L’évêque d’Amadiyah,Mgr Rabban al Qas accuse l’Arabie saoudite de soutenir tacitement les miliciens takfiris de l’Etat Islamique.
A rebours de sa doctrine de non-violence et de ce qu'il avait rejeté en 2013 pour la Syrie, le Vatican approuve de facto les frappes américaines contre les jihadistes takfiris de l'Etat islamique (EI) pour protéger les minorités de l'Irak, au nom d'un péril exceptionnellement grave.
Le Vatican approuve de facto les frappes américaines contre les jihadistes takfiris de l'Etat islamique (EI) pour protéger les minorités de l'Irak, au nom d'un péril exceptionnellement grave.
Observateur du Saint-Siège auprès des Nations unies, Mgr Silvano Tomasi a ainsi apporté un appui très net ce week-end sur Radio Vatican aux frappes décidées par Barack Obama, en estimant qu'il fallait "intervenir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard".
L'aide humanitaire est nécessaire mais pas uniquement. "Peut-être que l'action militaire est nécessaire", a-t-il ajouté, sans en dire davantage.
Même position pour Mgr Rabban al Qas, évêque d'Amadiyah, qui a demandé aux micros de Radio Vatican l'aide de "l'aviation américaine, pour ne pas laisser le loup se mettre dans le troupeau pour tuer, manger, démolir".
A l'Angelus, dimanche, François a maintenu sa ligne pacifiste rappelant aux jihadistes qu'on ne peut "faire la guerre au nom de Dieu" et demandé "une solution politique efficace au niveau international et local pour mettre un terme aux crimes et rétablir l'état de droit", sans porter de jugement sur les frappes américaines.
Pour le représentant du Saint-Siège à l'ONU, il faut aussi dévoiler l'identité de "ceux qui fournissent des armes et de l'argent aux fondamentalistes, les pays qui les appuient tacitement, (cela) doit être révélé". Mgr al Qas quant à lui a accusé nommément l'Arabie Saoudite.
Quant au patriarche chaldéen Louis Sako, il s'est dit "déçu" de la portée de l'intervention américaine qui ne viserait, selon lui, qu'à protéger la capitale du Kurdistan irakien et offrirait peu d'espoir d'une défaite des jihadistes.
"La position du président de n'apporter une assistance militaire que pour protéger Erbil est décevante", a commenté l'influent Mgr Sako. Le patriarche a constamment appelé ses ouailles à rester pour empêcher l'émergence souhaitée par les jihadistes d'un Irak sans chrétiens, et donc à ne pas profiter des visas humanitaires accordés par des pays comme la France.
Le Vatican a été critiqué pour la faiblesse de sa réponse. Alors que le nombre des déplacés aurait atteint plus de 200.000, notamment au Kudistan, le pape a décidé d'envoyer sur place un cardinal, ancien nonce en Irak, Fernando Filoni, qui doit partir bientôt pour Bagdad et au Kurdistan.
Entre le "non" de 2013 sur les frappes en Syrie et le oui tacite d'aujourd'hui, le contraste saute aux yeux.
L'été dernier, tous les évêques de la région recommandaient au pape d'empêcher les frappes américaines contre des cibles de Bachar el-Assad, accusé d'avoir employé des armes chimiques. François avait écrit en ce sens au G20 et organisé une journée de prière pour la paix et la non intervention.
Un an plus tard, comme en écho au président Obama qui a parlé du danger d'un "génocide" visant les minorités irakiennes, les évêques de la région ont alerté le Vatican sur le risque immédiat de massacres, et d'une disparition des chrétiens installés depuis deux mille ans.
Selon John Allen, expert américain du Boston Globe, la différence est évidente mais ne représente "aucun changement de la philosophie" du Saint-Siège.
La position actuelle s'explique, argue-t-il, par une "situation différente" de celle de 2003 quand Rome désapprouvait l'intervention armée contre Saddam Hussein et de celle de 2013 contre les frappes envisagées contre le régime Assad: "la perception au Vatican, c'est que la réalité présente est apocalyptique et qu'il n'y a pas d'alternative. En 2003 et en 2013, ils avaient jugé que ce qui suivrait un renversement de Saddam Hussein ou de Bachar el-Assad créerait une situation pire pour les chrétiens. En 2014, qu'est-ce qui pourrait être pire pour eux qu'une victoire de l'EI?"
Le catéchisme de l'Eglise catholique reconnaît la notion, strictement limitée, de "guerre juste", notamment le principe pour les gouvernements de "la légitime défense", "une fois épuisées toutes les possibilités de règlement pacifiques".
"L'extermination (...) d'une minorité ethnique doit être condamnée comme un péché mortel. On est moralement tenu de résister aux ordres qui commandent un génocide".