24-11-2024 04:43 AM Jerusalem Timing

Syrie: les pays du Golfe visent aussi Assad en bombardant Daesh

Syrie: les pays du Golfe visent aussi Assad en bombardant Daesh

Les Etats du Golfe pourraient être confrontés à "une agitation en raison de leur participation à une coalition dirigée par les Etats-Unis".

Les monarchies du Golfe ont décidé de se joindre aux frappes contre les jihadistes en Syrie après avoir enfin obtenu l'engagement militaire américain qu'elles réclamaient, espérant qu'il conduira in fine à un changement de régime à Damas, selon des experts.
   
A court terme, l'alliance avec les Etats-Unis présente cependant un double risque pour ces monarchies: le possible renforcement du régime de Bachar Al-Assad et l'opposition d'une partie des populations de leurs pays majoritairement sunnites à un alignement sur Washington contre des groupes sunnites comme l'Etat islamique (EI), ajoutent-ils.
   
Depuis 2011, les pays du Golfe avaient dû faire avec les hésitations du président Barack Obama qui s'est montré indécis, réticent puis opposé à engager militairement Washington contre Bachar Al-Assad. Certains d'entre eux ont été accusés de financer des groupes islamistes sunnites pour arriver à leur fin en Syrie.
   
Avant de sceller un nouveau partenariat avec Washington, les monarchies du Golfe ont posé "une condition très claire: pas de soutien à la politique américaine (contre) l'EI en Irak sans action militaire en Syrie", explique Mustafa Alani, analyste au Gulf Research Center basé à Genève.
   
L'alliance est devenue officielle le 11 septembre à Jeddah (Arabie saoudite) où dix ministres arabes ont engagé, en présence de l'Américain John Kerry, leur pays à "prendre part chacun à la lutte globale contre l'EI", y compris dans le cadre d'une "campagne militaire coordonnée".
   
"La première raison" pour expliquer la participation de pays du Golfe à l'intervention en Syrie "est liée au fait qu'ils ont été accusés d'aider et de financer l'EI et d'autres groupes terroristes", souligne Abdulkhaleq Abdulla, professeur de sciences politiques à l'Université des Emirats.
   
Mais "l'EI est en fait une menace pour la sécurité (de ces monarchies) et aussi pour la légitimité idéologique de l'Arabie saoudite", berceau du wahhabisme (version rigoriste de l'islam), ajoute M. Abdulla.
   
Il est aussi "significatif" de voir désormais l'Arabie saoudite et le Qatar dans le même camp après un conflit ouvert où Ryad a longtemps accusé Doha de soutenir la mouvance islamiste et de menacer la sécurité régionale, note Frederic Wehrey, spécialiste du Golfe et de la politique américaine au Moyen-Orient à l'institut Carnegie Endowment for International Peace.
   
Selon François Heisbourg, de la Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), la campagne en Syrie est un "remake élargi" de la guerre de 2011 en Libye avec l'intervention d'avions émiratis et qataris.
   
Mais, comme à l'époque, les actions communes d'aujourd'hui contre l'EI ne signifient pas que les pays impliqués poursuivent les mêmes objectifs, souligne cet expert. "Avec le temps, nous verrons diverger les ordres du jour contrastés des soutiens des Frères musulmans (Qatar, Turquie) et des autres Etats de la région".
   
 
Espoir de voir partir Assad in fine

Frederic Wehrey note que l'intervention des pays du Golfe pourrait, dans un premier temps, aller dans le sens des intérêts de Damas. "Je pense que le fait que le Golfe serve par inadvertance d'appui aérien à Assad posera un gros problème".
   
Mustafa Alani estime, au contraire, que l'opération de la coalition réduit de fait les capacités de Damas.
"La présence d'avions américains dans l'espace aérien syrien, particulièrement dans le nord, transforme cette partie de la Syrie en +No Fly zone+ (Zone d'exclusion aérienne, NDLR) pour l'armée de l'air syrienne", dit-il.
   
Selon M. Abdulla, outre l'élimination des groupes islamistes radicaux, l'objectif ultime des pays du Golfe est "d'amener Assad à un nouveau cycle de négociations +Genève III+ avec l'espoir de le voir partir in fine, comme cela a été cas pour (Nouri) al-Maliki", l'ex-Premier ministre irakien.
   
Parallèlement à la campagne aérienne, Ryad a décidé d'entraîner des rebelles de l'opposition syrienne modérée.
   
Dans l'intervalle, estime M. Wehrey, les Etats du Golfe pourraient être confrontés à "une agitation en raison de leur participation à une coalition dirigée par les Etats-Unis".
   
En Arabie saoudite, "les bombardements contre l'EI sont impopulaires parmi un segment de la population". Il y a "aussi la perception dans le Golfe que les Etats-Unis attaquent des sunnites tout en privilégiant des minorités comme les Kurdes ou les Yazidis, et plus particulièrement les chiites", ajoute M. Wehrey.
"Des voix radicales dans le Golfe pourraient tirer profit de ce sentiment pour mettre leurs régimes sur le banc des accusés pour collaboration avec les Etats-Unis", prévient l'expert.