessine. L’intérêt semble grand pour le rapprochement irano-turc. Sayed Khamenei avait dit en recevant le Premier ministre turc Recep Tayep Erdogan : « La fraternité et l’amitié actuelles entre l’Iran et la Turquie sont inégalées par rapport aux siècles derniers ».
La réponse d’Erdogan fut alors : « Je suis ici pour visiter mon deuxième pays ».
En effet, les relations irano-turques ne se sont pas détériorées tout au long de la crise syrienne.
Ensuite, le ministre qatari des Affaires étrangères est venu à Téhéran. S’en est suivi une visite d’une délégation du Hamas. Pendant ce temps, l’Iran affichait sa réticence face au renversement de Morsi en Egypte, et gardait ses liens avec les Frères.
Selon la vision stratégique iranienne à long terme, l’idée essentielle demeure inchangée : Le monde islamique doit se rencontrer. Téhéran veut renforcer les liens chiites-sunnites pour former une nouvelle alliance mondiale sérieuse. Elle réalise qu’une grande partie des divisions sectaires dans la région vise son rôle et celui de ses alliés.
Dans la stratégie à court terme, Téhéran trouve que son intérêt suprême réside dans le rapprochement entre les courants sunnites modérés dans la région, dont celui des Frères musulmans, afin de mettre fin à la guerre en Syrie, retirer le tapis de la division sectaire, renforcer sa position dans les négociations « 5+1 » et faire face à l’Arabie Saoudite.
Nombreux sont ceux qui ne comprennent pas la raison de l’inscription par l’Arabie Saoudite des Frères musulmans sur sa liste terroriste. L’Iran serait le premier bénéficiaire. En effet, Téhéran est devenu la destination de toutes les parties lésées de l’offensive saoudienne, à commencer par la Turquie, passant par le Qatar et arrivant à des parties yéménites influentes.
Il y a quelques jours, Ismaïl Haniyeh, dirigeant du Hamas et Premier ministre de Gaza, a tenu des propos menaçants contre Israël. Il a appelé à la lutte et au martyre. Quelques jours auparavant, les missiles du Jihad islamique tombaient en averse sur les régions israéliennes.
Avant ces menaces et ces missiles, deux responsables palestiniens visitaient l’Iran : le responsable des relations internationales au Hamas Oussam Hamdane, qui a dit que les relations avec l'Iran sont dans une bonne situation, et le secrétaire général du Jihad Islamique Ramadan Abdallah Challah. Egypte n'a pas tardé à chercher l’accalmie.
Entre la période des menaces et le lancement des missiles, le ministre égyptien des Affaires étrangères Nabil Fahmy évoquait depuis Beyrouth l'importance du rapprochement avec l'Iran. Peut-être il n’est pas convenable de parler ouvertement de ce sujet à cause de la relation avec l'Arabie saoudite et les pressions internationales à l’approche des élections, mais l'ouverture de l'Egypte à l'Iran et à la Russie semble plus qu’une nécessité pour le moment.
Qu’est-ce qui a changé ?
Depuis trois ans, l’Iran recherchait minutieusement comment tisser des liens sérieux et solides avec le courant des Frères musulmans. Aujourd’hui, ce mouvement semble avoir besoin de ce rapprochement. Hier, ce même rapprochement exaspérait l’Occident. Actuellement, Téhéran dialogue avec l’Occident. Israël est inquiet, observe et tente de bruler les cartes. Il a fait exprès publier des informations sur la volonté de Khaled Mechaal, président du bureau politique du Hamas, de visiter l’Iran avec une médiation qatarie. Le mouvement s’est vu obliger de démentir l’information.
Il ne fait aucun doute que la décision de l'Arabie saoudite contre les FM a provoqué la confusion dans la région du Golfe. Les Frères musulmans du Koweït font partie d'une combinaison complexe difficile à combattre. Les Frères du Bahreïn constituent une affaire particulièrement sensible dans un pays où le problème est présenté comme étant un problème entre les chiites et le pouvoir.
L e ministre bahreïni des Affaires étrangères fut obligé de démentir les propos qui lui ont été attribués sur le fait que les Frères musulmans à Bahreïn ne sont pas un groupe terroriste, assurant que son pays se tient à côté de l'Arabie saoudite et des Émirats arabes unis.
Autre confusion est née dans les rangs des Frères musulmans de la Syrie et de la Palestine. Au Yémen, les FM se sont trouvés trop faibles pour affronter les Houthis. L’Arabie Saoudite a fermé les portes devant leurs dirigeants d'Al Ahmar.
L’Iran trouverait dans tous ces changements une occasion pour renouveler son idée sur la nécessité d’un éveil islamique réel. Un éveil qui se base surtout sur le rapprochement des deux blocs sunnite et chiite en Iran.
Tarduit d'al-Akhbar
écrit par: Sami Kleib