99% des femmes égyptiennes affirment avoir été victimes de harcèlement sexuel, selon une étude de l’ONU parue en 2013.
La vidéo d'une étudiante agressée sexuellement par un groupe d'hommes pendant les célébrations d'investiture du président Sissi a mis en lumière le problème endémique des violences faites aux femmes en Egypte, les militants dénonçant l'insuffisance des mesures prises par les autorités.
Diffusés sur internet, ces images, qui semblent avoir été filmées avec un téléphone portable, montrent une jeune femme nue portant des traces de sang et des ecchymoses, escortée par des policiers et une ambulance, alors que des dizaines d'hommes continuent à se masser autour d'elle.
La scène se déroule au milieu d'une foule réunie place Tahrir au Caire pour fêter l'investiture du nouveau président égyptien, Abdel Fatah al-Sissi.
Des militants ont appelé à manifester samedi pour dénoncer le fléau des violences sexuelles dans le pays, tandis que le quotidien pro-gouvernemental Al-Watan réclamait en une mardi l'exécution des agresseurs de la jeune femme.
"Les agressions sexuelles et les viols par des groupes d'hommes sont désormais monnaie courante. Jusqu'où vont aller les choses? Il s'agit de terrorisme sexuel", dénonce Zeinab Sabet, militante au sein du groupe "dignité sans frontières", qui se bat contre les violences sexuelles.
"Cela se produit depuis 2012 (...) Le fait qu'une telle agression ait eu lieu à nouveau (dimanche) montre que les autorités ne se soucient même pas de nous", souligne-t-elle.
Au moins neuf agressions sexuelles se sont produites la semaine passée au cours de manifestations célébrant la victoire de M. Sissi à la présidentielle, selon des militants.
Une femme a notamment été brûlée à l'eau bouillante sur Tahrir par trois assaillants qui l'ont déshabillée avant de s'en prendre à sa fille, a indiqué le bureau du procureur.
Au total, les autorités ont indiqué avoir procédé à une dizaine d'arrestations pour ces différentes agressions.
Première législation spécifique
L'Egypte a adopté ce mois-ci sa toute première législation punissant spécifiquement le harcèlement sexuel, avec une série de sanctions allant de l'amende à la prison ferme.
Mardi, M. Sissi a enjoint son ministre de l'Intérieur à appliquer la loi "avec fermeté".
Mais ces amendements ont été jugés "insuffisants" par un groupe de 25 associations de défense des droits de l'Homme, qui ont appelé à une "stratégie globale" pour lutter contre ce phénomène dont 99% des femmes affirment avoir été victimes, qu'elles soient vêtues "à l'occidentale" ou voilées, selon une étude de l'ONU parue en 2013.
Des experts affirment que la hausse du chômage, le coût exorbitant des mariages ou encore le tabou du sexe avant le mariage contribuent à la hausse de ces violences, devenues de plus en plus fréquentes depuis la révolution de 2011 ayant renversé Hosni Moubarak.
Entre novembre 2012 et juin 2013, environ 250 cas de harcèlements, d'agressions sexuelles ou de viols sous la menace d'armes ont ainsi eu lieu lors de manifestations au Caire, selon des militants.
Tests de virginité
L'ONG Human Rights Watch a affirmé dans un rapport publié mardi que les femmes égyptiennes faisaient face à des "niveaux endémiques" de violences, déplorant le peu d'actions entreprises par les autorités pour traduire les agresseurs en justice.
Les militants doutent que le nouveau pouvoir, qui a pourtant tendu la main à l'électorat féminin durant la campagne, soit à même d'endiguer ces violences.
"Pendant sa campagne, les discours de M. Sissi sur les questions concernant les femmes étaient grotesques et vagues", affirme Fathi Farid, du groupe "I saw Harassment" (J'ai vu du harcèlement).
"Il n'a pas évoqué de questions controversées (...) et n'a pas abordé l'émancipation politique, économique et sociale des femmes".
Mi-2011, alors chef du renseignement militaire, M. Sissi avait justifié les tests de virginité pratiqués par l'armée sur des manifestantes arrêtées, en soulignant qu'ils permettaient de se prémunir contre d'éventuelles accusations de viols par des militaires en détention.
"Je ne peux pas faire confiance à un président qui a justifié ces tests", souligne Zeinab Sabet.
"Je ne pense pas que les droits des femmes ou la lutte contre les agressions sexuelles par des groupes d'hommes et les viols figurent dans ses projets", dit-elle.