Une stratégie à trois paramètres : affaiblir l’armée libanaise, travestir la volonté politique interne, et interdire la coopération avec la Syrie.
Aarsale, prise en otage ainsi que son jurd par les miliciens takfiris des deux branches d’Al-Qaïda, Daesh et front alk-Nosra est en réalité l’otage de l’Arabie saoudite. C’est ce que pensent sincèrement des responsables politiques ainsi que d’anciens officiers de l’armée libanaise. Il faut coute que coute que le front de Aarsale reste enflammé dans le but de contrecarrer Damas et ses alliés.
Selon une importante personnalité du camp de 8-mars , sous le couvert de l’anonymat, la raison de cette position est que la fermeture de ce front ne tarderait pas à avoir des résultats positifs dans toute la province de Damas aussi bien pour l’armée syrienne que pour les alliés des autorités syriennes.
Affaiblir l’armée
Cette tactique passe semble-t-il par l’affaiblissement de l’armée libanaise, sollicitée fervemment ces temps-ci pour résoudre une fois pour toute l'affaire de l'enlèvement des militaires et des gendarmes par les miliciens. Surtout, depuis l'assassinat de deux d'entre eux.
« Il y a bien entendu une décision saoudienne de suspendre la mise en exécution de la dette de 3 milliards de dollars pour armer l’armée libanaise sous prétexte de la vacance présidentielle. Et il y a aussi une décision américaine pour ne pas faire exécuter ce don, pour plusieurs raisons, dont entre autre les divergences avec l’Arabie, pour la raison que celle-ci voudrait conclure une transaction d’armements avec Paris pour le montant de 25 milliards de dollars alors que Washington voudrait se l’accaparer », poursuit cette source.
Un autre responsable va dans le même sens. Selon lui, « il est strictement interdit à l’armée d’obtenir ce qui lui permettrait de vaincre les terroristes ». «Même le don d’un milliard nécessite plusieurs mois voir un an ou plus pour le liquéfier et obtenir les armements nécessaires », constate-t-il.
La situation est d’autant plus difficile pour l’armée libanaise que l’arsenal qu’elle a entre les mains est très limité et ne permet pas de mener une guerre de longue haleine. « Les Américains envoient les missiles au compte-goutte, pour des raisons qui leur sont propres, dont entre autre leur cout élevé », prétextent certaines sources militaires libanaises.
L'absence de volonté politique
Pour d’autres officiers, le problème réside dans le fait que l’Etat libanais a cessé de consacrer des sommes sérieuses pour équiper l’armée depuis les années 80 du siècle dernier et s'est contenté d’être tributaire des dons.
C’est surtout l’absence de la volonté politique qui est la cause principale de cette situation.
Pour le responsable du 8-Mars, le problème des munitions est bien facile à résoudre si la volonté politique de mener bataille est prise. « Le problème n’est pas logistique. Il dépend de la décision de l’Arabie saoudite que le camp du 14-Mars s’engage à respecter. Riad a décidé en 2011 que Aarsale serait un podium et un passage d’armements et de miliciens armés vers la province de Damas. Le temps n’est pas encore venu pour le fermer. Et les forces (pro saoudiennes) prétextent l’incapacité de l’armée de mener cette bataille dans le jurd énorme », explique-t-il.
Une observation qui rejoint la rhétorique d’une source proche de Saad Hariri, l’ancien Premier ministre et chef du courant du Futur pro saoudien: « ce qu’il faut aujourd’hui c’est séparer Aarsale de son jurd et empêcher les miliciens d’y retourner. Sinon, la bataille est plus grande que les capacités de l’armée».
La coopération interdite
Autre facteur essentiel pour pouvoir éradiquer les foyers des milices de Daesh et du Front al-Nosra, une coordination entre les deux armées syrienne et libanaise est primordiale, en raison entre autre de l’imbrication des territoires là-bas. C’est l’avis d’anciens officiers de l’armée libanaise. Il relève lui aussi de l'interdit!
Un handicap important si on sait que l’armée syrienne dispose d’une force de feu importante et peut très bien être d’une grande utilité, grâce entre autre aux avions Sukhoï qu’elle a utilisés dernièrement et qui ont fait leurs preuves.
« Notre gouvernement se cache derrière son doigt. Nombreux sont les États occidentaux et arabes qui ont repris leur coopération avec Damas. Comme l’Égypte. Il n’est question de coopération politique mais militaire et sécuritaire avec Damas ».
La réponse habituelle du 14-mars à ce genre de remarques est qu’il opte pour la politique de non alignement aussi bien avec la coalition de la révolution syrienne qu’avec le régime syrien.
« La politique de non alignement est valable lorsqu’il s’agit de s’abstenir de toute ingérence dans la bataille en Syrie, et non pas lorsque des terroristes occupent des terres libanaises, kidnappent des soldats et les tuent et lorsqu’ils tirent des roquettes sur les maisons des civils », réplique un officier.
Et de rappeler qu’une demande de coopération présentée par l’armée syrienne avant l’éclatement de la crise de Aarsale, a été refusée par le chef du gouvernement libanais Tammam Salam.
Quelque soient les dommages
Un politicien libanais proche de Damas est persuadé que « l’Arabie saoudite voudrait que le jurd de Aarsale soit un front ouvert face au Hezbollah et a l’armée syrienne.
« Elle n’en a cure des dommages collatéraux qui en découleront pour le Liban. Les Saoudiens ne voudraient pas que Daesh avale le Liban et leurs alliés là-bas mais ils ne voudraient surtout pas qu’ils laissent tranquille le Hezbollah et l’armée syrienne », conclut-il.
Avec al-Akhbar