La Turquie est également prête à laisser passer le gazoduc par son territoire sans tenir compte du mécontentement manifesté par Washington.
Le gazoduc South Stream est appelé à assurer la stabilité tant en Europe qu’au Proche-Orient, estiment les experts et les politiques occidentaux.
Plusieurs pays européens ont déjà fait connaître leur intention de continuer à travailler sur le projet malgré la pression mise par Bruxelles. La Turquie est également prête à laisser passer le gazoduc par son territoire sans tenir compte du mécontentement manifesté par Washington.
South Stream est un projet extrêmement important pour les pays européens, a déclaré la chef de la diplomatie italienne Federica Mogerini à l’issue des négociations avec son homologue russe Sergueï Lavrov. La diplomate italienne fait cependant une réserve à savoir qu’il fait avoir l’aval de la Commission Européenne. Sergueï Lavrov a rassuré Madame Mogerini en précisant que la Russie oeuvrait activement à surmonter les problèmes liés à la construction du gazoduc.
La Commission Européenne continue à mettre les bâtons dans les roues en tentant de rattacher le projet aux dispositions du Troisième paquet énergétique. Moscou avait pourtant plus d’une fois expliqué aux commissaires européens peu accommodants que tous les accords intergouvernementaux avec les participants avaient été signés avant l’adoption de ce document. A son tour, Bruxelles cherche quand même à donner à son paquet un effet rétroactif, ce qui est en contradiction flagrante avec le droit international, a fait remarquer Sergueï Lavrov :
« Nous procédons du fait que South Stream a une base très solide du point de vue du droit international. Elle se créait à l’époque où la Commission Européenne ne soulevait aucune objection. Aujourd’hui, lorsque la position de la CE tient compte des dispositions du « 3e paquet », nous sommes en présence d’un conflit juridique. En effet, comme tout document, le Troisième paquet énergétique n’a pas d’effet rétroactif parce que cela contredit les normes qui régulent les relations internationales. »
Il est évident que les raisons qui poussent les dirigeants de l’UE à bouder le projet sont strictement politiques. Les gouvernements de la majorité des pays européens soutiennent le projet mais ils sont contrecarrés par Bruxelles qui agit à son tour sous pression de Washington. Il s’agit d’une pression non dévoilée à tel point que la Bulgarie a été obligé d’annoncer la suspension des travaux après la visite d’une délégation des sénateurs américains dirigée Par John McCain.
Il n’en reste pas moins que ces dernières semaines la diplomatie russe a enregistré des succès manifestes dans la promotion du projet. L’Autriche et la Hongrie ont annoncé en juin leur soutien au projet. Elles ont été rejointes il y a quelques jours par trois pays des Balkans à la fois. La Bulgarie et la Slovénie ont fait ces déclarations pendant la visite de Sergeï Lavrov et la Serbie, pendant la visite à Moscou de son premier ministre Alexandre Vucic. D’ailleurs, c’était bien prévisible parce que le gazoduc est stratégique pour toute la région, assure Darina Grigorova, chargée de cours à l’Université de Sofia :
« Le projet du gazoduc South Stream a surgi en rapport avec la nécessité de contourner l’Ukraine. Premièrement, pour éviter une nouvelle guerre gazière et, deuxièmement, face au caractère imprévisible de la situation dans le sud-est de ce pays. Il faut surtout maintenant maintenir les liens entre la Russie et l’UE malgré la frénésie verbale tendant à faire croire que l’UE est entièrement dépendante de la Russie du point de vie de l’énergie. Il faut bien comprendre qu’il s’agit de l’interdépendance. »
La Russie propose à l’Europe un gaz bien traité et relativement peu cher, ce qui n’est pas le cas du gaz de schiste alternatif que les États-Unis s’efforcent d’imposer à l’Europe. Leur but est évident, couper le marché européen de la Russie et signer un traité transatlantique avec les Européens. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’Europe et Madame Grigorova est sûre qu’un tel traité transformera l’UE en colonie des États-Unis.
Si South Stream relie directement la Russie à la Bulgarie, cette dernière pourra, selon les experts, encaisser annuellement jusqu’à 4 milliards de dollars dans sa cagnotte budgétaire. La Serbie qui avait déjà signé le contrat de construction de la portion du gazoduc transitant par son territoire, deviendra dans peu de temps un centre économique et énergétique régional. Les autres participants en tireront également des bénéfices et la Russie pourra en outre avoir une meilleure posture aux Balkans.