Ainsi après avoir aidé à enfanter le monstre, les capitales occidentales feignent aujourd’hui de découvrir les horreurs sans nom commises par l’Etat islamique (Daesh)
Quand on écoute David Cameron fustiger les « terroristes » et affirmer qu’« avec l’Etat islamique, nous sommes confrontés à la menace la plus grave que nous ayons jamais connue », ou Barack Obama dénoncer la barbarie de l’Etat islamique (EI) après l’assassinat barbare de James Foley et avant-hier celle de Steven Sotloff on a envie de lui dire en face: arrêtez de mentir à vos opinions publiques !
Le même reproche peut être fait à Hollande et, partant, à tous ces dirigeants occidentaux qui feignent d’avoir pris la mesure de la menace djihadiste alors qu’ils sont plus que responsables dans l’émergence du terrorisme islamiste et de la déstabilisation du Proche et du Moyen-Orient.
Rappelons que c’est un certain Zbigniew Brzezinski, ancien conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter et conseiller de Barack Obama pendant la dernière campagne présidentielle, qui a été dans les années 1970 le promoteur de la doctrine de la ceinture verte consistant à utiliser la mouvance islamiste, avec pour pays pivots les pétromonarchies du Golfe, la Turquie et le Pakistan, pour combattre le communisme soviétique.
L’Afghanistan aura été le terrain d’expérimentation de cette stratégie. Et depuis, malgré l’effondrement de l’URSS et la fin de ce qu’on appelait le « camp socialiste » en Europe de l’Est, Washington et ses alliés ont poursuivi cette stratégie à l’endroit des pays arabes et musulmans dotés de régimes autrefois alliés de Moscou. Dans leur ligne de mire, la Syrie, l’Irak, l’Algérie malgré le virage droitier de Chadli Bendjedid, pays dirigés par des régimes autoritaires et corrompus, auxquels Washington préférait des régimes islamistes.
C’est d’ailleurs ce qu’a réaffirmé l’ancien secrétaire d’Etat-adjoint de Bill Clinton, Robert Pelletreau, souhaitant ouvertement l’émergence de régimes islamistes allant du golfe Persique à l’Atlantique parce que, estimait- il, ils seront favorables aux intérêts étasuniens.
Pour en revenir à David Cameron, rappelons que Londres était la plaque tournante de l’islamisme mondial dans les années 1980 et 1990. Côté algérien, le FIS, l’AIS et le GIA avaient pignon sur rue, éditant des documents comme « Al Ansar », « Etbicira » et autres, dans lesquels ils revendiquaient leurs actes en toute impunité. Il en va de même de leurs mentors, l’Egyptien Abou Hamza, le Jordanien Abou Qoutada ou le Syrien Omar Bakri, qui ont légitimé par des fatwas les massacres commis dans la Mitidja et les attentats du djihad islamique en Égypte, avant de légitimer l’attentat du World Trade Center. Rappelons simplement que pour ces djihadistes radicaux, ayant bénéficié du gîte et du couvert à Londres, la Palestine ne figurait pas au rang des priorités.
Ainsi après avoir aidé à enfanter le monstre, les capitales occidentales feignent aujourd’hui de découvrir les horreurs sans nom commises par l’Etat islamique (EI) en Irak ! Or, quand ils ont décidé dès mars 2011 d’aider l’opposition syrienne en lui accordant une assistance militaire (logistique et technique), alimentant de fait la guerre civile en Syrie au lieu de peser de leurs poids pour contraindre les protagonistes syriens (pouvoir et opposition) à négocier, ils savaient de quoi il retournait.
Ils savaient, par exemple, que les volontaires étrangers venant s’enrôler dans les rangs de l’EI ou du Front al Nosra, et que les armes transitaient (et transitent) par la Turquie et la Jordanie. Chacun sait que le sud de la Turquie, pays membre de l’Otan, sert de base-arrière aux djihadistes de tout poil, et qu’Ankara ne fait rien pour intercepter ces «volontaires» venus d’Europe, du Maghreb et d’Asie centrale pour rejoindre les rangs de l’EI du Front al Nosra. Ils savaient et savent que les djihadistes avaient pris le pas sur l’Armée syrienne libre (ASL) et qu’ils commettent des crimes de masse. Comme ils savent que ces fous furieux sont financés et armés par les pétromonarchies du Golfe, ce que le sommet de la Ligue arabe de Doha en mars 2013 a publiquement officialisé. Mesures approuvées par John Kerry affirmant que « le président Obama a dit clairement que les Etats-Unis ne font pas obstacle aux pays qui ont pris la décision de fournir des armes [aux rebelles], que ce soit la France, le Royaume-Uni, ou d’autres ».
Dans leur sordide logique, Washington et ses alliés européens et arabes pensaient que l’établissement du califat à cheval sur l’Irak et la Syrie allait permettre de prendre la Syrie en étau et précipiter la chute du régime de Bachar. Le résultat : ils ont permis au régime syrien de se refaire une virginité à bon compte en se présentant comme un rempart contre l’hydre salafo-djihadiste...
Hassane Zerrouky