Les Bahreinis déçus après le discours du roi. Pas de libération des détenus politiques, pas d’annulation des condamnations à mort.
Le chef du principal groupe de l'opposition bahreïnie Al-Wefaq, cheikh Ali Salmane, et trois responsables du mouvement ont été interrogés par le procureur militaire mardi, à la veille de la levée de l'état d'urgence dans le pays, selon un communiqué mercredi.
Dans son communiqué, Al-Wefaq indique que cheikh Salmane ainsi que MM. Ibrahim al-Marzouk, Abdel Jalil Khalil Ibrahim et Mohamed Youssef al-Mazaal, trois responsables du groupe, ont été convoqués mardi en fin d'après-midi au parquet militaire où ils ont été interrogés "sur certaines questions".
Le communiqué ne donne aucune indication sur l'objet de l'interrogatoire.
L'état d'urgence en vigueur à Bahreïn depuis la mi-mars devait être levé mercredi.
L'interrogatoire, qui a duré cinq heures selon le communiqué d'Al-Wefaq, a eu lieu au moment où le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa appelait à l'amorce d'un dialogue national en juillet.
Communiqué de l'opposition à l'étranger
En réaction, l’opposition à l’étranger a qualifié d’ « escalade » l’arrestation des chefs de l’opposition.
Dans un communiqué parvenu à notre chaine, elle a rappelé que la seule issue à la crise bahreïnie est l’instauration d’une monarchie constitutionnelle.
« Le peuple bahreïni dont à sa tête les dirigeants de l’opposition sont déterminés à ne pas renoncer à leurs revendications légitimes », a souligné l’opposition.
« Parler de dialogue, dans ces circonstances sécuritaires étouffantes, n’a pas de valeur », a ajouté le communiqué, avant d’assurer que « le peuple ne va certainement pas accepté des solutions superficielles et erronées ».
L’opposition a conclu son communiqué en imputant les souffrances du peuple bahreïni, dont les arrestations, au régime, aux forces d’occupation du Golfe et à l’administration américaine.
Les Bahreinis déçus après le discours du roi
Le roi a déçu les bahreinis en se contentant d’appeler à un dialogue national, sans décréter des lois appelant à la libération des détenus politiques et à l’annulation des condamnations à mort l’encontre de 4 jeunes manifestants.
"J'en appelle aux pouvoirs exécutif (très contesté par les manifestants NDLR) et législatif pour convoquer un dialogue de consensus national sur le meilleur statut pour le royaume de Bahreïn", a déclaré le souverain en recevant un groupe de journalistes de la presse locale.
S’agissant des manifestations prévues dans le pays, après la levée de l’état d’urgence, le roi a ironisé en demandant « ceux qui participent à ces manifestations s’ils n’avaient pas de boulot ».
Le roi a peut-être oublié que son régime a licencié des centaines de fonctionnaires et d’employés pour avoir participé aux manifestations réclamant des réformes politiques.
Sans citer l'opposition, le roi a invité "toutes" les parties à participer aux prochaines élections législatives partielles.
Des élections partielles ont été convoquées pour le 24 septembre pour pourvoir les sièges des députés démissionnaires de l’opposition.
Les Etats-Unis saluent l'appel du roi au dialogue
L'offre de dialogue du roi a été saluée comme "une avancée positive" par les Etats-Unis.
Le porte-parole du département d'Etat, Mark Toner, a rappelé que le président américain Barack Obama avait déclaré dans un récent discours consacré aux révolutions arabes qu'il était impossible que la petite monarchie du golfe puisse avoir le dialogue dont elle a besoin tant que des opposants seraient en prison.
"Il faut des avancées positives pour répondre (...) aux aspirations légitimes du peuple, et il s'agit d'une avancée dans cette direction", selon Toner.
Appel à des manifestations le jour de la levée de l'état d'urgence
Des militants ont appelé sur internet à des manifestations mercredi à Bahreïn, le jour où l'armée retirait ses unités de Manama en application de la levée de l'état d'urgence imposé depuis la mi-mars.
Dans un message mis en ligne sur Facebook, "la coalition des jeunes de la révolution du 14 février" appelle les Bahreïnis à manifester pour prouver que "notre révolution ne s'arrêtera que lorsque les communautés (chiite et sunnite) de notre peuple auront arraché leur droit à l'autodétermination".
Une manifestation est prévue à Manama en fin d'après-midi alors que la population dans les villages a été invitée à manifester durant la journée, a indiqué à l'AFP une militante des droits de l'Homme qui a requis l'anonymat.
Selon elle, "une marche sera organisée aussi vendredi en direction de la place" de la Perle, épicentre de la contestation, que les autorités ont rasée en réprimant par la force à la mi-mars le mouvement de protestation.
Ces appels à des manifestations interviennent alors que les forces de sécurité et de la Garde nationale ont commencé à se déployer sur les principales avenues de la capitale et autour des bâtiments publics, selon des habitants.
Dans un communiqué, Amnesty International a mis en garde contre un recours excessif" à la force contre les protestataires qui ont prévu de manifester.
"Les autorités ne doivent commettre les mêmes erreurs qu'en février et en mars, lorsque de larges protestations pacifiques ont été violemment réprimées par les forces de sécurité", écrit le directeur d'Amnesty pour le Moyen-Orient et l'Afrique du nord, Malcolm Smart.
"Avec la levée de l'état d'urgence, les autorités doivent permettre aux gens d'exercer pacifiquement leurs droits à la liberté d'expression et de rassemblement", ajoute-t-il.