Attentat antisémite ou assassinat ciblé? Suite aux révélations de la presse israélienne, Panamza apporte de nouveaux détails au sujet de deux victimes de la fusillade perpétrée au Musée juif de Bruxelles.
Ce lundi, The Forward, quotidien juif américain, évoque sur son site une piste troublante à propos de la tuerie survenue samedi au Musée juif de Bruxelles: celle d'un "assassinat politique".
Le double motif d'une telle spéculation: le tireur muni d'une petite caméra GoPro s'apparenterait à un "tueur professionnel" selon certains experts sollicités et plusieurs médias israéliens ont divulgué -au cours des dernières heures- des informations particulières quant au profil de deux victimes (sur les quatre).
Rédigé à partir d'une dépêche de Reuters, le papier de The Forward passe néanmoins sous silence certains éléments singuliers rapportés par l'agence de presse. Extrait:
Une des victimes israéliennes, Emanuel Riva, avait antérieurement travaillé pour Nativ, une agence gouvernementale qui a joué un rôle clandestin dans l'encouragement de l'immigration juive en provenance de l'ex-Union soviétique, rapporte un officiel israélien.
Aux côtés de l'agence du renseignement extérieur, le Mossad, et de son équivalent chargé de la sécurité intérieure, le Shin Beth, l'agence Nativ était sous l'autorité du bureau du Premier ministre.
Miriam Riva, son épouse, travaillait également pour le bureau du Premier ministre, affirme l'officiel sans plus de détails.
Des amis du couple interrogés par les médias israéliens ont affirmé que tous deux travaillaient comme comptables dans les services gouvernementaux.
Le site du journal Israel Hayom ajoute aujourd'hui un détail intéressant à propos de leur collaboration antérieure avec Nativ, une agence d'espionnage fondée en 1952 et devenue semi-clandestine après la fin de la guerre froide.
Extrait:
Il y a quatre ans, ils (les Riva) ont été envoyés travailler en Allemagne par le ministère des Affaires étrangères.
Selon Yediot Aharonot, ils ont vécu à Berlin jusqu'en 2011.
En 2009, responsable de Nativ et soucieux de l'avenir de la communauté juive allemande, le ministre des Affaires étrangères était déjà celui de mai 2014: Avigdor Lieberman. Leader de l'extrême droite locale, cet ultra-nationaliste (rencontré en secret par Manuel Valls à la mi-février) s'était distingué sur la scène politique pour avoir suscité le courroux du Mossad, du Shin Beth et de l'Agence juive pour une raison spécifique: sa volonté d'utiliser Nativ pour favoriser l'émigration en Israël des citoyens juifs originaires de Russie et résidant en Allemagne.
Dans son poste antérieur (celui de ministre des Affaires stratégiques de 2006 à 2008), il avait ainsi bravé la désapprobation des organisations juives allemandes et la colère de plusieurs haut-responsables israéliens qui s'opposèrent à son projet (annoncé en 2006) car il était susceptible de saborder l'amitié israélo-allemande.
En 2005, le quotidien Haaretz rapportait que Nativ, dans le collimateur du Mossad qui la jugeait caduque et encombrante, ne devait son maintien que par la volonté du Premier ministre alors en exercice: Ariel Sharon. Dans sa foulée, Avigdor Lieberman a repris le flambeau et a réorienté la mission de l'agence en direction des 200 000 juifs russes d'Allemagne.
Ancienne ambassadrice d'Israël en Ukraine et ex-conseillère politique de Lieberman, Naomi Ben-Ami dirige Nativ depuis sept ans. L'Agence juive l'accusa en 2008 d'avoir provoqué une crise diplomatique avec l'Allemagne, pays allié, pour avoir exaucé le souhait de son mentor: ce dernier, d'origine russe, comptait précisément sur ces potentiels citoyens israéliens originaires de l'ex-Union soviétique pour consolider sa propre base électorale.
En janvier 2008, un article du Jerusalem Post rapportait un détail intrigant au regard du profil des victimes israéliennes de Bruxelles: selon le quotidien, la récente démission de Lieberman du poste des Affaires stratégiques devait geler un projet décidé en juillet 2007 et relatif à l'envoi -en Allemagne- de "deux émissaires" de Nativ. Sa dirigeante n'avait pas commenté cette information et l'entourage de Lieberman s'était contenté de réitérer son souhait que ce projet aille jusqu'au bout.
Un an plus tard, Lieberman revint au gouvernement et dans le ministère, plus puissant, des Affaires étrangères. C'est alors que le couple Riva, travaillant pour Niva, fut envoyé en Allemagne sous sa tutelle. Troublante similitude: leur départ -dont les détails sont inconnus à ce jour- semble s'inscrire dans la reprise du projet antérieur de 2006-2008 (dit "Operation Germany").
Dans le contexte actuel de la crise russo-ukrainienne, le rôle de Nativ, autrefois attaquée publiquement par le Mossad, a pris une ampleur inattendue. Critiquée également dans un rapport officiel (paru fin 2013) en raison de son opacité, l'agence -qui constitue toujours une tête de pont avec les communautés juives de Russie, d'Ukraine et d'Allemagne – demeure sous la tutelle ministérielle d'un seul homme qui continue de l'instrumentaliser: Avigdor Lieberman. De notoriété publique, ce dernier aspire à succéder à Benyamin Netanyahou au poste de Premier ministre.
Transformée en tremplin politique à usage personnel, Niva n'en finit pas d'agacer: les rivaux politiques de Lieberman comme les groupes hostiles à l'émigration juive hors d'Allemagne demandent toujours la cessation des activités de l'agence.
Rien n'exclut que la fusillade du Musée juif de Bruxelles soit l'œuvre d'un "terroriste" antisémite agissant à l'aveugle mais, au regard de l'engagement passé du couple Riva au sein d'une organisation controversée, rien ne permet non plus d'écarter la piste d'un assassinat ciblé en guise de représailles. Ou d'avertissement.
HICHAM HAMZA