Parier sur la provocation d’un conflit entre Sunnites et Chiites est voué à un plus grand échec.
Depuis le siècle dernier, le conflit principal dans la région a été et demeure toujours celui qui oppose l'axe occidental sioniste et ses prolongements arabes à l'axe de la libération et de la résistance.
Suite aux échecs encaissés par les forces hégémoniques, ce qui se passe actuellement dans notre région est l'une des formes indirectes de la guerre menée par ces forces via des outils locaux. Parier sur la provocation d'un conflit entre les Sunnites et les Chiites qui permettrait aux forces mentionnées de contrôler la région est voué à un plus grand échec, car il ne s'appuie pas sur des données réelles.
Il est déjà admis, puisque la suprématie militaire américaine et israélienne n'a pas pu contrôler la situation dans la région (échec de l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak, manque d'audace quant à attaquer l'Iran et la Syrie, échec des guerres israéliennes contre le Liban et Gaza) que l'axe israélo-américain table désormais sur la guerre indirecte, ou secrète, dans sa confrontation avec l'axe de la libération et de la résistance.
Il est également admis que cette forme de guerre n'est qu'une tentative de liquider -en les dressant les unes contre les autres- les entités arabes en présence (y compris celles qui recherchent la faveur des Israéliens ou se croient en alliance stratégique avec Washington) ainsi que les constituantes confessionnelles et ethniques des populations, et ce dans le but de les épuiser afin de pouvoir redessiner la carte de la région sous son aspect le plus conforme aux intérêts de l'axe israélo-américain.
Sous cet angle, il va de soi que le pari soit essentiel sur la provocation de la discorde sectaire entre les Sunnites et les Chiites vu la grande taille de ces deux communautés sur le plan démographique et, par conséquent, l'énormité des dégâts et des catastrophes susceptibles d'être subis par la région suite à leur entrée dans un conflit éventuel tant espéré.
Un tel pari possèderait réellement des chances de réussir s'il existait des facteurs doctrinaux, jurisprudentiels et historiques favorables à l'éclatement du conflit. L'absence de ces facteurs est compensée par la falsification des données et des faits parallèlement à l'influence qu'exercent sur certains la séduction matérielle et les intérêts égoïstes.
Sunnites et Chiites, dans le même camp
Pour ce qui est des facteurs doctrinaux et jurisprudentiels, il existe certes quelques différences entre Sunnites et Chiites. Mais elles ne suffisent, en aucun cas, pour rendre tendues les relations ou pour croiser les armes. Surtout que les différences sur ce plan entre les Sunnites eux-mêmes sont plus sensibles que celles qui les séparent des Chiites.
Quant aux guerres et révoltes qui éclatèrent au premier siècle de l'hégire et qui sont souvent utilisées arbitrairement et de manières abusives comme références pour donner au conflit une dimension historique, elles ont eu lieu pour la plupart, avant l'apparition des écoles théologiques et jurisprudentielles, et pour des raisons en rapport avec les luttes pour le pouvoir.
Ceux qui éclatèrent après l'apparition de ces écoles ne possédaient pas de caractère confessionnel.
Parmi les preuves évidentes, on note des positions bien connues prises par les grands imâms, chefs de file des écoles sunnites : Abû Hanifa an-Nu'mân, participa à deux révoltes chiites l'une contre le califat umayyade, l'autre contre le califat abbasside. L'Imâm as-Shafi'î fut accusé d'être pro-chiite et poursuivi par les Abbassides. Quant à l'attitude de l'Imâm Ahmad Ibn Hanbal, elle ne fut pas moins hostile aux Abbassides (sunnites) que celle des Chiites.
S'il est vrai que les antagonismes entre les deux partis ont atteint leur apogée durant les guerres qui ont opposé les Ottomans (sunnites) et les Safavides (chiites), les faits témoignent que Muhammad ‘Ali Pacha, le gouverneur sunnite d'Egypte, envoya son fils Ibrahim Pacha pour combattre les Ottomans qu'il a chassés hors de la Grande Syrie et poursuivis avec ses troupes jusqu'à «Kutahia», dans les profondeurs de l'Anatolie.
Quant à la Grande révolution arabe menée par les Sunnites à partir du Hedjaz, elle a asséné le coup fatal au califat ottoman au seul profit des Occidentaux qui en ont récolté les fruits et introduit la région dans l'ère de Sykes-Picot et de l'usurpation de la Palestine. Puis jusqu'à nos jours où les décideurs arabes (presque tous sunnites) nouent les plus solides relations stratégiques avec les puissances colonialistes et ne s'embarrassent pas de se rapprocher de l'entité sioniste.
Pas un seul conflit sunnite-chiite
Depuis la chute du califat ottoman, la région a été le théâtre de nombreux conflits. Aucun d'eux n'a opposé les Chiites aux Sunnites. A part les rivalités qui éclataient entre les chefs des régimes arabes (sunnites pour la plupart), le conflit principal était le conflit israélo-arabe, les guerres de libération dans des pays comme l'Algérie et le Yémen contre le colonialisme français et britannique, l'agression tripartite contre l'Egypte en 1965 et l'intervention américaine au Liban en 1985.
Dans tous ces événements qui s'inscrivaient dans le cadre du mouvement de libération arabe, les Sunnites et les Chiites se trouvaient côte à côte dans le même camp de résistance. Dans ce même contexte, les Chrétiens (Jules Jamal, George Habach et tant d'autres) ont activement participé à la lutte contre l'agression et l'occupation.
Si le mouvement de libération arabe a généralement reculé dans les conditions des traités de Camp David et d'Oslo, il a montré une vitalité sans précédent avec les victoires de la Résistance au Liban et en Palestine, mais également avec le refus par la Syrie des solutions de la paix/soumission agréées par la plupart des régimes arabes.
Il est certain que la victoire de la révolution islamique en Iran et la naissance de l'axe de la Résistance ont profondément inquiété les forces hégémoniques qui ont fait usage de leurs instruments et agents dans la provocation de conflits dont certains ont déjà échoués alors que d'autres, comme le prétendu conflit sunnite-chiite, sont voués en vitesse à l'échec.
Par Akil Hussein
Source : Al-Ahednews