Le taux de participation s’est stabilisé autour des 43%
Le triomphe dimanche du Front national en France, qui a été vécu comme un véritable séisme politique, a symbolisé la forte poussée de l'extrême droite et des europhobes aux élections européennes, même si la droite conservatrice garde le plus grand nombre d'élus au Parlement.
Les europhobes de l'Ukip semblaient en passe de réaliser un score historique au Royaume-Uni, son chef de file Nigel Farage promettant un "séisme".
Selon des résultats portant sur quatre des douze régions électorales du Royaume-Uni, l'Ukip était assuré d'avoir au moins neuf sièges dans ces quatre régions, c'est-à-dire autant que dans le Parlement sortant.
En France, profitant de l'impopularité record des socialistes au pouvoir, le Front national de Marine Le Pen est arrivé largement en tête avec un score historique de 25,4%, selon des résultats quasi-définitifs.
Il décrocherait 23 à 25 sièges sur les 74 accordés à la France, un des pays fondateurs de l'UE.
Le FN devance largement l'opposition de droite UMP (20,8%), alors que le Parti socialiste subit une nouvelle déroute avec moins de 14% des suffrages.
Mme Le Pen a immédiatement appelé le président François Hollande à "organiser des nouvelles élections".
Selon une projection communiquée dimanche soir vers 22H00 GMT par le Parlement européen, les conservateurs du Parti populaire européen (PPE) restent en tête avec 212 sièges sur 751, contre 185 pour les socialistes. Les Libéraux obtiendraient 71 eurodéputés, suivis par les Verts (55). Les quatre partis pro-européens passent de 612 à 523 sièges.
Quant aux différents partis europhobes, qui ne constituent pas un bloc homogène, ils compteraient au total plus de 140 députés.
En Allemagne, qui envoie le plus fort contingent d'élus au Parlement européen (96), les conservateurs (CDU/CSU) de la chancelière Angela Merkel sont arrivés en tête, d'après des sondages sortie des urnes.
Même des néo-nazis
Mais le nouveau parti anti-euro AfD, qui plaide pour une dissolution de la monnaie unique, fera son entrée au Parlement avec un score d'environ 7%. Les sociaux-démocrates enregistrent une forte progression.
En Autriche, le parti d'extrême droite FPO, qui espère constituer un groupe avec le FN, progresserait nettement et arriverait en troisième position, avec près de 20% des suffrages, en hausse de plus de cinq points par rapport à 2009.
Au Danemark, c'est le Parti populaire, formation anti-immigration, qui est arrivé en tête avec 23% des voix.
Un petit parti europhobe polonais, le Congrès de la nouvelle droite (KNP), a obtenu 7,2% des voix et pourrait envoyer quatre députés au Parlement européen. En Hongrie, le scrutin a été largement dominé par le parti conservateur Fidesz du dirigeant Viktor Orban, mais l'extrême droite ultra nationaliste du Jobbik arrivait en deuxième position avec près de 15% et trois sièges.
La forte poussée de l'extrême droite en Europe se traduit aussi par l'entrée du parti néonazi grec Aube dorée au Parlement européen. Crédité de 9 à 10% des voix, ce parti pourrait envoyer trois élus à Strasbourg.
Mais en Grèce, pays très durement touché par l'austérité, l'euroscepticisme se traduit aussi par l'arrivée en tête du parti de la gauche Syriza d'Alexis Tsipras, qui obtiendrait six sièges, contre cinq à Nouvelle démocratie (droite), le parti au pouvoir.
En Espagne, les deux grands partis traditionnels, le Parti populaire de droite, et le Parti socialiste, ont reculé de manière spectaculaire au profit de petites formations comme Podemos, né de la mouvance des indignés, qui obtient cinq sièges.
En Italie, le populiste Beppe Grillo a été largement devancé par le parti démocrate, la formation de centre gauche du chef du gouvernement Matteo Renzi. La gauche l'a aussi emporté en Roumanie et au Portugal.
"Trouver une majorité"
La montée de l'extrême droite s'est faite sur fond de stabilisation de la participation à un faible niveau: 43,11% contre 43% en 2009, année où elle avait atteint son plus bas historique.
Annoncée depuis des semaines en baisse, elle a finalement progressé dans plusieurs grands pays, notamment la France et l'Allemagne. Mais dans plusieurs pays d'Europe de l'Est, la participation, déjà très faible, a encore baissé comme en Slovaquie, lanterne rouge avec 13%.
Au total, la montée des forces anti-européennes "ne va pas changer la façon dont le Parlement travaille", avec un bloc pro-européen qui reste largement majoritaire. Mais il y aura des conséquences "sur les scènes politiques nationales et sur la façon dont les dirigeants nationaux agiront au sein de l'UE", estime Jan Techau, directeur du groupe de réflexion Carnegie Europe.
La bataille se profile déjà pour la présidence de la Commission européenne.
Pour tenter de motiver les électeurs, les principaux partis ont présenté des candidats. Mais plusieurs dirigeants, à commencer par l'allemande Angela Merkel et le britannique David Cameron, refusent cette logique parlementaire.
Le candidat du PPE, Jean-Claude Juncker a "revendiqué" pour son parti victorieux la présidence de l'exécutif européen. "Je suis pleinement habilité à devenir président de la Commission", a-t-il insisté dans un autre Tweet.
Mais le candidat socialiste, Martin Schulz, a remis en question les projections du Parlement européen, qu'il préside, jugeant qu'elles n'étaient "pas vraies". Il va falloir "trouver une majorité au Parlement", a-t-il souligné, ajoutant qu'il allait s'y atteler.
Aucun parti ne dispose de la majorité, et la seule possible dans un Parlement plus fragmenté que jamais passera par une grande coalition entre droite et gauche modérées, un schéma éprouvé au Parlement.
Cette situation pourrait inciter les dirigeants européens à tenter de trouver une autre personnalité acceptable par les députés. Ils se réuniront dès mardi soir à Bruxelles pour en discuter.