24-11-2024 10:22 AM Jerusalem Timing

A quelques km de Mossoul, les chrétiens irakiens pris au piège se terrent

A quelques km de Mossoul, les chrétiens irakiens pris au piège se terrent

Nouvel épisode depuis l’invasion de l’Irak en 2003 qui menace leur présence.

Barricadés et terrorisés, les chrétiens de la ville irakienne de Bartala se sentent piégés, à la merci des insurgés sunnites qui contrôlent la ville toute proche de Mossoul et abandonnés par le gouvernement fédéral.
   
Bartala, qui compte 30.000 habitants, se trouve à seulement 20 km de Mossoul (nord), deuxième ville d'Irak et la première à être tombée aux mains des insurgés sunnites qui ont lancé la semaine dernière une vaste offensive dans le pays.
   
Depuis que la police a fui la ville à l'approche des insurgés, les habitants ne peuvent plus compter que sur une force de quelque 600 habitants chrétiens et les Peshmergas, les forces kurdes, pour les protéger.
   
Mais cette protection semble bien dérisoire face aux insurgés armés et bien entraînés. Et les chrétiens de Bartala, et ceux de Mossoul s'y étant réfugiés, amers, se sentent pris au piège entre les insurgés -- qui les considèrent comme des infidèles -- et le gouvernement, qui a échoué à les protéger.
 "Le gouvernement s'en fiche de nous --nous avons vu comment l'armée s'est enfuie et nous a laissés condamnés à une mort certaine", déclare Saba Yussef une habitante qui héberge depuis peu sa belle-mère ayant fui Mossoul.
   
"Maintenant, nous nous en remettons à nos gardes, aux Peshmergas et à Dieu car nous n'avons pas de véritable protection face aux insurgés s'ils arrivent", ajoute-t-elle.
   "Pour être honnêtes, nous avons peur. Nous savons que, si l'EIIL décide de venir, ils vont prendre toute la ville", déclare Milad Jibrael, faisant référence à l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) qui mène les insurgés sunnites ayant lancé depuis le 9 juin une offensive, prenant de larges parties de quatre provinces du pays.
 
Avec son ami d'enfance Tahrir Mounir, il fait partie d'une force locale qui protège les quatre églises de la ville.
"Je resterai ici quoi qu'il arrive. Si je dois mourir en protégeant cette église, je le ferai", ajoute-t-il dans l'église Maryam al-Adra.
   
   Barricades autour des églises
   
Des barricades ont été dressées autour des églises de la ville, et des points de contrôle tenus par des chrétiens et des Peshmergas contrôlent les voitures qui entrent dans Bartala.
   
Les forces sont faiblement armées, mais cela n'empêche pas le responsable kurde local Idriss Sorchi de se déclarer confiant quant à leur capacité de repousser un assaut d'insurgés.
"Nous pouvons protéger cette ville et nos régions", affirme-t-il, assurant que, si les insurgés sont lourdement armés, notamment grâce aux armes abandonnées par l'armée irakienne, les Peshmergas ont également des ressources.
"Nous n'allons pas entrer dans Mossoul, mais nous avons pour ordre de protéger cette zone et de combattre les insurgés s'ils arrivent", déclare-t-il dans le quartier général local d'un parti politique kurde, réquisitionné par la force Peshmerga qu'il dirige.
   
Craignant un assaut insurgé, une vingtaine de familles ont déjà fui Bartala, où l'eau et l'électricité ont été coupées.  
Mais la majorité sont restées, et hébergent des parents ayant fui Mossoul.
   
  Situation désastreuse pour les chrétiens
 
Bernadette Bustros a quitté Mossoul avec son mari et ses cinq enfants après avoir vu les insurgés parader dans les rues de son quartier.
"Nous étions terrifiés, et nous avons commencé le voyage à pied", ajoute-t-elle, décrivant ce qui, pour elle, le dernier rebondissement dans un long cauchemar pour les chrétiens d'Irak, dont le nombre a plus que diminué de moitié depuis l'invasion américaine de 2003.

"Ça fait des années que notre situation est désastreuse. Deux de mes frères ont été kidnappés en 2008: l'un a été libéré, l'autre a été tué", déclare-t-elle.
 "Maintenant, nous sommes pris au piège dans un conflit qui ne nous concerne pas".
 "Du temps de Saddam Hussein (l'ex-dictateur renversé en 2003), on savait qu'il y avait un nom qu'il ne fallait pas prononcer", s'enflamme son frère.
"Mais maintenant, nous subissons l'oppression du gouvernement, la violence de ces insurgés, et nous n'avons nulle part où aller".
   
A l'église, Mounir fait le même constat.  
 "Nous avons eu un dictateur, puis un dirigeant (à la politique) confessionnel(le), et maintenant ces insurgés. Je doute qu'on puisse entrevoir un bon avenir en Irak".