Personne ne sait où il se cache, on lui prête une grande capacité à se déguiser, à se fondre dans la population.
Il a échappé à toutes les tentatives d'assassinat et tient depuis trois semaines la dragée haute à la plus puissante armée du Proche-Orient: Mohammed Deïf, l'insaisissable chef militaire du Hamas, est un redoutable adversaire pour Israël.
Depuis plus de 20 ans, cet enfant de la bande de Gaza, né en 1965 dans le camp de réfugiés de Khan Younès (sud), est mêlé aux coups les plus durs portés contre Israël: enlèvements de soldats, opérations martyres, tirs de roquettes, tunnels d'attaque...
Désigné en 2002 pour prendre la tête des Brigades Ezzedine al-Qassam, la branche armée du Hamas, après la mort de son prédécesseur Salah Chéhadé dans un raid, Deïf a une longue histoire militante et clandestine, entamée dans les années 1980 quand, étudiant en biologie proche des Frères musulmans, il a été l'un des dirigeants du syndicat islamiste de l'Université islamique de Gaza.
En 2000, au début de la deuxième intifada, il s'est échappé (ou a été libéré) d'une prison de l'Autorité palestinienne de Yasser Arafat. Au grand dam des Israéliens qui l'avaient dans le collimateur depuis une décennie.
Juste après son accession au commandement des Brigades al-Qassam, Deïf a d'ailleurs été la cible d'une cinquième tentative d'élimination à Gaza. Il en est sorti très grièvement blessé, une paraplégie étant évoquée sans être jamais confirmée.
Il délègue la direction des Brigades à son adjoint Ahmad Jaabari, mais gagne chez ses ennemis le surnom de "chat aux neuf vies" et assied dans la bande de Gaza son statut légendaire, aussi résolu dans son combat contre Israël que mystérieux.
Le dernier cliché de Mohammed Deïf remonte à une vingtaine d'années. Personne ne sait où il se cache, on lui prête une grande capacité à se déguiser, à se fondre dans la population.
Sous couvert d'anonymat, un responsable du Hamas explique à l'AFP qu'il n'utilise aucun matériel informatique qui permettrait aux Israéliens de le localiser.
Peut-être a-t-il tiré la leçon de la mort de son mentor, Yahya Ayache, l'artificier du Hamas tué en 1996 par l'explosion d'un téléphone portable piégé par les services israéliens.
Cerveau des opérations martyres
De son vrai nom Mohammed Diab el-Masri, Deïf ("l'hôte" en arabe) doit son surnom à sa propension à changer sans cesse de résidence, selon le responsable du Hamas qui décrit un homme "poli, discret, parlant doucement", passionné de "stratégie militaire".
Ses interventions publiques sont rarissimes. En 2012, il avait mis Israël en garde contre une intervention sur le sol de Gaza pendant l'offensive israélienne "Pilier de Défense", déjà destinée à faire cesser les tirs de roquettes du Hamas.
Depuis, plus rien, jusqu'à un message diffusé mardi par les médias du Hamas et destiné à tuer dans l'oeuf des rumeurs d'accord pour une trêve.
Selon les Israéliens, Deïf est responsable de l'enlèvement et du meurtre en 1994 de soldats israéliens, comme le caporal Nachshon Waksman.
Après la mort d'Ayache, qui lui aurait inculqué l'expertise de la confection d'explosifs, il a endossé "le rôle de l'ingénieur des Brigades Ezzedine al-Qassam", selon le blog de l'armée israélienne.
Les Israéliens le considèrent comme "le cerveau" de la campagne d'opérations martyres qui a visé des bus et des lieux publics de Tel-Aviv et al-Qods jusqu'en 2006, et le tiennent pour "personnellement responsable de la mort de dizaines de civils".
Son rôle a aussi été crucial dans l'étape stratégique suivante du Hamas: toujours selon Israël, Deïf est l'un "de ceux qui ont élaboré les roquettes Qassam", de fabrication locale et d'une portée de 8 kilomètres, emblématiques du mouvement islamiste jusqu'à ce qu'il se dote d'engins plus perfectionnés grâce à la technologie iranienne.