Depuis 2003, les autorités marocaines ont annoncé le démantèlement de plus d’une centaine de cellules radicales.
Une nouvelle grâce royale en faveur de salafistes emprisonnés dans le sillage des attentats du 16 mai 2003 a été évoquée au Maroc à l'approche du 11e anniversaire des attaques mais se heurte aux craintes sécuritaires, liées en particulier au jihad en Syrie.
Une cérémonie commémorative était prévue vendredi à Casablanca en hommage aux 33 victimes de cette vague d'attentats perpétrés par 12 kamikazes issus d'un bidonville de la capitale économique.
Dans le même temps, une manifestation devait se tenir devant le Parlement de Rabat, à l'appel du "Comité mixte pour la défense des détenus islamistes", pour réclamer leur libération et "la vérité sur les responsables des attaques".
A l'approche de ce 11e anniversaire, l'hypothèse d'une nouvelle grâce parmi les centaines de salafistes toujours détenus a été évoquée par la presse, et trois dates-clé permettent de mieux appréhender les enjeux.
Au premier rang figure évidemment celle du 16 mai 2003: le Maroc, effaré, constate qu'il n'est pas à l'abri du péril extrémiste. Dans la foulée, les autorités votent une loi antiterroriste et procèdent à des milliers d'interpellations d'islamistes. Plus de 1.000 condamnations sont prononcées.
En 2011, après que Casablanca eut été frappée par une nouvelle tentative d'attentat quatre ans plus tôt, l'irruption du Printemps arabe bouscule la donne.
Sous pression de la rue, une grâce royale est accordée le 14 avril 2011 à près de 200 islamistes, dont 14 salafistes. Parmi eux figure Mohamed Fizazi, considéré en 2003 comme le principal théoricien de la Salafia Jihadia, un mouvement intégriste.
Condamné à 30 ans de prison, ce prédicateur avait toutefois rapidement pris ses distances avec la mouvance, condamnant explicitement l'attentat du 28 avril 2011 contre le café Argana à Marrakech (17 morts).
A la faveur de cette conversion, le dernier acte intervient le 28 mars 2014: lors de la prière du vendredi, le roi assiste au prêche de Mohamed Fizazi, un geste symbolique qui fera naître l'espoir d'une nouvelle grâce de salafistes repentis.
- Plus de 2.000 Marocains en Syrie -
En 2010, "les autorités ont reçu environ 180 demandes, dans lesquelles les détenus (salafistes) se déterminent clairement sur la question de la violence", fait valoir auprès de l'AFP Mohamed Hakiki, responsable du "Forum de la dignité pour les droits de l'Homme".
« Durant le printemps arabe, nous avons attendu une deuxième vague de libérations mais la porte s'est refermée", notamment du fait d'une mutinerie à la prison de Salé, près de Rabat, en mai 2011, ajoute-t-il.
Avec l'arrivée au gouvernement des islamistes du Parti justice et développement (PJD), début 2012, un autre espoir voit le jour parmi les proches et défenseurs des détenus. Mais "la dernière réunion avec le gouvernement, en 2013, n'a rien donné", indique Khadija Merwazi, directrice du Médiateur pour la démocratie et les droits de l'Homme (MDDH), ONG membre d'une plateforme spécialisée sur le sujet.
"On nous a demandé de garantir que les détenus libérés n'iront pas combattre en Syrie", explique-t-elle.
Même s'il est loin du théâtre syrien, Rabat s'inquiète de l'enrôlement de jeunes Marocains. Selon la presse locale, ils sont plus de 400 à y avoir été tués depuis le déclenchement de l'insurrection, sur environ 10.000 combattants étrangers. D'après Hakiki, "plus de 30 Marocains" ont été arrêtés à leur retour au pays.
"Si on inclut les combattants venant d'Europe", où se trouve une importante diaspora, il y actuellement "plus de 2.000 Marocains" sur place, dit-il.
Depuis 2003, les autorités marocaines ont annoncé le démantèlement de plus d'une centaine de cellules islamistes, et elles insistent désormais régulièrement sur les risques d'enrôlement pour la Syrie.
"Le poids de l'approche sécuritaire" complique le dossier des détenus salafistes et peut s'avérer très néfaste, souligne Mme Merwazi, qui prend l'exemple d'Anas Elhaloui.
Ancien porte-parole du Comité mixte pour la défense des détenus islamistes, celui-ci a été tué en Syrie. Soumis à un "harcèlement sécuritaire et administratif", il avait au préalable "échoué à créer un petit projet commercial" au Maroc, selon elle.