La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé que la meilleure réponse à cette montée des europhobes était une politique en faveur de l’emploi.
Les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent mardi soir à Bruxelles pour un tour d'horizon consacré notamment à une analyse du scrutin européen, marqué par la défiance ou le rejet, particulièrement en France où l'extrême droite est devenue la première force du pays.
Le président français François Hollande a appelé lundi l'Union européenne à "se retirer là où elle n'est pas nécessaire" pour être efficace, au lendemain d'une poussée historique des europhobes aux élections européennes.
"L'Europe, elle est devenue illisible, j'en suis conscient, lointaine, et pour tout dire incompréhensible, même pour les Etats", a dit Hollande dans une adresse à la télévision.
Estimant que "ça ne peut plus durer" et que l'UE doit être "simple, claire, pour être efficace", il l'a appelée à "se retirer là où elle n'est pas nécessaire", sans donner davantage de précisions.
Le triomphe dimanche du Front national en France, arrivé largement en tête avec un score historique de 25,4% vécu comme un séisme politique, a symbolisé la forte poussée de l'extrême droite et des europhobes dans l'UE, même si la droite conservatrice garde le plus grand nombre d'élus au Parlement.
La chancelière allemande Angela Merkel a affirmé de son côté que la meilleure réponse à cette montée des europhobes était une politique en faveur de l'emploi.
"C'est regrettable, mais maintenant il s'agit de reconquérir ces électeurs", a affirmé Mme Merkel après la victoire de son parti dimanche. "Une politique de compétitivité, de croissance et d'emploi est la meilleure réponse au mécontentement".
- 'C'est l'emploi par le soutien aux entreprises' -
"C'est l'emploi par le soutien aux entreprises", a également réaffirmé Hollande. "Ce n'est pas l'Europe qui nous demande de faire des réformes. C'est pour la France que nous devons les mener à bien", a-t-il dit.
Sur la future Commission européenne, Merkel ne s'est pas engagée à soutenir Jean-Claude Juncker, le candidat du Parti populaire européen (centre-droit), arrivé en tête, se contentant de saluer sa "solide campagne".
"Des discussions" seront nécessaires pour nommer un nouveau président de la Commission européenne, a indiqué la chancelière.
Au lendemain d'élections boudées par plus d'un électeur européen sur deux, le Parlement européen est plus fragmenté que jamais.
Certes, les grands partis pro-européens restent largement majoritaires, mais ils ont tous perdu du terrain. Premier groupe en termes d'élus, le PPE, qui rassemble les partis démocrates-chrétiens et de centre droit, est crédité de 213 sièges, soit 60 de moins que dans l'assemblée sortante.
Avec 190 sièges, les socialistes et sociaux-démocrates perdent 6 sièges, notamment à cause de la déroute des socialistes français et espagnols, et n'évitent le naufrage que grâce aux très bons résultats du Parti démocrate de Matteo Renzi en Italie.
Les autres partis pro-européens sont également en recul. Les Libéraux (64) perdent 19 sièges, les Verts (53) limitent la casse, malgré les mauvais résultats des écologistes en France, mais perdent 4 députés.
La gauche radicale, qui avait joué le jeu du renouveau des institutions en présentant un candidat à la présidence de la Commission, améliore légèrement sa présence au Parlement, grâce au succès de la liste Syriza en Grèce, et gagne 7 élus avec 42 sièges.
Sur le papier, les partis pro-européens disposent d'une majorité de 52O sièges (sur 751), mais ils sont condamnés à s'entendre pour gouverner.
Les chefs des groupes du Parlement sortant se retrouvent mardi matin pour élaborer une stratégie. Les représentants des partis pro-européens ont entamé "des négociations pour avoir une coalition du Parlement à imposer aux chefs de gouvernement et éviter de leur donner la main", a confié à l'AFP un responsable du Parlement européen sous couvert de l'anonymat.
"Ils ont tout à perdre si le Conseil (qui représente les Etats) sort un lapin de son chapeau", a-t-il dit.
Jncker et le candidat des socialistes, Martin Schulz, se sont entretenus dans la nuit de dimanche à lundi, "mais cela ne s'est pas bien passé", a indiqué cette source.
Le candidat des Libéraux, Guy Verhofstadt, a assuré de son côté que, "compte tenu du faible écart entre les démocrates-chrétiens et les socialistes, le rôle de faiseur de roi des libéraux et centristes se confirme".
Faute d'entente entre les élus pro-européens, les Etats seront tentés de maintenir leurs prérogatives.
Le Premier ministre britannique, David Cameron, s'est toujours montré hostile au fait que le Parlement puisse choisir le prochain président de la Commission européenne. La victoire des europhobes de l'Ukip de Nigel Farage devrait le conforter.
Interrogé lundi pour savoir s'il avait un message pour Cameron, Juncker, jugé trop "fédéraliste" par Londres, a sèchement répondu: "Je ne me mets à genoux devant aucun dirigeant. J'ai gagné les élections".
Il ne fait aucun doute que, dans le secret de leur huis clos, les chefs d'Etat et de gouvernement évoqueront mardi soir de possibles candidats de compromis issus de la gauche libérale ou de la droite sociale.
Des noms circulent, comme ceux de la directrice du FMI, Christine Lagarde, ou de la Première ministre danoise, Helle Thorning-Schmidt. Une source au Parlement européen a évoqué la possibilité de nommer Schulz à la Commission et Juncker à la présidence du Conseil, qui représente les Etats membres.
Le traité de Lisbonne recommande aux dirigeants européens de désigner le président de la Commission "en tenant compte des résultats des élections européennes".