Des norias de secouristes extirpaient au compte-goutte des blessés, la plupart souffrant de graves difficultés respiratoires, devant des centaines de collègues et de membres de leurs familles.
Plus de 200 mineurs ont été tués mardi lors de l'une des pires catastrophes industrielles survenues en Turquie et plusieurs centaines d'autres restaient piégés sous terre malgré les efforts des secouristes.
"201 employés sont morts", a déclaré le ministre de l'Energie Taner Yildiz, soulignant que le bilan risquait encore de s'alourdir.
"Nous entrons dans une phase plus critique. Au fur et à mesure que le temps s'écoule, nous nous approchons à grands pas d'une issue très défavorable", a averti le ministre.
787 employés se trouvaient dans la mine de charbon de la province de Manisa (ouest) quand une explosion et un incendie sont survenus mardi après-midi, a précisé le ministre.
"Le bilan des morts, qui est déjà très élevé, arrive à un point très inquiétant. S'il y a eu négligence, nous ne fermerons pas les yeux. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires, dont des mesures administratives et légales", a-t-il ajouté.
80 personnes ont été blessées, dont quatre grièvement.
"Nous craignons que ce nombre puisse encore grimper car ceux qui sont venus apporter leur aide pourraient rejoindre les blessés et être affectés par les fumées", a expliqué le ministre.
Au coeur de la nuit, des norias de secouristes extirpaient au compte-goutte des blessés, la plupart souffrant de graves difficultés respiratoires, devant des centaines de collègues et de membres de leurs familles en quête de nouvelles d'un proche, prisonnier du sous-sol.
De nombreux gendarmes et policiers en armes étaient déployés autour du site pour faciliter les allées et venues incessantes de dizaines d'ambulances entre le site de la catastrophe et l'hôpital de Soma, ville où est située la mine.
"J'attends des nouvelles de mon fils depuis le début de l'après-midi", a déclaré à l'AFP une femme d'une cinquantaine d'année perchée sur des palettes de bois, Sena Isbiler. "Je n'ai aucune nouvelle, il n'est toujours pas ressorti".
"Il y a déjà eu des petits incidents ici, mais là, c'est la première fois qu'on voit un tel accident, aussi grave que ça", a confié un mineur Coskun, encore sous le choc.
- Prisonniers -
Un grand nombre de mineurs est parvenu à s'échapper des galeries après l'explosion mais une autre partie d'entre eux restait inaccessible, coincée dans une poche isolée, a indiqué à l'AFP un cadre de la mine ayant requis l'anonymat.
"Notre priorité est d'atteindre nos employés sous terre", a dit à la presse le ministre Yildiz, qui s'est rendu sur place.
"Quatre équipes de sauveteurs travaillent dans la mine. Le feu crée des problèmes mais de l'oxygène est injecté dans les puits qui n'ont pas été touchés", a-t-il ajouté.
Selon les premiers témoignages, l'explosion a eu lieu vers 12h30 GMT, apparemment provoquée par un transformateur électrique, et a provoqué un effondrement bloquant les mineurs dans les galeries.
Dans un communiqué, la compagnie minière Soma Komur a estimé que l'effondrement était "un accident tragique". "Malheureusement, certains de nos employés ont perdu la vie dans cet accident", a-t-elle souligné.
"L'accident est survenu malgré un maximum de mesures de sécurité et des inspections mais nous avons réussi à intervenir rapidement", a assuré l'entreprise.
Le ministère turc du Travail et de la Sécurité sociale a indiqué que la mine avait été inspectée la dernière fois le 17 mars et qu'elle appliquait les normes en vigueur.
"Il n'y a aucune sécurité dans cette mine. Les syndicats ne sont que des pantins et la direction ne pense qu'à l'argent", a toutefois affirmé à l'AFP un mineur, Oktay Berrin.
"Il y a des gens qui sont en train de mourir là-dedans, des blessés, et tout ça pour des histoires de pognon", a renchéri un de ses collègues très en colère, Turgut Sidal.
S'exprimant devant la presse à Ankara, le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a exprimé ses "plus sincères condoléances" aux familles des victimes.
"Certains des mineurs ont été sauvés et j'espère que nous serons capables de sauver les autres", a-t-il ajouté.
Le spécialiste de l'industrie minière, Vedat Didari, de l'Université Bulent Ecevit de Zonguldak, a indiqué à l'AFP que le risque principal tenait au manque d'oxygène. "Si les ventilateurs sont en panne, les mineurs peuvent mourir en une heure", a-t-il dit.
Les explosions dans les mines sont fréquentes en Turquie en particulier dans celles du secteur privé où, souvent, les consignes de sécurité ne sont pas respectées.
L'accident le plus grave est survenu en 1992 quand 263 mineurs ont été tués dans une explosion de gaz dans la mine de Zonguldak.
Le district de Soma, qui compte environ 100.000 habitants, est un des principaux centres pour l'extraction de la lignite, principale activité de la région.