24-11-2024 06:01 PM Jerusalem Timing

Le journal al-Akhbar au Tribunal pour le Liban: Nous accusons!

Le journal al-Akhbar au Tribunal pour le Liban: Nous accusons!

"Votre appel s’apparente à un mandat d’amener", lance le journaliste d’al-Akhbar devant les juges du TSL.

 Dans ce qui suit le texte de l’intervention du journaliste libanais Ibrahim el-Amine devant le comité du tribunal international spécial pour le Liban (TSL) chargé d’enquêter sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. El-Amine fut interrompu par le juge Nicolas Lettieri, poussant le rédacteur en chef du quotidien al-Akhbar à quitter la salle de la séance.

Mr Nicolas Lettieri

Ma présence ici n’est pas le fait d’une libre décision, mais de votre appel qui s’apparente plutôt à un mandat d’amener. En effet, je ne m’attendais pas à ce que vous vous montriez soucieux des critères de la justice, puis à ce que vous négligiez les mesures de base pour la mise en place d’un procès équitable.

Je vous ai déjà informé de ma réserve face à tout verdict que vous décréterez à mon encontre. Là encore je vous informe aujourd’hui que je ne reconnais pas la légitimité de ce tribunal. Cette institution créée par le conseil de sécurité qui n’a jamais assuré la sécurité au monde. 

A 100 km ou plus de votre tribunal, il existe une terre qui s’appelle la Palestine. Son peuple est le seul au monde qui n’a pas le droit de décider de son sort, alors que des crimes successifs sont commis contre lui. Ce conseil de sécurité n’a point agi, aucun tribunal international n’a été mis en place pour poursuivre les criminels de guerre sionistes. Comment donc une personne sage qui respecte les droits de l’homme peut croire aux verdicts du conseil de sécurité ? Ce tribunal étudie une affaire d’assassinat d’un seul homme politique.

Et cette affaire n’a pas été déférée devant des tribunaux internationaux en place parce qu’elle ne n’obéit pas aux critères des crimes nécessitant des tribunaux internationaux. Mais le Conseil de sécurité a fait de cet assassinat un outil politique. Et pour ne pas retourner dans le passé, je vous rappelle que, juste après le début des procédures de ce tribunal, Israël a commis un massacre qui a tué 1300 Libanais en 33 jours en juillet 2006. Ce crime reste toujours impuni, que ce soit de la part du conseil de sécurité ou de la part de tout tribunal international.

L’an dernier, des crimes horribles et des crimes contre l’humanité ont été commis par des voitures piégées contre des citoyens libanais, juste pour leur appartenance confessionnelle. Ces crimes restent toujours impunis. Soulignant que les criminels et les meurtriers jouissent d’un soutien sûr des forces libanaises, régionales et internationales qui appuient ce tribunal. Comment voulez-vous avoir confiance au conseil de sécurité et en ses décisions ?
Ce tribunal a été créé contrairement aux principes constitutionnels et juridiques libanais. Même son financement a eu lieu secrètement sans l’accord de l’autorité compétente.

Votre tribunal, messieurs, s’inscrit dans un contexte politique qui a débuté avec la formation de commissions d’enquête dans l’assassinat de Rafic Hariri. Tout le monde sait que les forces locales, régionales et internationales qui ont soutenu la mise en place de ce tribunal sont celles qui incitent à des guerres permanentes contre mon pays, contre mon peuple et contre sa résistance héroïque face au terrorisme américain, européen et israélien.

Ma présence ici ne signifie absolument pas que je reconnais votre tribunal en tant qu’institution qui vise à instaurer la justice. Au contraire, ma présence obligatoire ici est le résultat de mes craintes légitimes quant à l’exposition de membres de ma famille et de mes collègues au journal que je préside, à des mesures arbitraires prises de votre part dans une affaire avec laquelle je n’ai aucun rapport.

Ces mesures ne feront réaliser que la volonté des forces de l’oppression dans mon pays, dans la région et dans le monde.
Personnellement, peu m’importe tout ce que vous faites, ou ce que vous ferez. Et je n’accorderai à votre tribunal aucune légitimité. Je considère que tout ce que vous faites n’est qu’une agression flagrante contre ma liberté et la liberté de la presse dans mon pays. 

Je ne sens pas que j’ai besoin d’un avocat, ni de toute assistance judiciaire de qui que ce soit. Je n’ai rien à dire au sujet de l’accusation adressée contre moi, et votre verdict ne reflète que votre irrespect de toutes les lois internationales qui garantissent les droits de l’homme et la liberté de l’expression.
La deuxième publication de matières déjà publiées reflète exactement ce que me dicte ma conscience professionnelle et morale envers mon peuple, exposé à la plus grande arnaque au nom de la justice et de la loi. 

Tous ceux qui ont pris en charge le dossier de l’assassinat de Rafic Hariri ont fabriqué des preuves qui seraient derrière la mort de personnes innocentes, après avoir été derrière l’incarcération d’autres. Ces preuves fabriquées ont toujours été la cause de l’atteinte contre la vie privée de mon peuple. Donc, je rejette l’accusation adressée contre moi, et je la considère nulle et non avenue, du point de vue de forme et du contenu.

Par ailleurs, et en tant que représentant du journal al-Akhbar, il est de mon devoir de vous signaler qu’il s’agit du seul journal arabe qui n’entretient aucune relation avec un régime répressif au monde. Je défie quiconque de démontrer la présence d’un lien pareil. Le journal al-Akhbar que vous tentez de sanctionner est une tribune qui se place au cœur de la bataille contre l’oppression politique, sociale et culturelle partant du Liban et atteignant les  quatre coins du monde.

Ce n’est pas du hasard que le collègue Assaf Bou Rahal tombe par les balles de l’armée de l’occupation israélienne sans qu’aucun partisan de ce tribunal au Liban et ailleurs ne s’intéresse à juger les criminels.

Ce n’est pas du hasard que le journal que vous menacez de fermer subit toujours les poursuites politiques, judiciaires et matérielles, de la part des partisans de ce tribunal au Liban, dans la région et dans le monde.   
La partie libanaise qui vous soutient poursuit notre journal continuellement devant la justice et les systèmes exécutifs au Liban, et œuvre avec son équipe politique à bloquer toutes les ressources publicitaires.

Al-Akhbar est un journal interdit dans le monde arabe : l’Arabie Saoudite interdit son site sur internet. Le Qatar finance le processus de son déchargement de cadres et d’employés. Le gouvernement syrien n’accepte pas nos critiques et interdit ses numéros sur son territoire. Les criminels de l’opposition syrienne nous menace de décapitation. L’ambassadeur de France à Beyrouth annonce qu’il va fermer notre bureau.

Et son collègue aux Nations Unies accuse notre représentant publiquement d’être un homme de sécurité et non un journaliste. Pourquoi ? Juste parce que nous réclamons la libération du militant nationaliste George Abdallah, otage chez l’administration française, contrairement aux décisions juridiques et à la logique de la loi.

Al-Akhbar est un journal considéré comme une source de danger par l’administration américaine, après avoir publié les documents de Wikileaks qui ont dévoilé les complots américains contre nos peuples. Elle essaie aujourd’hui d’interdire la publication des documents sur son espionnage contre des millions de personnes dans le monde.
Al-Akhbar est un journal qualifié de « porte-parole du terrorisme » par l’Entité de l’ennemi israélien.

Mr. Lettieri,

Ma propre expérience avec votre tribunal exceptionnel est très dure. Elle a commencé par les intimidations dirigées par le président de la première commission d’enquête Detlev Melhis, suivie par Serge Brammertz qui m’a fait subir des interrogatoires sans aucune signification.

Arrivant à l’ami de l’ancien tribunal Stephane Bourgonne qui a mené un interrogatoire sélectif. Je souffre encore aujourd’hui avec vous, après votre rejet de mes droits de base, celui de connaitre la base judiciaire de l’accusation adressée contre moi, et des sanctions qui pourraient être prises envers l’institution que je représente. Toute cette expérience renforce mes craintes quant à la difficulté de réaliser la justice.

Sur ce, j’ai décidé d’observer le silence total tout au long de la période des procédures. Je refuse de charger un avocat pour me défendre ou pour plaidoyer en faveur de « la société des informations de Beyrouth ». Je refuse catégoriquement que vous imposiez un avocat de votre part.
Gloire aux martyrs de la résistance et de ses combattants héroïques.
 
Traduit du site al-Akhbar