L’appel a été lancé par Viane Dakhil, une députée yazidie dont les larmes mardi au milieu d’une session parlementaire ont touché au-delà de sa communauté.
Menacés par la famine et par les jihadistes, des milliers de Yazidis risquent de mourir dans les 48 prochaines heures si personne ne leur vient en aide, a mis en garde une députée irakienne devenue le visage de cette communauté.
"Il ne reste qu'un ou deux jours pour aider ces gens. Après ils vont commencer à mourir en masse" a dit samedi à l'AFP Viane Dakhil, une députée yazidie dont les larmes mardi au milieu d'une session parlementaire ont touché au-delà de sa communauté.
"Si nous --les (forces kurdes) peshmergas, l'ONU, le gouvernement, n'importe qui-- ne leur apportons pas un peu d'espoir maintenant, leur moral va s'effondrer, et ils vont mourir", a-t-elle ajouté, alors que des milliers de Yazidis, une minorité kurdophone connue pour adorer une divinité associée par les musulmans au diable, se sont réfugiés dans des montagnes arides du nord de l'Irak.
Depuis la prise dimanche par les jihadistes de la ville de Sinjar, où ils vivaient en nombre, ils tentent de survivre dans les montagnes environnantes, s'abritant tant bien que mal dans des cavités, sans eau ni nourriture sous des chaleurs accablantes, les températures pouvant atteindre les 50°.
Les attaques des jihadistes qui mènent depuis 2 mois une offensive en Irak contre cette communauté, quasiment inconnue jusqu'à la semaine dernière et de longue date l'une des plus vulnérables du pays, ont suscité l'indignation internationale.
Le président américain Barack Obama a ainsi accusé l'Etat islamique de viser "la destruction systématique de la totalité (...) du peuple (yazidi), ce qui constituerait un génocide".
Processus trop lent
Peu après ces déclarations, M. Obama a autorisé des frappes aériennes sur des positions jihadistes, une première depuis le retrait des troupes américaines du pays fin 2011, pour freiner l'avancée des extrémistes sunnites qui menacent aussi la minorité chrétienne et le Kurdistan irakien.
Les Etats-Unis ont également largué des vivres pour tenter de venir en aide aux réfugiés yazidis, dont la communauté compte entre 100.000 et 600.000 âmes en Irak, selon les estimations.
"Les milliers, peut-être des dizaines de milliers, d'hommes, femmes et enfants qui se sont enfuis vers la montagne sont menacés par la faim et la soif", a déclaré M. Obama samedi, ajoutant que les frappes aériennes se poursuivraient "si nécessaire".
Mais l'aide américaine n'a pas pu atteindre toutes les personnes éparpillées autour du Mont Sinjar, sur une soixantaine de km près de la frontière syrienne, a prévenu Mme Dakhil.
De plus, selon la responsable d'un programme d'aide ayant recueilli des Yazidis en Syrie, les largages d'eau n'ont pas toujours été réussis, "certaines bouteilles ont juste explosé".
Pour la députée, "les Etats-Unis devraient frapper Sinjar, même si cela fait des victimes civiles. Mieux vaut ça que de laisser tout le monde mourir".
"Les hélicoptères du gouvernement ont évacué quelques personnes, mais le processus est trop lent, nous avons besoin d'une solution plus rapide", presse celle dont le visage a fait le tour du monde depuis la diffusion d'une vidéo la montrant s'effondrer en larmes au milieu du Parlement au milieu d'un discours sur le sort de sa communauté.
Son appel à l'aide internationale pour venir au secours d'une communauté "en train d'être supprimée de la surface de la terre" a touché bien au-delà des frontières de l'Irak.
Samedi, raconte-t-elle à l'AFP, elle a pu s'entretenir avec une Yazidie coincée dans les montagnes avec ses 5 enfants. L'un est déjà mort. Un autre est en train de mourir, alors elle a décidé de les laisser et de traverser la montagne pour chercher un hélicoptère. "Son choix, c'était d'essayer de sauver trois de ses enfants, ou de laisser les cinq mourir".
Insolations, déshydratation
Depuis l'arrivée des jihadistes, des Yazidis ont été tués, d'autres errent dans les montagnes, mais quelques-uns ont réussi à passer en Syrie ou en Turquie voisine, grâce à des combattants kurdes syriens ou turcs qui les ont aidés à traverser les frontières.
Dans le nord syrien, où les Kurdes contrôlent certaines régions, l'International Rescue Committe(IRC) a recueilli environ 4.000 Yazidis.
"Ils souffrent de déshydratation, d'insolation et certains d'un sévère traumatisme", explique Suzanna Tkalec, ajoutant que plusieurs d'entre eux ont marché sans arrêt, des jours durant.
Et selon plusieurs informations, des centaines de femmes et de filles Yazidis ont été enlevées par l'EI qui en ont fait leurs esclaves, y compris sexuelles.
"Il y a de 520 à 530 femmes retenues dans la prison de Badoush", à Mossoul, 2e ville d'Irak tombée le 10 juin aux mains des insurgés, affirme Mme Dakhil.
"Les combattants de l'EI viennent tous les jours en prendre quelques-unes. Ils disent qu’ils les emmènent au paradis. On ne sait pas ce qu'ils font avec elles".
Ces informations ne peuvent pour l'heure pas être vérifiées, tout reportage dans les zones tenues par l'Etat islamique étant impossible.