Une révélation émanant des sources proches de services des renseignements américains et rapportée par le journaliste américain Seymour Hersh.
Nouvelle révélation sur l’attaque chimique de la Ghouta orientale le 21 aout 2013 qui innocente le pouvoir syrien : ce sont les hommes de l’actuel Premier ministre turc Recep Tayyeb Erdogan qui sont soupçonnés de l’avoir commise. Le but étant de pousser les Américains à intervenir militairement en Syrie.
Cette révélation publiée dans le magazine britannique London Review of Books revient au journaliste américain (prix Politzer) Seymour Hersh, qui à son tour dit l’avoir recueilli de sources des services des renseignements américains.
Selon Hersh, la piste turque n’a jamais été exclue chez les services de renseignements américains. Un ancien grand responsable du renseignement américain ayant toujours accès aux services actuels lui a un jour révélé : « nous savions qu'au sein du gouvernement turc d’aucuns croient sincèrement qu’ils peuvent bien mouiller Assad dans une affaire de gaz sarin à l’intérieur de la Syrie pour forcer Obama à exécuter sa mise en garde sur la ligne rouge », adressée au gouvernement syrien et lié à l’utilisation aux armes chimiques.
Erdogan est aussi connu pour ses liens étroits avec la milice jihadiste en action en Syrie le front al-Nosra. D’autant plus qu’il avait ordonné en mai 2013, selon la presse turque, la libération des dix membres de cette milice d’Al-Qaïda arrêtés dans le sud de la Turquie, avec en leur possession deux kilos de sarin.
Des documents classés, rédigés par des analystes de l’Agence américaine d’intelligence et de défense (DIA) et datant de juin 2013 indiquent que le chef de ce groupe, Haytham Qassab a reconnu entretenir des contacts directs avec un certain Abdel-Ghani, un prince de l’industrie militaire, et travaillait avec un certain Halit Unalkaya un employé dans une firme turque appelée Zirve Export qui lui a fourni l’expertise pour des quantités en vrac de précurseurs de sarin. Le plan d’Abdel-Ghani prévoyait d'apprendre à deux de ses associés à perfectionner le procédé de fabrication du sarin pour aller ensuite en Syrie former d’autres personnes et le produire à grande échelle.
A la foi d’une personne parfaitement au courant des activités de l’ONU, Hersh assure que concernant les différentes attaques chimiques perpétrées avant aout 2013, dont celle du village de Khan al-Assal, au cours de laquelle 19 civils et soldats syriens avaient péri, il existe chez l'organisation onusienne des preuves sur une implication avérée de l’opposition syrienne.
De plus, aussi bien les renseignements américain que britannique étaient parfaitement au courant que l’armée n’était pas la seule à avoir accès aux armes chimiques, mais aussi certaines unités rebelles.
Toujours dans les documents classés de la DIA, il est question d’efforts turcs et saoudiens pour se procurer des précurseurs de sarin en vrac, de quelques dizaines de kilogrammes.
Hersh rapporte qu’un expert de la politique américaine qui discute régulièrement aussi bien avec les responsables américains que turcs lui a raconté que ces derniers insistent souvent dans leurs rencontres avec le américains pour accuser Damas d’avoir franchi la ligne rouge. Ceci avait entre autre eu lieu lors de la visite d’Erdogan à Washington et sa rencontre avec Obama en mai 2013.
Dans son article, le journaliste américain signale qu’un consultant du renseignement américain lui a dit que quelques semaines avant la date fatidique du 21 Août, il a vu une information hautement classifiée préparée pour le chef de l’Etat-Major américain Martin Dempsey et le secrétaire à la défense Chuck Hagel, laquelle décrit « l'inquiétude aiguë» de l'administration Erdoğan au sujet des perspectives pessimistes des rebelles en Syrie. L'analyse met en garde que les dirigeants turcs ont exprimé la nécessité de faire quelque chose qui précipiterait une intervention militaire des États-Unis.
A la fin de l’été, l'armée syrienne avait encore l'avantage sur les rebelles, signale l'ancien responsable du renseignement ce qui rendait indispensable une intervention de la puissance aérienne américaine pour inverser la tendance.
Selon ce responsable sécuritaire, à l’automne, les analystes du renseignement des États-Unis qui ont continué à travailler sur les événements du 21 Août avaient pressenti que ce n’est pas la Syrie qui a réalisé l'attaque aux gaz chimiques.
Le suspect immédiatement désigné a été la Turquie, parce qu'elle détient tous les moyens pour le faire.
Compte tenu d’autres données relatives aux attaques le 21 août, la communauté du renseignement américain a même observé des preuves pour étayer ses soupçons.
L’ancien responsable du renseignement détaille : « nous savons maintenant que c'était une action secrète prévue par les hommes d'Erdogan pour pousser Obama vers la ligne rouge... Ils devaient provoquer une attaque au gaz dans ou près de la capitale, lorsque les inspecteurs de l'ONU arrivent à Damas le 18 Août pour enquêter sur l'utilisation antérieure de gaz... L'accord préconisait de faire quelque chose de spectaculaire... Nos officiers supérieurs ont été informés par la DIA et d’autres moyens de renseignement que le sarin a été fournie par la Turquie – ou ne pouvait être procuré qu’avec le soutien de la Turquie. Les Turcs avaient prévu également une formation dans la production et la manipulation du sarin. Une grande partie du soutien à cette opération provenait des Turcs eux-mêmes, par l'intermédiaire de conversations interceptées dans le sillage immédiat de l’attaque »
Une autre preuve indirecte a été rapportée par cette source sécuritaire américaine de Hersh : « elle s’illustre par l’euphorie qui s’est emparée des Turcs, juste après l'attaque chimique, et qui a été constatée dans de nombreuses interceptions »...
Or, à cette époque, personne dans la Maison Blanche n’a voulu écouter les accusations des services de renseignements américains contre la Turquie. Hersh explique : « il y a une grande résistance face à des informations qui contrarient les informations présentées au président américain. Malgré l'absence de preuves sur l’implication de Damas, nous ne pouvions plus rien dire. Nous nous sommes comportés de façon irresponsable et avons blâmé Assad, il était impossible de faire marche arrière pour accuser Erdogan ».
Selon Hersh, la volonté de la Turquie à manipuler les événements en Syrie à ses propres fins semble être démontrée à la fin du mois dernier, quelques jours avant le premier tour des élections locales, quand un enregistrement, prétendument de Erdoğan et ses associés, a été posté sur You Tube. Il comprenait des discussions d'une opération sous faux pavillon qui justifierait une incursion de l'armée turque en Syrie.
L'opération se voulait centrée sur le tombeau de Suleyman Shah, le grand-père de Osman le vénéré et fondateur de l'Empire ottoman, situé près d'Alep et cédé à la Turquie en 1921, lorsque la Syrie était sous domination française. Une des factions rebelles islamistes menaçait de détruire la tombe sous prétexte que c’est un site d’idolâtrie, ce à quoi l'administration Erdoğan menaçait publiquement de représailles.
Selon un rapport de Reuters de la conversation, une voix censée être celle de Hakan Fidan, le chef des renseignements turcs en train de parler de la provocation qu’il comptait fabriquer : « Maintenant regardez, mon commandant [Erdogan], si l'on veut avoir une justification, la justification est j'envoie quatre hommes de l'autre côté. Je leur fais feu de huit missiles en terre vide [dans le voisinage de la tombe]. Ce n'est pas un problème. Ainsi la justification peut être créée.
Selon Hersh, le gouvernement turc a reconnu qu'il y avait eu une réunion nationale de sécurité sur les menaces émanant de la Syrie , mais a déclaré l'enregistrement avait été manipulé. Il a ensuite bloqué l'accès du public à You Tube.
Traduit en partie à partir de l'article "The Red Line and the Rat Line".
London Review Of Books