Les lignes rouges imposées par l’Iran aux Américains à Vienne-4 leur ont rendu la tâche difficile.
L'annonce officielle des négociations bilatérales irano-américaines au sujet de l'affaire nucléaire s'est effectuée presque inattendument.
On est porté à croire que les deux sous-secrétaires d'Etat américains William Burns et Wendy Sherman s'entretiennent lundi et mardi avec le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araqtchi, à Genève.
Plus de détails, dans une note signée Mehdi Mohammadi, publiée par le journal Vatanemrooz, dont voici l'extrait :
...''Le message le plus important que transmettraient ces négociations serait en ce sens que les négociations Iran-5+1 aboutiront, si les pourparlers bilatéraux irano-américains aboutissent. L'expérience de Genève, aussi, le prouve.
Bien que cela n'ait pas encore été officiellement confirmé, on sait que les négociations confidentielles à Mascate avec William Burns mais aussi, avec Jake Sullivan, le plus important conseiller du vice-président Joe Biden, ont largement contribué à la conception de l'accord de Genève.
Lorsque les équipes négociatrices iranienne et des 5+1 ont pris place autour de la table des négociations, il y a 6 mois, ils avaient devant eux un texte rédigé d'avance et suffisamment examiné. Bien que la France ait essayé, alors, de prouver aux Iraniens que l'entente avec les Etats-Unis n'est pas tout, on a vu, à termes, que le texte sur lequel les négociateurs s'étaient entendus n'était pas très différent de l'avant-texte de l'entente irano-américaine.
Apparemment, le gouvernement de Hassan Rohani envisage, parait-il, de répéter cette expérience. Pour l'instant, on sait que l'Iran négociera avec les Etats-Unis et ces derniers, avec les autres membres des 5+1.
Deuxièmement, malgré les vastes différends qui existent, parvenir à l'entente ne serait pas impossible, parce que la volonté politique partagée, pour le faire, aussi, existe.
Le facteur le plus important qui a donné lieu aux pourparlers américano-iraniens à haut niveau, c'est qu'aucune des deux parties n'est intéressée, politiquement parlant, par une reconduction de l'accord de Genève, quoi qu'elles sachent qu'une telle chose ne serait pas possible de point de vue juridique.
Pourtant, je crois que le congrès US exagère sur les risques issus d'une reconduction de l'accord de Genève.
Des sources américaines le disaient la semaine dernière : le congrès n'acceptera pas le risque de changer les règles du jeu : à la rigueur, il pourra permettre aux négociateurs américains un plus grand pouvoir de marchandage.
Mais c'est clair qu'il serait mieux, pour les gouvernements d'Obama et de Rohani, de s'entendre avant l'expiration du délai prévue le 20 juillet.
Comme ça, on n'aura plus besoin de reconduire l'accord de Genève. Très probablement, la rencontre entre Burns, Sherman et Araqtchi a été prévue, avec pour premier objectif d'accélérer le processus des négociations, de les transformer en un véritable échange de points de vue, ce qui n'aurait été possible, côté américain, qu'en renforçant les prérogatives de leurs négociateurs.
Les lignes rouges imposées par l'Iran aux Américains à Vienne-4 leur ont rendu la tâche difficile.
En fait, l'Iran souhaite maintenir le niveau actuel de ses activités d'enrichissement de l'uranium et ne négocier qu'à propos des plans de développement dans ce domaine.
L'Iran n'accepte pas les idées américaines pour reconcevoir le cœur du réacteur d'Arak et veut que toutes les sanctions soient levées d'un coup.
L'Iran souhaite ne pas permettre aux Américains d'entrer dans ses zones militaires ; de même, il souhaite relever toutes les restrictions entravant ses plans de recherches et de développement.
L'élaboration de ces principes aux négociations de Vienne-4 a désillusionné les Américains toujours envahis d'extase de l'accord de Genève.
Avant Vienne-4, les Américains croyaient que l'Iran se contenterait, à termes, d'un niveau symbolique de l'enrichissement, fermerait les sites de Fordou et d'Arak et accepterait une levée progressive des sanctions, à condition que le premier pas dans ce sens consiste à annuler des sanctions importantes.
Il faudrait dire, malheureusement, que ce malentendu a été en quelque sorte dû aux messages transmis par le gouvernement iranien, comme quoi la levée des sanctions est tellement importante que Téhéran accepterait d'accorder toute sorte de concession, pour y parvenir.
On sait, maintenant, sous quelles conditions l'Iran n'acceptera pas de s'entendre. Autrement dit, il existe des conditions sous lesquelles l'Iran préférerait rester sanctionné, plutôt que d'accepter une mauvaise entente.
Les Américains, aussi, connaissement, parfaitement, ces conditions. Ils savent également que ces décisions ont été prises en Iran, dans le cadre d'un ensemble de principes sur lesquels les négociateurs ne peuvent pas déroger.
Ces principes, ce n'est pas hier ou aujourd'hui que l'Iran les a adoptés, pour y renoncer à la fin, en échange de certaines concessions.
Par exemple, les Américains auraient cru, à une certaine étape, que l'idée de lever un grand nombre de centrifugeuses iraniennes serait faisable; cette illusion a été renforcée avec l'accord de Genève qui prévoyait une limitation du programme nucléaire iranien dans le dernier pas.
Mais aujourd'hui, la littérature, même, des responsables américains laissent conclure qu'ils ont réalisé que cette idée n'est pas très réaliste, et qu'il vaudrait mieux penser à une initiative qui n'exige pas la levée de centrifugeuses.
« Le fait que l'Iran puisse garder en fin de compte combien de ses centrifugeuses dépendra de beaucoup de questions dont le niveau de transparence exercée dans son programme nucléaire », a écrit une source américaine, il y a deux jours.
Pour moi, cela signifie que les Américains cherchent une sortie et la voie la moins chère pour eux c'est qu'ils vont devoir, au lieu de s'acharner à limiter le programme nucléaire iranien, demander davantage de transparence de ce pays.
Par ailleurs, lorsque le programme nucléaire iranien est suffisamment transparent, qu'importe que l'Iran garde combien de centrifugeuse ?!
A moins que l'autre partie cherche à humilier la partie iranienne, en insistant sur la levée d'un grand nombre de ces équipements...
Maintenant que les Iraniens ont décidé de négocier en tête à tête avec les Américains, il conviendrait d'indiquer un autre principe important, en ce sens que l'Iran négocie sur « ne pas fabriquer l'arme atomique », pas sur « ne pas disposer de la technologie nucléaire ».
Autrement dit, ce jeu de freiner l'échappatoire nucléaire de l'Iran, il faut l'arrêter une bonne fois pour toutes.
Le fait que les Américains disent que l'objectif principal des négociations consiste à limiter la capacité d'enrichissement iranien, à tel point que ce pays ait besoin d'un an pour accomplir son échappatoire nucléaire, parait ridicule même à quelqu'un comme Gary Seymour.
« Si l'Iran décide dans un certain temps de recourir à l'échappatoire nucléaire, naturellement, il ne le fera pas devant les caméras de l'Agence », dit Gary Seymour, bien qu'il existe une plus grande vérité qu'il semble avoir ignoré et qu'on a du entendre de James R. Clapper, l'ancien lieutenant général de l'US Air Force et l'actuel Directeur du renseignement national des États-Unis, disant qu'en principe, l'échappatoire nucléaire ne fait pas partie des objectifs du programme nucléaire iranien; « Sinon, l'Iran l'aurait envisagé et accomplir, sans faire du bruit, bien avant aujourd'hui », dit-il.
L'Iran doit faire comprendre aux Américains que s'ils cherchent un prétexte pour lever les infrastructures d'enrichissement à l'échelle industrielle en Iran, à travers des allégations sur la délimitation de l'échappatoire nucléaire iranien, il faut considérer dès maintenant les négociations échouées.
Le fait, même, que les Américains n'acceptent pas de se focaliser sur la transparence, au lieu de la restriction, montre que le Break Out (Sortie) dont ils parlent, plutôt que d'interpréter une vraie inquiétude, est une approche en vue de chercher des prétextes et inventer des arguments pour arracher les concessions à l'Iran (...)''.