Le retour des néonazis: menace réelle ou outil d’alibi?
Les formations d'extrême droite comptent sur les élections européennes du 25 mai pour se rassembler et faire entendre la voix de ceux qui considèrent l'Union européenne comme "un monstre politique".
En France, au Royaume-Uni, au Danemark, en Finlande, aux Pays-Bas, en Autriche, en Hongrie, les partis eurosceptiques et europhobes pourraient arriver en tête ou à la deuxième place.
En Allemagne même, l'AfD (Alternative für Deutschland) qui demande l'abandon de l'euro, devrait obtenir des sièges. Le parti néonazi NPD prétend lui aussi à un élu.
La faible reprise enregistrée en Europe ne parvient pas à faire oublier lamontée du chômage au cours de ces cinq dernières années. Face à des citoyens qui estiment que l'Europe ne les protège plus, les europhobes proposent des remèdes fondés sur la recherche d'une souveraineté perdue: l'immigration, l'euro, la mondialisation, la libre-circulation sont devenus autant de boucs émissaires.
Mais même avec un groupe politique, il est peu probable que l'extrême droite pèse d'un grand poids au Parlement européen. Et même en occupant un tiers du Parlement, les populistes devraient se cantonner à "un rôle de poil à gratter des institutions", assure un responsable du Parlement européen.
Avoir un groupe politique permettra aux europhobes de ne plus être considérés comme des "sous-députés", a expliqué récemment la présidente du FN français, Marine Le Pen, en soutenant que, en tant que "non-inscrit", elle ne pouvait pas obtenir la responsabilité d'un rapport ou déposer des amendements, ce qui, en réalité, n'est pas interdit par le règlement du Parlement.
Confortables subventions
Avoir un groupe permettra surtout à l'extrême droite de bénéficier de plus de moyens, notamment financiers. Actuellement, l'Alliance européenne pour la liberté (EAF), un mouvement pan-européen basé à Malte et qui rassemble notamment le FN, le Vlaams Belang belge et le Parti de la liberté d'Autriche (FP), reçoit près de 400.000 euros de subventions par an de la part du Parlement européen. Avec la constitution d'un groupe, la dotation pourrait s'élever, selon le nombre d'élus, entre un et trois millions d'euros.
"L'alliance des partis d'extrême droite est davantage un mariage d'intérêts qu'un mariage d'amour", résume un responsable du Parlement européen sous couvert de l'anonymat.
S'ils s'entendent sur quelques "valeurs" communes comme le refus du multiculturalisme, la dénonciation des partis traditionnels et "des élites", les partis d'extrême droite européenne sont traversés par de nombreuses divergences idéologiques.
Les ultras nationalistes du Parti de la Grande Roumanie (PRM), du Jobbik hongrois et du Parti national slovaque (SNS) -- qui comptent tous des eurodéputés -- se détestent cordialement.
Les partis des pays scandinaves (Vrais Finlandais ou Parti populaire danois), comme le parti europhobe britannique Ukip de Nigel Farage, qui milite pour la sortie de l'UE du Royaume-Uni, refusent de travailler avec le FN car ils estiment que ce parti a encore des composantes antisémites.
Le parti des Démocrates suédois (DS), pourtant membre de l'EAF, hésite également à siéger sur les mêmes bancs que le FN. "C'est parce qu'ils ne me connaissent pas encore assez", a commenté récemment Mme Le Pen. Soucieux de "dédiaboliser" son image, le FN ne veut travailler ni avec le Jobbik ni avec le parti grec néo-nazi Aube Dorée ou le British National Party (BNP), jugés "racistes".
Mais le naturel peut revenir au galop. L'artisan du rapprochement entre les partis d'extrême droite européens, l'Autrichien Andreas Mölzer, chef de file du FP aux européennes, a dû se retirer au début du mois après avoir tenu des propos ouvertement racistes. Le FP est le principal allié du FN en Europe.
Durant la dernière mandature, un élu italien de la Ligue du Nord, Mario Borghezio, avait été exclu du groupe Europe Libertés démocratie (EFD) de M. Farage, après des propos xénophobes. Il est prévu que les élus de ce mouvement
nationaliste siègent désormais avec le FN et ses autres alliés européens.