En proie à la violence alimentée par l’instabilité politique, Bagdad n’est plus une destination sûre pour les Irakiens.
La ville sainte chiite de Najaf est devenue un nouveau pôle politique et militaire depuis le lancement par des insurgés radicaux d'une offensive portant les ferments d'une division de l'Irak sur des bases confessionnelles et ethniques.
La plupart des dirigeants politiques irakiens disent qu'ils veulent préserver l'unité nationale, mais la récente offensive terroriste a réduit l'influence de Bagdad au profit du Nord de l'Irak, où les Kurdes veulent instaurer un Etat indépendant, et de Najaf, ville qui abrite les sanctuaires les plus sacrés et les chefs religieux les plus puissants de la majorité chiite du pays.
Alors que le gouvernement central peine à faire face à l'assaut des insurgés menés par l'Etat islamique (EI), qui a débuté le 9 juin, Najaf a accueilli des milliers d'Irakiens fuyant la violence, et ses chefs religieux ont rallié des milliers de combattants chiites pour renforcer une armée nationale fragilisée.
"Merci à Dieu pour ces gens nobles et miséricordieux", déclare Abou Hussein, 36 ans, un chiite turkmène qui a été installé dans une salle de prière à Najaf avec 25 de ses proches ayant fui les combats au nord.
"Ils nous ont tout donné: du riz, de l'huile, de la viande, des habits et des couches", a-t-il ajouté en racontant, les larmes aux yeux, comment il avait vendu les bijoux de sa femme et de ses soeurs pour que sa famille puisse se rendre dans le Sud.
En proie à la violence alimentée par l'instabilité politique, Bagdad n'est plus une destination sûre pour les Irakiens, qui trouvent refuge désormais dans les régions contrôlées par les Kurdes ou dans le sud chiite relativement stable.
Peu de temps après son arrivée à Najaf, Abou Hussein a reçu 50.000 dinars (43 dollars) pour chaque membre de sa famille de la part d'une agence caritative liée au grand ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak.
Mobilisation à l'appel de Sistani
La province de Najaf, dont le chef-lieu porte le même nom, comptait 615.000
habitants en 2007. Elle a accueilli, depuis le début de l'offensive, au moins 24.000 déplacés qui, selon le Croissant-rouge irakien, ont reçu un traitement "exceptionnel".
L'organisation du mausolée de l'imam Ali, distribue quotidiennement quelque 9.000 repas aux nécessiteux, dont des sunnites ayant eux aussi trouvé refuge dans la ville.
Par ailleurs, des milliers de volontaires chiites se sont mobilisés en réponse à une fatwa de Sistani appelant au jihad contre l'EI, une première en Irak depuis plus de 90 ans.
Quelque 5.000 chiites se sont portés volontaires pour défendre par les armes le mausolée et ses environs, une cible de choix pour les extrémistes qui considèrent les chiites comme des hérétiques.
Des milliers d'autres sont allés renforcer les rangs de l'armée, impuissante au début de l'offensive des terroristes à Mossoul (nord), qui s'est élargie à d'autres provinces du nord et de l'ouest.
"J'ai dû refuser du monde", affirme Sayed Shubr, 42 ans, un ancien membre de l'armée irakienne qui forme maintenant les nouvelles recrues. Son groupe, placé sous les auspices des forces de sécurité nationale, opère sous le slogan "Au service de l'imam Hussein" et fait partie d'un groupe de volontaires plus large, incluant l'unité du "Martyre" pour les missions les plus dangereuses.