Désertions et défections sur fond d’échecs
L’avancée sulfureuse dans la province de Ninive en Irak de la féroce milice takfirie de l’Etat Islamique en Irak et au Levant semble avoir sérieusement affecté son frère-ennemi d’Al-Qaïda, le front al-Nosra.
Dissensions et défections ravagent ce dernier au même rythme des échecs qu’il essuie en Syrie.
Sur les sites de l’EIIL , a été fêtée en grandes pompes la défection de 4 chefs du Nosra œuvrant au sud de la Syrie et leur ralliement à l’EIIL.
Ayant été assignés dans la wilayat de Cham (Levant), ces 4 hommes sont Abou Jaafar al-charii, Abou Hamza al-Mouhajir, Abou Zahra al-Ourdouni, et Abou Hamza al-Ansari.(Communiqué à droite)
Le Nosra neutre à Alep
Ces dissensions commencent à se faire sentir dans la province d’Alep, où bat son plein le face-à-face entre l’EIIL d’un côté et le Nosra, le Front Islamique (FI) et l’Armée syrienne libre (ASL) de l’autre.
Un changement a dernièrement été constaté dans le comportement du Nosra.
Celui-ci est accusé d’opter pour une position neutre et de s’abstenir de participer aux combats, rapporte l’agence Asia News à la foi de source proches de l’ASL et du FI.
Ce changement de comportement s’est manifesté depuis l’accord conclu entre les deux frères ennemis d’Al-Qaïda à Deir Ezzor, en fonction duquel les éléments de Joulani se sont retirés de la ville de Deir Ezzor, après s’être engagés à cesser de combattre l’EIIL dans ce gouvernorat.
La source soupçonne que l’accord se soit étendu vers Alep, expliquant l’inertie du Nosra. « Les choses montrent que l’étoile du front al-Nosra qui a longtemps brillé commence à s’éteindre », poursuit cette source pour Asia News.
Depuis les relations se dégradent entre les milices rebelles, alors que le FI et l’ASL se sont en effet mis à accuser le front al-Nosra d’avoir pillé les usines de la cité industrielle d’Alep.
« Certains frères du Front islamique ont adressé des questionnements aux chefs du front al-Nosra pour savoir les raisons pour lesquelles ils se sont emparés des biens des citoyens ; on leur a alors répondu que les propriétaires de ces usines ont préféré prendre la fuite que de les défendre, raison pour laquelle ces biens sont devenus des butins pour les moudjahidines », indique l’agence.
A noter que le pillage des usines de la cité industrielle de cheikh Najjar avait été entamé bien avant l’entrée du front al-Nosra en Syrie, et ce par le biais des miliciens de l’ASL qui ont vendu les équipements dérobés en Turquie.
Deir Ezzor: Boukamal et Mouhassan livrés à l'EIIL
Mais c'est surtout dans la province de Deir Ezzor que les bruits sur des défections au sein du Nosra se font le plus fort. Et plus précisément dans les villes de Boukamal proche de la frontière syro-irakienne, et de Mouhassan.
Cette information a été d’abord assurée pour le journal libanais al-Akhbar par des sources proches de l’EIIL, selon lesquelles « les frères mouhajirines (étrangers) qui avaient rallié le front de Joulani ont réalisé qu’ils combattaient sous la fausse bannière et sont depuis derrière les défections d’une grande partie des éléments des forces du Nosra à Boukamal ».
Un élément qui a déserté les rangs de Nosra a également confirmé cette information : « le front n’est plus ce qu’il était. La plupart des frères en sont pleinement conscients », explique-t-il.
Et d’ajouter : « ce qui s’est passé à Boukamal est une défection réelle au sein du Nosra, malgré les dénis du Conseil Choura des Moudjahidines ( CCM- qui englobe dans cette province les milices Nosra, l’Armée Islamique, Ahrar al-Cham et autres )».
La situation dans la ville de Mouhassan semble être similaire. Il y est également question selon al-hadath News, de désertion de plusieurs brigades du Nosra qui auraient également livré la ville à l’EIIL après avoir rallié ses rangs.
Ce mardi, les factions du CCM ont lancé un grand assaut contre la ville pour la restituer. Le conseil avait auparavant publié un communiqué dans lequel il a nié en bloc les informations de désertion, les qualifiant de rumeurs.
Pourtant, plusieurs évènements corroborent la version de désertion et dissension au sein du Nosra.
Il y a entre autre l’attentat contre le siège de la milice des Ahrar al-cham dans le village Chmaytiyyé et au cours duquel trois de ses commandants ont péri laissent en suspens des questions sur l’identité de ses auteurs surtout qu’il est question d’une trahison interne.
Intervient aussi la décapitation d’un chef de milice, Abdel Malek Khodor Karim , connu sous le nom de guerre Abou Haroune.
Commandant de la brigade « La Ilaha Illa allah » qui faisait partie du CCM, il fait partie de ceux qui ont fait défection et prêté allégeance à l’EIIL. C’est lui qui lui a livré quelques quartiers de la ville de Mouhassan.
Le syndrome de Raqqa pressenti à Hassaké
Dans la foulée de l’avancée de l’EIIL, les habitants de la ville de Hassaké, seule enclave avoisinant Deir Ezzor qui échappe toujours au diktat de l’EIIL craignent de plus en plus un scénario similaire à celui de Raqqa, avec l’accélération d’évènements ces derniers jours.
Pour la première fois, l’EIIL a enlevé lundi un bus d’une société privée qui transporte des voyageurs. L’enlèvement a eu lieu selon Asia News sur l’autoroute internationale reliant Tal-Mansour à Hittine et qui devrait en principe être sous la protection des milices kurdes de protection.
Sur les 25 passagers, 11 ont été relâchés, dont des femmes et des enfants, alors que les autres ont été emmenés en direction de la région de Tal-Borak. Deux officiers de l’armée régulière font partie des personnes enlevées.
Cet incident est le premier du genre dans cette région qui a échappé aux aléas de la crise syrienne qui sévit depuis trois ans en raison de l’absence d’environnement soutenant les insurgés. Et surtout, parce que la ville a servi de refuge pour les familles des miliciens ce qui les a poussés à l’épargner.
Autre évènement survenu pour la première fois aussi, une voiture piégée a explosé dans la ville de Hassaké, tuant deux personnes et en blessant 20 autres.
La situation est d’autant plus grave que l’EIIL est en train d’amener des renforts dans son bastion situé dans la ville voisine de Chadadi (Photo à droite).
« Il est à craindre un scénario similaire à celui de Raqqa, lorsque les miliciens ont attaqué la ville à l’improviste et l’ont conquise pour la transformer plus tard en leur bastion », a indiqué un observateur qui suit de près la situation dans les régions est de la Syrie pour le journal libanais assafir. Il ajoute que la ville a reçu dernièrement plusieurs signaux sur l’approche de la bataille de ses murs.
Interrogée par le journal, une source sécuritaire syrienne a écarté ce scénario arguant la présence en force de l’armée syrienne aussi bien à Hassaké qu’à Qamechli, et la présence des milices kurdes qui contrôlent d’importantes superficies de la province de Hassaké.
L’EIIL dans la Ghouta orientale
Des éléments de l’EIIL commencent aussi à agir dans la Ghouta orientale à l’est de la capitale syrienne. Selon un communiqué du FI, cité par al-Hadath News, (Document à droite) certains ont fait leur apparition dans un souk, portant des engins explosifs et distribuant des publications. Mais ils ont été honnis par les gens qui les ont livrés à l’Armée islamique (colonne vertébrale du FI).
Sans tarder, poursuit le communiqué, l’EIIL a enlevé les membres d’un barrage et ont tué son chef, ainsi que sa mère.
Auparavant, l'EIIL avait exécuté l'un de ses membres dans cette région, Anas Qouwayder (photo) , parce qu'il avait déserté ses rangs pour rejoindre ceux de l'Armée islamique. Il avait fait la même chose il y a un an, lorsqu'il a quitté le front al-Nosra où il était un juge religieux, pour se rallier à l'EIIL
Craignant la mainmise de l'EIIL, le FI a lancé un appel aux habitants de la Ghouta orientale, les sommant de ne pas héberger ses éléments et d’informer de leur présence les parties concernées.