L’engrenage d’une guerre civile qui risque d’embraser toute l’Europe
"Les Ukrainiens tirent au mortier, à l'artillerie et avec les chars. Heureusement que la météo est mauvaise, sinon
on aurait eu droit aussi à l'aviation", lâche Denis, à la tête d'une cinquantaine de rebelles prorusses établis sur une colline à Siversk, dans l'est de l'Ukraine.
Des combats meurtriers ont eu lieu ces derniers jours avec les forces ukrainiennes. "On tient bon. Les Ukrainiens ont déjà attaqué une fois nos positions hier et on les a repoussés. On en a tué beaucoup. Nous attendons maintenant un nouvel assaut", poursuit Denis, 40 ans.
L'évocation du cessez-le-feu unilatéral d'une semaine annoncé vendredi par le président ukrainien Petro Porochenko provoque des jurons imagés de la part des combattants qui l'entourent.
Les rebelles prorusses ont fortifié cette position en creusant des tranchées. Dissimulé sous un arbre, un char lourd, le canon pointé vers les positions ukrainiennes, à trois kilomètres de là, est l'élément majeur de leur dispositif militaire.
"Il y a eu des combats pas loin d'ici, près de Lisitchansk. On a pris ce tank et cinq blindés de transport de troupes à l'armée ukrainienne. Le tank était abimé, mais en trois jours nos mécaniciens l'ont retapé", affirme Mikhaïl, 44 ans, le conducteur du char sur lequel a été dessiné un drapeau russe.
Un peu en retrait, on distingue deux blindés légers et un canon antiaérien monté sur un camion. Des voitures et des camions transportant des hommes en armes montent régulièrement vers la première ligne en provenance de Siversk, une petite ville de 3.000 habitants.
L'artillerie ukrainienne tire quelques obus, qui tombent loin des positions des rebelles. Les prorusses répondent par un coup de canon. Des arbres arrachés à l'intérieur du camp montrent que l'artillerie ukrainienne est parfois plus précise.
Siversk se trouve à l'ouest de Slaviansk, l'un des bastions des séparatistes prorusses, aujourd'hui encerclé par les Ukrainiens. Les forces ukrainiennes ont avancé dans cette zone, après avoir repris aux rebelles la ville voisine de Krasnii Limane à l'issue d'une opération meurtrière le 5 juin.
Les forces ukrainiennes semblent vouloir renforcer leurs positions dans cette région pour isoler encore davantage Slaviansk.
Lutter contre les "fascistes"
Le porte-parole de l'opération militaire lancée par Kiev pour reprendre le contrôle de l'est, Vladislav Seleznev, a affirmé que 200 rebelles ont été tués ces derniers jours autour de Siversk, passage stratégique selon lui pour l'approvisionnement de Slaviansk en armes et munitions par les prorusses.
Un rebelle explique à un jeune homme comment utiliser une mitrailleuse: "Tu dois t'appuyer comme ça pour pas que ça bouge trop", insiste-t-il en montrant comment faire. "Certains de nos combattants sont très jeunes. Celui-là n'a même pas fait son service militaire", indique Denis, le chef du groupe.
Les rebelles reconnaissent sans détour la supériorité numérique des forces ukrainiennes et affirment ne pas recevoir d'aide militaire de la Russie. "On reçoit seulement de l'aide humanitaire russe et des médicaments. La Russie ne
peut pas nous aider militairement et envoyer ses troupes. L'Otan n'attend que ça pour envoyer ses soldats en Ukraine", affirme Andreï, 31 ans, qui est en train de préparer les munitions pour la mitrailleuse lourde.
Les insurgés ont-ils des chances face à la supériorité technique des forces ukrainiennes? "Nous tiendrons. Mes deux grands-pères ont été tués pendant la Deuxième Guerre mondiale. Ils luttaient contre le nazisme. Je continue leur combat", affirme Andreï, qui comme tous les rebelles considèrent les autorités pro-européennes de Kiev comme des "fascistes".