Les dirigeants israéliens tentent pour le moment d’obtenir sur la table des négociations ce qu’ils ont été impuissants de prendre sur le champ de bataille.
Les médias israéliens ne semblent pas du tout adhérer à la version officielle israélienne sur une soi-disant victoire remportée par Tsahal dans l’offensive meurtrière « Bordure Protectrice » contre la bande de Gaza.
Une fois les hostilités suspendues, c’est le temps des comptes à rendre, loin de la sévère censure médiatique qui a prévalu durant la guerre. Et loin aussi de la propagande menée par les autorités israéliennes pour faire croire à cette victoire éclatante qui avait tant été promise par les dirigeants politiques et militaires israéliens, en temps de paix !
Or, les faits sont là, difficiles à contourner !
Les questions difficiles
Certains médias optent pour poser « les questions difficiles », au gouvernement israélien. Entre autre par le journal Yediot Aharonot.
La première, la plus importante, étant de savoir comment les factions de la résistance palestinienne ont pu sauvegarder leur puissance de feu balistique intacte jusqu’au dernier jour de confrontation, malgré les bombardements aérien et de l’artillerie israéliens ?
Une autre question est soulevée par le même journal, mais plutôt désarçonnée: « comment Israël n’a-t-il pas pu menacer les Palestiniens et leur faire comprendre qu’il compte réellement aller jusqu’au bout dans leur confrontation ? » On comprend difficilement ce qu’elle implique. Si ce n’est d’empêcher les Palestiniens d’utiliser leurs atouts de force.
D’autres questions plus directes sont posées :
((Comment se fait-il n’a-t-il pas pu en 29 jours de guerre découvrir les cachettes des dirigeants du Hamas et les liquider ?
Pourquoi l’armée (israélienne) n’a pas été prête à faire face aux dangers, pourquoi n’a-t-elle pas préparé un plan pour en finir avec les tunnels, pourquoi n’a-t-elle pas fourni assez de moyens et d’équipements pour les détruire?
D’autres questions concernent la débâcle de la force d’élite Golani : « Pourquoi les éléments de la force d’élite Golani ont-ils investi la bande de Gaza à bord de chars désuètes non blindés ? Et comment les Palestiniens ont-ils pu s’infiltrer à travers les tunnels pour tuer les soldats israéliens ?))
Et le journal poursuit ses questions sur la propagande israélienne qui avait pendant ces dernières années mis l’accent sur la restauration de la force de dissuasion de l’entité sioniste : « comment se fait-il qu’ils nous ont dit, une fois après l’autre, que les Palestiniens ont été vaincus, qu’ils crient au secours et demandent un cessez-le-feu alors que les factions palestiniennes sont restées persévérantes jusqu’à la fin ? Comment se fait-il que la dissuasion se soit totalement éclipsée et qu’Israël ait été incapable de frapper les dirigeants des factions ? »
Il conclut son article par un constat d’amertume, sur la rapidité avec laquelle les soldats israéliens se sont retirés de la bande de Gaza : « la disparition des soldats israéliens qui se sont retirés au plus vite, du jour au lendemain, a laissé un sentiment de déception et de dépression, car nous espérions une victoire éclaire, sans aucune ambigüité, qui puisse mettre un terme à la menace de la bande de Gaza à jamais », écrit-il.
Trop tôt les cris de victoire
Pour le Haaretz, il faut éviter pour le moment de chercher à identifier le vainqueur dans cette guerre, estimant que les choses ne peuvent être exclusivement évaluées à la lumière des dégâts infligés dans la Bande de Gaza. Il faut selon lui prendre en considération la teneur du compromis qui va être conclu à l’issue de la confrontation, et son efficience surtout.
« Les tambours de la victoire entendus ces jours-ci en Israël ne sont qu’une guerre psychologique à l’adresse du front intérieur pour convaincre les Israéliens que les sacrifices et les efforts déployés n’ont pas été vains », estime le journal.
Il poursuit en décortiquant les objectifs de cette propagande. Selon lui, l’image de la victoire est nécessaire pour le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu qui est parfaitement conscient que ses rivaux politiques n’attendent qu’à le massacrer politiquement. Il en est de même pour l’armée israélienne surtout qu’elle fait l’objet d’un déluge de critiques sur sa performance et celle de son commandement.
« Les commandants de bataillon font sortir leurs soldats de la Bande tout en s’efforçant d’aiguiser leur esprit combatif, pour les échéances futures », constate pertinemment le journal.
Autre constat évident: « le Hamas n’a pas été vaincu et restera l’organisation qui dirige la Bande de Gaza, il restera un partenaire central dans tout compromis futur, même indirectement. Et si la trêve aboutit à instaurer une percée dans le blocus imposé à la bande de Gaza, le prix exorbitant qui a été payé ne serait plus considéré que comme un sacrifice minime, de son point de vue ».
Lacunes dans les renseignements
Le Haaretz signale un certain nombre de lacunes dans la performance de l’armée israélienne, surtout au niveau des renseignements : « la première impression est que les services de renseignements n’ont pas réussi à évaluer correctement les changement survenus dans les orientations du Hamas avant la guerre. Les informations d’intelligence n’étaient pas compatibles avec les préparatifs militaires sur le terrain. Sans oublier que les renseignements n’avaient pas fourni d’informations sur les rampes de lancement des roquettes et leurs informations étaient partielles. Sans compter l’incapacité à porter atteinte au commandement du Hamas ».
A cet égard, le journal israélien rappelle que les anciens rapports médiatiques rendaient compte d’un optimisme démesuré et prématuré, lequel s’est avéré exagéré sur l’érosion du Hamas et des autres factions de résistance et leur disposition à accepter un cessez-le-feu.
Une victoire suspendue sur des suppositions
Dans sa tentative de protéger son dauphin, le journal proche du Premier ministre, Israel Yahom n’est pas très persuasif. Il dresse une liste de suppositions qui devraient être remplies au préalable pour en conclure à une victoire éclatante : « A supposer que la trêve se poursuive ; à supposer que l’Egypte ne permette plus de faire entrer des armes dans la Bande de Gaza, via Rafah ; à supposer qu’on ne fasse pas pression sur Israël pour ouvrir un passage au Hamas ; à supposer que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas puisse jouer un rôle plus important dans la bande de Gaza ; à supposer que les divergences s’attisent au sein du Hamas ; c’est alors que nous pourrons dire que la guerre a réalisé un succès patent », écrit-il.
Et quand bien même il tente de couvrir l’armée, en interrogeant : « que voudrez-vous du commandement de l’Etat-major, qu’il se comporte sans honnêteté ? Qu’il cache la vérité amère ?et qu’aurait pu faire Israël plus qu’il n’a déjà fait ? ».
L’aveu d’échec militaire ne peut être plus flagrant. Et pour longtemps. Seule roue de secours sur laquelle Israël table : la table des négociations. Comme pour le Liban en 2006...