Les Etats-Unis ont recommandé à leurs ressortissants de quitter "immédiatement" la Libye en raison d’une situation "imprévisible et instable".
A peine installé, le nouveau Premier ministre libyen, Ahmed Miitig, a été visé par une attaque, au moment où des voix s'élèvent dans le pays pour rejeter son gouvernement né dans l'anarchie.
Jeune homme d'affaires de 42 ans originaire de Misrata (ouest), Ahmed Miitig et son gouvernement ont été investis dimanche par le Parlement dans un climat de vives tensions alimentées par une lutte d'influence entre politiciens et milices armées.
Appuyé par les radicaux, Miitig, le cinquième et le plus jeune chef de gouvernement depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, est arrivé au pouvoir alors que le processus de transition est complètement grippé et le pays livré aux milices armées.
Il préside un cabinet de 18 ministres qui ont prêté serment lundi devant le président du Congrès général national libyen (CGN-parlement) Nouri Abou Sahmein.
Selon un responsable de son bureau, Miitig et sa famille sont sortis indemnes de l'attaque menée à l'aube par des hommes armés.
"Il y a eu une attaque à la roquette et aux armes légères contre la maison du Premier ministre", a indiqué ce responsable sous le couvert de l'anonymat. Deux assaillants ont été tués dans l'attaque, selon les médias.
Peu après, les Etats-Unis ont recommandé à leurs ressortissants de quitter "immédiatement" la Libye en raison d'une situation "imprévisible et instable", selon une note du département d'Etat.
- Gouvernement "illégal" -
Le Parlement libyen, une instance contestée depuis plusieurs mois, a accordé dimanche sa confiance au cabinet d'Ahmed Miitig, qui conduira une courte phase de transition, des nouvelles élections ayant en effet été annoncées pour le 25 juin.
Méconnu du grand public, Miitig succède à Abdallah Al-Theni, qui assurait l'intérim depuis le limogeage le 11 mars d'Ali Zeidan, un libéral.
Dans une allocution reproduite par les médias, Miitig a invité ses détracteurs à un "dialogue national global pour parachever les institutions de l'Etat" et s'est engagé à "poursuivre le combat contre les terroristes", en allusion aux groupes terroristes implantés notamment dans l'est du pays.
Quelques heures après l'entrée en fonction du nouveau cabinet, les rebelles autonomistes qui bloquent depuis près d'un an des sites pétroliers dans l'Est libyen ont fait monter les enchères en affirmant qu'ils ne reconnaissaient pas un gouvernement "illégal".
"Nous refusons le gouvernement d'Ahmed Miitig", a déclaré Ibrahim Jodhrane, chef des rebelles autoproclamé président du bureau politique de la Cyrénaïque (région orientale), accusant les blocs islamistes au Congrès d'"imposer illégalement" le cabinet de Miitig.
Les ports de l'Est sont bloqués depuis juillet 2013 par des gardes des installations pétrolières, partisans de l'autonomie, empêchant toute exportation de brut et provoquant une chute de la production à 250.000 barils par jour, voire moins, contre près de 1,5 million b/j en temps normal.
- 1.000 marines -
En avril, les rebelles avaient suspendu leur mouvement dans deux petits ports, à l'issue d'un accord avec le gouvernement sortant, mais bloquent toujours les deux principaux terminaux du pays.
Ajoutant à la confusion, le gouvernement sortant a publié sur son site internet une lettre qui lui a été adressée par le vice-président du CGN, Ezzedine Al-Awami, un libéral, et dans laquelle il lui demande de continuer à assurer l'intérim, soulignant que l'élection de Miitig était "illégale".
Signe de l'anarchie, aucune liste officielle du nouveau cabinet n'a encore été diffusée, tandis que le budget 2014 est toujours bloqué en raison des divisions profondes au Congrès.
Dans la foulée, un général dissident, Khalifa Haftar, a lancé le 16 mai une campagne baptisée "la Dignité" contre les groupes extrémistes et en réclamant la dissolution du CGN.
Cette opération a reçu le soutien de plusieurs brigades et milices et l'adhésion d'une grande partie de la population.
Dans un communiqué lu mardi sur plusieurs télévisions libyennes, un dirigeant du groupe terroriste Ansar Asharia a appelé les Libyens à se dissocier de la campagne du général Haftar, lui promettant le même sort que l'ancien dirigeant libyen Mouammar Kadhafi tué en 2011. Le groupe a réaffirmé sa détermination à "combattre le tyran Haftar" et averti les Etats-Unis contre toute intervention en Libye.
Dans ce contexte, Washington a décidé de déployer un navire d'assaut amphibie, avec un millier de soldats du corps des Marines à son bord, à proximité des côtes libyennes pour être prêt à conduire une éventuelle évacuation de leur ambassade à Tripoli, selon un responsable américain de la Défense.