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Le Kurdistan irakien se lance sur le marché pétrolier

Le Kurdistan irakien se lance sur le marché pétrolier

Le Kurdistan irakien dispose des sixièmes plus grandes réserves pétrolières mondiales, avec 45 milliards de barils.





C'est une surprise en Irak: malgré l'interdiction des autorités centrales le Kurdistan irakien, semi-autonome, a vendu pour la première fois son pétrole à l'étranger: un navire a effectivement quitté un port turc avec un million de barils de brut, écrit mardi 27 mai le quotidien Novye Izvestia.

Le lancement d'un commerce autonome d'hydrocarbures par les Kurdes va changer considérablement le paysage politique et économique en Irak, mais aussi dans tout le Moyen-Orient.

Le Kurdistan irakien dispose des sixièmes plus grandes réserves pétrolières mondiales, avec 45 milliards de barils. Faute d'entente avec Bagdad sur le partage des recettes pétrolières, la région a décidé de vendre son pétrole elle-même et le premier pétrolier transportant plus d'un million de barils de brut kurde navigue actuellement en Méditerranée. Le pétrole a d'abord été acheminé par un pipeline en Turquie, dont les autorités n'ont pas été impressionnées par les objections du gouvernement de Nouri al-Maliki qui a récemment remporté les législatives en Irak. Là, les barils ont été chargés sur un pétrolier.

"C'est la première d'une longue série de transactions. Nous continuerons de faire valoir notre droit aux exportations autonomes et à la vente de notre pétrole", annonce le communiqué du gouvernement du Kurdistan.

Cette déclaration a indigné les autorités irakiennes. Bagdad estime que les Kurdes interprètent trop librement les dispositions sur le statut semi-autonome de la région. En réalité, ils n'ont pas le droit de vendre directement leur pétrole et doivent le faire par le biais du gouvernement central, qui versera ensuite une partie des recettes aux Kurdes. Le ministère irakien de l'Industrie pétrolière a déjà qualifié cette première cargaison de pétrole kurde "d'illégitime" et menacé la Turquie de saisir la Cour d'arbitrage de Paris.

De leur côté, les Kurdes affirment que cette décision d'exporter leur pétrole est en partie forcée car les négociations entre les autorités centrales et le Kurdistan pour régler le problème pétrolier n'ont donné aucun résultat depuis des années. Le dernier cycle de pourparlers, démarré en décembre 2013, a non seulement échoué mais a même été suivi de sanctions: en réaction à cette intention d'envoyer du pétrole kurde en Turquie, Bagdad n'a pas versé de subventions budgétaires à l'autonomie en mars, en avril et en mai. Le gouvernement kurde affirme avoir reçu cette année seulement 1,3 des 4,25 milliards de dollars dus par Bagdad, c'est-à-dire moins d'un tiers du total. Par conséquent, les recettes de la vente d'un million de barils ne seront pas de trop. Selon les dirigeants kurdes, d'ici la fin de l'année les exportations atteindront 2 millions de barils, et 12 millions pour fin 2015.

Les Kurdes ont ainsi rejoint le club des entités quasi-étatiques vendant des hydrocarbures non reconnus par la communauté internationale, comme les tentatives des séparatistes libyens de la Cyrénaïque de vendre leur pétrole en contournant Tripoli, suivies des menaces des autorités de couler tout navire qui embarquerait du pétrole sans l'autorisation du gouvernement central.

La même situation avait été observée en Syrie, où une guerre parallèle s'est déclenchée pour les gisements pétroliers. Les islamistes radicaux ont évincé dans le nord du pays (centre de production du pétrole syrien) leurs alliés dans la lutte contre le gouvernement de Bachar al-Assad – des unités de l'opposition modérée. Aujourd'hui, ils vendent du pétrole en Turquie et achètent des armes avec l'argent récolté. Les islamistes du groupe Boko Haram au Nigéria s'en sortent tout aussi bien grâce aux ventes de pétrole. On estime le vol et la vente de brut dans ce pays jusqu'à 180 000 barils par jour pour un total d'environ 7 milliards de dollars par an. Une partie importante de cet argent se retrouve entre les mains des islamistes.