Daesh est particulièrement violent envers la minorité yazidie, kurdophone, chiite et non musulmane.
La jeune Yousra essuie une larme et pose sa tête sur l'épaule de Parzhin, l'employée humanitaire qui écoute cette Yazidie de 14 ans lui confier ses maux après avoir été chassée de son village par les terroristes dans le nord de l'Irak.
Assises en tailleur, elles échangent en toute discrétion au 4e étage d'un immeuble en construction de Zakho, dans la région autonome du Kurdistan. La confiance qui s'est établie entre elles au fil des jours est essentielle, explique Parzhin, membre du programme de santé mentale mise en place par l'ONG Action contre la faim (ACF).
Yousra et sa famille ont été contraints de fuir comme 1,8 million de personnes en Irak cette année selon une estimation de l'ONU. Ces populations doivent désormais survivre dans des conditions souvent extrêmes, avec les traumatismes de la guerre.
La famille est partie début août dès que les rumeurs de l'arrivée des terroristes de Daesh, particulièrement violents envers la minorité yazidie, kurdophone et non musulmane, ont atteint son village des monts Sinjar.
"Quand on a entendu que l'EI arrivait, on a eu peur que les gens soient égorgés et les femmes enlevées, alors on a fui dans les montagnes", raconte l'adolescente en remettant nerveusement son foulard blanc autour de son cou.
Elle est restée neuf jours dans ces monts désertiques, sous un soleil brûlant, sans eau ni nourriture. Elle a vu des enfants souffrir de faim et de soif.
"Puis le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) est venu et nous avons marché jusqu'ici", confie-t-elle, installée avec 7.000 autres personnes dans un ensemble de six immeubles en chantier.
Les travaux ont repris dans l'un des bâtiments et les ouvriers se pressent au milieu des réfugiés, dont certains sont installés dans des étages sans fenêtres ni murs.
"Personne ne peut vivre ici, dit Yousra. L'hiver va arriver et il n'y a personne pour nous aider à déménager vers des camps".
Etre là pour eux
Parallèlement à l'aide humanitaire en nourriture et en eau, ACF a rapidement mis en place un programme d'aide en santé mentale et pratique de soins, explique Eric Besse, coordinateur de terrain.
Chaque jour, des employés de l'ONG comme Parzhin passent du temps avec les réfugiés pour les aider.
"Notre but, c'est qu'ils sachent qu'il y a des gens qui sont là pour eux", explique-t-elle. Ils ont "été affectés par beaucoup de choses, par ce qu'ils ont vu... Nous sommes là pour les soutenir psychologiquement. Nous voulons créer un espace afin qu'ils puissent exprimer leurs émotions".
Son travail avec Yousra consiste tout d'abord à la "laisser s'exprimer" car "je suis là pour l'écouter", martèle-t-elle.
L'aide psychologique permet également de faire passer des messages de première nécessité aux réfugiés, pour leur apprendre à s'adapter aux difficiles conditions sanitaires.
"Nombre d'entre eux viennent de la classe moyenne", explique un membre d'ACF, et il faut leur apprendre à utiliser les moyens d'urgence mis à leur disposition car ils ne sont pas habitués à un tel dénuement.
Des citernes ont ainsi été installées au pied des immeubles par les autorités kurdes mais la situation sanitaire s'aggrave. Ce travail peut notamment se faire en groupe, avec les familles, à travers des ateliers ou des jeux.
Mais "ici nous n'avons pas d'endroit pour faire jouer les enfants", regrette Parzhin. Alors elle passe de famille en famille, pour "essayer de redonner de l'espoir et des moments de rire".