Une lecture de l’AFP s’alignant à la politique de la France qui soutient ce candidat.
Petro Porochenko apparaît, chemise ouverte, sur la place d'Ouman, dans le centre de l'Ukraine, et déroule son discours à une foule peu enthousiaste. "Armée puissante", fin du "chaos" et de la "guerre", répète de ville en ville le milliardaire prooccidental favori de la présidentielle de dimanche.
A ses pieds, les habitants sont venus voir par curiosité celui qui devrait devenir le 5e président de l'Ukraine indépendante. Peu d'applaudissements pour l'homme de 48 ans qui dit pouvoir régler en trois mois la crise avec la Russie de Vladimir Poutine.
A Ouman, puis à Tcherkassy, dans une région agricole au sud de Kiev, le candidat raconte les horreurs commises par les séparatistes prorusses et l'histoire d'un sniper de l'armée ukrainienne à qui il dit avoir payé lunette de visée, matelas et autres équipements pour qu'il puisse combattre les insurgés armés à Slaviansk (est).
"Armée puissante", "augmentation du budget militaire", "1.000 (62 euros) hryvnias par jour pour les soldats qui risquent leurs vies": ces priorités figurent tout en haut dans le discours et le programme électoraux du "roi du chocolat" et ancien ministre de l'Economie et des Affaires étrangères.
Elu dès le 1er tour
En campagne, le milliardaire fait le service minimum. Une attitude qui s'explique par l'avance de plus de 20 points que les sondages lui donnent sur sa principale rivale, l'ancienne Première ministre, Ioulia Timochenko. Mais aussi parce qu'une débauche d'argent en campagne pourrait choquer les Ukrainiens alors que le pays, au bord de la guerre civile, traverse une grave crise économique.
"Pour une vie nouvelle", lit-on sur des drapeaux rouge sang de la campagne brandis pendant les meetings. Une affiche avec le même slogan est visible sur un barrage fait de sacs de sable et gardé par un homme armé sur la route entre Kiev et Tcherkassy, une zone jusqu'à-là épargnée par les troubles.
"Il faut qu'il y ait un pouvoir légitime pour arrêter le chaos et la guerre", martèle M. Porochenko en prônant "un langage de force" contre les insurgés armés de l'Est "qui tuent des fermiers, violent des femmes et prennent en otages les inspecteurs de l'OSCE".
Avant son apparition sur scène, une foule clairsemée a droit à un documentaire baptisé "Sans peur" qui présente M. Porochenko sur la pointe des barricades à Kiev pendant le mouvement de contestation du Maïdan et en Crimée "bourrée d'unités spéciales russes" avant son rattachement à la Russie où il est violemment pris à partie par des prorusses qui menacent de le tuer.
Petite touche occidentale, il fait monter sur scène sa femme Marina, une blonde svelte et élégante, épousée il y a 30 ans et mère de leurs quatre enfants, et dont le style tranche avec celui des précédentes "first ladies" ukrainiennes.
Comme nombre de participants, Iouri Mikoulinski est venu "se faire une idée de Porochenko". "Bonne impression", résume l'étudiant.
"Aujourd'hui ce sera le meilleur choix pragmatique. C'est un homme d'affaires à succès, il a beaucoup d'expérience et il est réfléchi", soutient Janna Lozinska, professeur de l'économie.
Trois mois pour pacifier l'Est
S'exprimant devant la presse à Tcherkassy, M. Porochenko promet de rétablir rapidement l'ordre dans l'Est rebelle contrôlé en grande partie par les séparatistes qui ont proclamé l"indépendance" des régions de Donetsk et de Lougansk et normaliser les relations avec Moscou.
"Je vous garantis qu'en moins de trois mois la situation sera résolue dans l'Est", lance M. Porochenko.
Mais pour cela, il "faut que le président soit élu dès le premier tour et ait carte blanche" dans les négociations avec la Russie.
"S'il n'y a pas de solution en trois mois, il y a un gros risque de scénario à la Transdniestrie", république indépendantiste moldave prorusse qui n'est reconnue par aucun pays, souligne-t-il.
Une question d'une journaliste sur son passé de transfuge -- Porochenko a été l'un des créateurs du Parti des régions, ex-formation de l'ancien président prorusse Viktor Ianoukovitch et son ministre de l'Economie -- le fait sortir de ses gonds. "Ce n'est pas entièrement vrai, cela date d'il y a 15 ans et n'a aucun rapport avec la présidentielle", s'emporte-t-il en accusant la journaliste de travailler pour ses détracteurs.
Comment le milliardaire, qui a fait fortune avec les chocolats Roshen, négociera avec Vladimir Poutine ? "Je connais bien Poutine, j'ai une grande expérience de discussions avec lui, c'est un négociateur fort et difficile", répond M. Porochenko à l'AFP, tout en estimant qu'un compromis est possible.
Seules deux choses ne sont pas négociables: le statut de la Crimée "qui est et restera ukrainienne" et "l'orientation pro-européenne de l'Ukraine", conclut-il.