L’échec de cette transaction pourrait également avoir un impact négatif sur les relations commerciales avec Riyad.
La vente à l'Arabie saoudite de 800 chars allemands Léopard 2 est-elle un soutien au régime autoritaire de Riyad? C’est en tout cas l’avis du vice-chancelier et ministre de l'Economie allemand Sigmar Gabriel (SPD), qui s'oppose à une telle transaction, écrit mercredi le quotidien Nezavissimaïa gazeta.
La presse allemande rappelle que le gouvernement saoudien négocie depuis plusieurs années l'achat de chars fabriqués par Kraus-Maffei Wegmann et Rheinmetall avec les autorités allemandes. Cette transaction, devenue l'objet d'un différend entre les politiciens allemands, concerne 800 chars Léopard 2, pour lesquels Riyad est prêt à débourser 18 milliards d'euros.
Les autorités saoudiennes ont également convenu avec la compagnie espagnole Santa Barbara Sistemas de l'achat de 150 Léopard 2 dans leur dernière version, A7+. Cependant, cette transaction pourrait également être compromise car l'Espagne fabrique ces chars sous licence allemande, et en utilisant des pièces importantes fournies par l'Allemagne. Il est donc impossible d'exporter ce matériel sans l'accord de Berlin.
Le chef de file du SPD Sigmar Gabriel a attiré l'attention d'autres membres du gouvernement sur les nombreuses violations des droits de l'homme en Arabie saoudite et souligné que Riyad a violemment réprimé les manifestations au Bahreïn au printemps 2011, en recourant justement à des chars et des soldats armés. Le matériel blindé sert également à disperser régulièrement les marches de protestation en Arabie saoudite.
Les opposants de Gabriel, membres de la coalition CDU/CSU, estiment que le rejet d'une telle transaction pourrait entraîner le déclin de la production allemande d'armes et de matériel militaire. Selon eux, l'échec de cette transaction pourrait également avoir un impact négatif sur les relations commerciales avec Riyad. "Si les fabricants allemands ne pouvaient plus exporter leurs produits au-delà de l'Otan, alors cette industrie disparaîtrait tout simplement en Allemagne. Les Américains ont moins de remords que nous dans leurs exportations", a déclaré
Michael Fuchs, vice-président de la fraction CDU/CSU. "Le vice-chancelier enterre l'industrie militaire", affirme son collègue Florian Hahn.
"Contrairement aux autres sociétés qui fabriquent également du matériel civil, la compagnie Kraus-Maffei Wegmann est une entreprise militaire. Et si ce contrat était signé avec l'Arabie saoudite, il lui insufflerait une nouvelle vie. Sinon, elle ne pourrait plus s’attendre à la prospérité", pense Rouslan Poukhov, directeur du Centre d'analyse stratégique et technologique. L'expert confirme que les craintes de Sigmar Gabriel sont fondées. Toutefois, il suppose que les chars seront tout de même vendus. "Bien sûr, ils pourraient être utilisés contre la population civile - de tels incidents se sont déjà produits. Mais l'Allemagne devra faire un choix entre les emplois, l'occupation des entreprises et les impôts d’un côté, ou une position ferme vis-à-vis du régime saoudien."
D'après la presse allemande, la décision sur l'issue de cette transaction avec Riyad sera prise secrètement par le Conseil de sécurité allemand, qui en informera par la suite le Bundestag.