Une étude qui ne prend pas en considération le rôle des pesticides au motif qu’elle est couteuse
Le déclin des abeilles est nettement plus important dans les pays du nord de l'Union européenne, Belgique et Grande-Bretagne en tête, qu'au sud, souligne une cartographie inédite publiée lundi.
L'étude "Epilobee", présentée à Bruxelles, est la première à comparer l'état de santé des ruchers dans 17 pays de l'Union européenne grâce à l'utilisation de "critères harmonisés" pour mesurer le taux de mortalité des abeilles domestiques, a expliqué à l'AFP Gilles Salvat, directeur de la santé animale à l'Anses, l'Agence française de sécurité sanitaire.
L'étude, coordonnée par le laboratoire de l'Anses à Sophia Antipolis (Alpes-Maritimes), laboratoire européen de référence pour la santé des abeilles, se base sur les observations de 1.350 inspecteurs, qui ont visité à trois reprises (automne 2012, printemps 2013, été 2013) quelque 31.800 colonies d'abeilles dans 3.300 ruchers.
Pour la mortalité en hiver, période où les abeilles meurent le plus, le nord apparaît le plus touché.
Au nord, cette mortalité dépasse ainsi régulièrement les 20%, avec 33,6% en Belgique, 28,8% au Royaume Uni, 28,7% en Suède et plus de 23% en Estonie et en Finlande. Au sud, le taux reste dans plusieurs pays en-deçà de 10%, considéré comme une mortalité "normale", comme en Italie (5,3%), en Grèce (6,6%) ou en Espagne (9,5%).
La France (14,1%), comme l'Allemagne (13,6%) ou la Pologne (14,8%) se situent à un niveau intermédiaire.
Lors de la saison de production de miel, entre le printemps et l'été, la mortalité des abeilles est globalement moins importante qu'en hiver. Avec une exception en France, où le taux atteint 13,6%, ce qui en fait le seul des 27 pays étudiés avec une mortalité supérieure à 10% à cette période-clé.
La production de miel a diminué en France de moitié entre 1995 et 2013 malgré un nombre de ruches similaire.
A l'échelle européenne, "il n'y a pas d'aggravation aussi nette que ce qu'on pensait au départ", estime Gilles Salvat, pour qui le "clivage nord-sud" est en partie dû au climat mais pas seulement.
Pour cerner les causes de mortalité, l'étude s'est intéressée à la présence ou non d'agents pathogènes (bactéries, virus, acariens), en notant sans surprise la présence des deux plus importants que sont Varroa, un acarien, et le Nosema, un champignon.
Mais l’étude ne porte pas sur les pesticides, soupçonnés de contribuer aux déclins des pollinisateurs.
Les pesticides ont été écartés du champ de l'étude pour des raisons "techniques", plusieurs laboratoires européens associés aux travaux n'ayant pas forcément les capacités de mener ces analyses, assure-t-on à l'Anses.
"ll n'y a pas de motif politique (à la non prise en compte des pesticides), ce sont des raisons techniques et cela coûterait très cher. On peut admettre qu'une étude coûte très cher, mais à condition qu'elle donne les informations qu'on recherche", explique Gilles Salvat.
L'Anses travaille à une "harmonisation" des techniques de dosage des pesticides pour mieux prendre en compte ce sujet.
L'étude, financée par la Commission européenne, doit être reconduite cette année.