Les rebelles qualifient leur retrait de Slaviansk et de Lougansk de "repli tactique"
Les rebelles prorusses se préparaient lundi à défendre leur principale place forte de Donetsk, alors que les forces de Kiev avançaient dans sa direction, après avoir pris samedi et dimanche plusieurs villes, dont Slaviansk, abandonnée sans combat par les insurgés.
Plusieurs leaders séparatistes ont affiché leur détermination à livrer bataille après ce "repli tactique", affirmant même, comme l'a dit l'un d'entre eux, Denis Pouchiline, que la défense de Donetsk, la capitale du bassin houiller du Donbass, allait marquer un tournant dans leur conflit avec Kiev.
Lundi matin la ville était calme et on ne notait pas de préparatifs militaires ou de présence accrue d'hommes armés dans les rues du centre où peu de gens circulaient. Les transports en commun fonctionnaient normalement, mais de nombreux magasins et restaurants étaient fermés, les distributeurs d'argent étaient hors service et certains quartiers n'avaient plus d'eau chaude.
Des combats étaient cependant signalés par les rebelles à Saour-Moguila, une colline stratégique près de Donetsk, où les insurgés auraient repoussé une avancée du bataillon de volontaires "Azov". L'incident n'a pas été confirmé par les autorités ukrainiennes.
Le potentiel militaire des rebelles - qui compteraient au total quelques milliers de combattants dans les régions de Donetsk et Lougansk et seraient soutenus, selon Kiev, par des volontaires recrutés en Russie - est difficile à mesurer. Des colonnes de véhicules transportant plusieurs centaines d'hommes ont été vues entrant à Donetsk pendant le week-end, ainsi que des blindés et des camions montés de canons anti-aériens.
Défendre une aussi grande ville n'est pas évident, même si des points de contrôle renforcés ont été érigés par les rebelles sur les grands axes. Des journalistes de l'AFP venant du nord ont ainsi pu entrer en ville en voiture dimanche sans être contrôlés.
Guérilla urbaine ?
Cependant, l'armée ukrainienne, la Garde nationale et les formations de volontaires qui les accompagnent sont confrontées à une tâche difficile.
Donetsk compte un million d'habitants et le président ukrainien Petro Porochenko s'est engagé solennellement à ne pas les mettre en danger. Entrer dans la ville avec des chars et des blindés exposeraient ceux-ci aux tirs d'armes anti-char, dont les rebelles sont amplement pourvus, comme l'a montré leur arsenal saisi à Slaviansk. Et une éventuelle guérilla urbaine, évoquée par les insurgés, ferait couler beaucoup de sang.
Les nouveaux chefs de l'armée, le ministre de la Défense Valeriï Gueleteï et son chef d'état-major Viktor Moujenko peuvent-ils opter pour un siège ? Ce serait difficile sur le plan militaire, et aussi sur le plan humain et politique, car ils prendraient en otage la population, dont ils ne veulent surtout pas qu'elle épouse la cause des séparatistes.
Selon l'ancien ministre de la Défense par intérim, Mykhaïlo Koval, actuellement numéro deux du Conseil de sécurité nationale et de défense, la stratégie, conçue par le président Petro Prochenko lui-même, consiste à établir un "blocus" tant de Donetsk que de l'autre grande ville rebelle, Lougansk. Ce "blocus complet" forcera les rebelles "à déposer les armes", a-t-il estimé à la télévision.
De fait, selon une carte de situation mise en ligne lundi par le leader insurgé Denis Pouchiline, les forces loyalistes -taxées d'"ukrofascistes" ou "nazies"- resserrent leur étau. Présentes depuis le début aux portes de Donetsk à l'ouest, où elles ont toujours gardé le contrôle de l'aéroport autour duquel se déroulent régulièrement des combats sporadiques, elles se rapprochent par le nord depuis trois jours, après la prise de Slaviansk, Kramatorsk, puis de Kostyantynivka et Artemivsk, à une soixantaine de kilomètres de Donetsk.
La grande inconnue reste l'appui que les habitants de Donetsk sont prêts à donner aux combattants insurgés.
Dimanche, plus de deux mille partisans de la "République populaire de Donetsk" - un nombre qui paraît modeste par rapport au million de ses habitants - se sont rassemblés dans le centre-ville proclamant leur intention de défendre la ville et leur appui aux "strelkovtsy", partisans du chef militaire des séparatistes Igor Strelkov, qui, selon Kiev, est officier du renseignement militaire russe.
Alors que les armes parlent, les efforts diplomatiques pour mettre fin à ce conflit qui a fait près de 500 morts en trois mois, semblent piétiner.
L'Organisation pour la coopération et la sécurité en Europe a annoncé qu'une réunion de représentants de l'Ukraine, de la Russie et de l'OSCE s'était tenue dimanche à Kiev, mais rien n'a été dit sur une éventuelle présence de rebelles et les participants se sont limités à "souligner l'urgence de faire des progrès concrets vers un règlement pacifique" de la crise ukrainienne.