Agir plus tard sera plus coûteux.
Limiter à 2°C la hausse du thermomètre mondial par rapport à l'ère pré-industrielle est un défi encore possible à relever, ont affirmé dimanche les experts, mais cela exige une réduction d'ici 2050 de 40 à 70% des émissions de gaz à effet de serre, qui ne cessent de croître.
Sans changement majeur et rapide dans le mix énergétique mondial très dépendant du charbon et du pétrole - gros émetteurs de gaz à effet de serre (GES) - le thermomètre mondial aura subi une hausse de 3,7 à 4,8°C à l'horizon 2100, préviennent les chercheurs du Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat (Giec) dans un document publié à Berlin.
Pour réduire drastiquement les émissions de GES, selon Ottmar Edenhofer, coprésident du groupe ayant rédigé le rapport, il va falloir "éviter de remettre à plus tard les efforts" dans ce sens et faire "des investissements considérables" pour produire et consommer différemment l'énergie.
"Le message de la science est clair: pour éviter des interférences dangereuses avec le système climatique, nous devons changer d'approche", a déclaré Ottmar Edenhofer.
Les travaux du Giec servent de base scientifique aux difficiles négociations internationales qui doivent aboutir en 2015 à Paris à un accord ambitieux et contraignant pour réduire les émissions de GES et financer les actions d'adaptation.
Selon le Giec, non seulement les émissions de GES ne cessent de croître mais elles le font à une rythme de plus en plus élevé: 2,2% par an entre 2000 et 2010, décennie qui a vu un retour en force du charbon.
La Chine et les Etats-Unis sont les deux principaux émetteurs de GES.
La tendance actuelle doit donc être inversée et le temps presse pour agir.
"Sans réduction des émissions avant 2030, il sera plus difficile de ne pas dépasser les 2°C et les options seront plus réduites", alertent les scientifiques. Les investissements dans les énergies "bas carbone" vont devoir tripler, voire quadrupler entre 2010 et 2050.
Dans les énergies "bas carbone", le Giec classe les renouvelables, le nucléaire et les énergies fossiles associées à une capture et un stockage du carbone, qui sont aujourd'hui à un stade expérimental.
Agir plus tard sera plus coûteux
La précédente évaluation du Giec remonte à 2007: depuis la communauté internationale s'est donné comme objectif de ne pas dépasser le seuil de 2°C pour éviter des impacts catastrophiques dans de nombreuses régions du globe.
Depuis l'ère pré-industrielle, la Terre s'est déjà réchauffée à une vitesse inédite (+0,8°C).
Le Giec ne conduit pas d'études mais recense et évalue les recherches existantes. Le document publié dimanche est une synthèse, appelée "résumé pour décideurs", d'un rapport faisant plusieurs centaines de pages.
"Nous faisons face à des défis mais il n'est pas trop tard pour agir", a déclaré à l'AFP Youba Sokona, co-président du groupe auteur du rapport. Mais "plus nous attendons, plus ce sera coûteux et plus les défis seront grands", a-t-il ajouté.
Actuellement, la production d'énergie représente 35% des émissions, l'agriculture et la forêt 24%, l'industrie 21%, les transports 14% et le bâtiment 6%. Le CO2 est de loin (76%) le principal gaz à effet de serre.
Depuis 2000, les émissions de tous les secteurs sont en hausse, à l'exception des forêts grâce au ralentissement de la déforestation.
En plus d'un tournant vers une production d'énergie émettant moins de CO2, une meilleure efficacité énergétique des bâtiments, des processus industriels et des modes de transports est incontournable. Le développement de la capture et du stockage de carbone semble une absolue nécessité.
L'instauration de normes plus contraignantes, la mis en place de taxes basées sur les émissions (taxe carbone) et de marchés du carbone, la réduction des subventions aux énergies fossiles sont d'autres leviers possibles.
Les actions de reforestation seront un facteur important pour absorber du CO2 présent dans l'atmosphère.
"Le coeur du problème dans l'atténuation du changement climatique réside dans le découplage entre les GES et la croissance de la population et de l'économie", souligne Youba Sokona.
Ces travaux viennent compléter l'évaluation 2013-2014 du Giec après deux rapports sur les preuves du changement climatique et de ses impacts.
Le rapport de 2007 avait grandement participé à la prise de conscience du réchauffement inédit de la planète et à la responsabilité des activités humaines.